CHINAHOY

31-December-2013

Shanghai : le « Paris de l'Orient » prend un nouveau départ

 

Sur la terrasse du Bund de Shanghai, un touriste prend des photos.

 

LIU QIONG, correspondante spéciale

« Shanghai ressemble à beaucoup d'autres villes dans le monde. Elle prend des allures de New York, Londres ou encore Madrid, mais surtout, de Paris », compare Zheng Shiling, vice-président de la Société d'architecture de Chine et membre de l'Académie française d'architecture, qui vit depuis des années à Shanghai.

Shanghai, autrefois surnommée le « Paris de l'Orient », était déjà dans les années 1920 et 1930 la métropole la plus prospère de l'Extrême-Orient. Aujourd'hui, cette ville située dans l'estuaire du Yangtsé, la deuxième plus grande au niveau national, prend un nouveau départ, accélérant son ouverture et son développement. Elle cherche à devenir par là même un grand centre économique, financier et commercial international au même titre que New York, Londres ou Tokyo, ainsi qu'une capitale de la mode à l'instar de Paris ou Milan.

Une concentration de sociétés internationales

Lan Zhenzhen est l'une des premières personnes que le groupe industriel français de produits cosmétiques L'Oréal a recrutée pour sa filiale de Hong Kong. En 1997, après avoir étudié le marché de la partie continentale de la Chine, L'Oréal a décidé d'établir une succursale à Shanghai, désormais son siège pour la région Asie-Pacifique. Lan Zhenzhen est alors venue travailler dans cette ville.

L'Oréal avait tout à construire à Shanghai. Mais sur ce nouveau marché que constituait la partie continentale de la Chine, les ventes du groupe français ont enregistré une croissance à deux chiffres pendant douze années d'affilée, y réalisant en 2012 un chiffre d'affaires de 12,05 milliards de yuans. Par ailleurs, le groupe ne cesse d'accroître ses investissements en Chine. « En juillet dernier, L'Oréal a officiellement transféré son siège pour l'Asie-Pacifique de Paris à Shanghai », a déclaré Lan Zhenzhen, maintenant vice-PDG de L'Oréal en Chine.

Shanghai est de nos jours un lieu de choix pour les multinationales souhaitant s'implanter en Chine. Mais à vrai dire, Shanghai a toujours été considérée comme la ville la plus stratégique du pays. Au XIXe siècle, elle était le port reliant la Chine et l'Europe. Depuis la réforme et l'ouverture, le gouvernement chinois y a mis en œuvre un plan de développement à long terme, érigeant Shanghai en une importante ville côtière jouant un rôle clé dans le développement économique de la Chine.

En 1992, après la tournée d'inspection que Deng Xiaoping a effectuée dans la nouvelle zone de Pudong, les activités financières et les investissements étrangers ont pris un nouvel essor à Shanghai, qui est rapidement devenue le centre financier du pays. « En l'espace de 15 ans seulement, Shanghai a accompli ce que Londres avait mis 150 ans à faire », a commenté Wu Zhiqiang, professeur d'urbanisme à l'université Tongji de Shanghai.

Fin 1945, un journaliste de l'hebdomadaire Time avait ainsi décrit cette ville : « À n'en point douter, c'est une métropole marquée par la rencontre entre l'Orient et l'Occident où il est possible de gagner beaucoup d'argent. Les ruelles traditionnelles en contraste avec les résidences occidentales composent un paysage intéressant. Partout circulent vélos, pousse-pousse et vieilles voiturettes le jour ; la nuit, les habitants s'amusent dans les bars et les clubs. Telle est l'ambiance de Shanghai, où même dans les ruines de la guerre, les gens maintiennent une vie décente et ludique. »

Le 4 juillet 2009, Frédéric Bobin, correspondant en Chine pour le journal Le Monde, a exprimé sa première impression sur Shanghai : « C'est une ville qui ne fait pas les choses à moitié et qui ne fait pas preuve de modestie. Elle affiche de grandes ambitions et ne s'en cache pas. La mode s'y épanouit à chaque coin de rue : les corniches des bâtiments sur le Bund, les gratte-ciel au centre financier de Pudong et la vibrante vie nocturne. »

En quelques décennies, la bourgade ordinaire qu'était Shanghai s'est métamorphosée en une mégalopole cosmopolite hébergeant une population de 23 millions d'habitants, qui se classe désormais parmi les premières métropoles au monde. Pas moins de 750 multinationales ont établi des bureaux à Shanghai. Certaines entreprises internationales listées au Fortune Global 500, notamment Intel Corporation, IBM, Acer, AT&T, Sony, Philips, BASF et DuPont, ont l'une après l'autre déplacé leur siège régional à Shanghai.

Le « Paris de l'Orient »

La place Yueyang, où est domiciliée la compagnie de Lan Zhenzhen, est située à proximité de Jing'ansi, la rue commerciale la plus animée de Shanghai. Des deux côtés de cette route, s'étire une rangée de platanes, la variété d'arbre la plus fréquente de la ville. On raconte qu'ils auraient été introduits par des missionnaires français vers 1890.

À l'époque moderne, parmi les missionnaires français venant à Shanghai, se trouvaient des peintres, sculpteurs et musiciens professionnels. Ils y avaient formé des experts en arts occidentaux, donnant à Shanghai cette ambiance artistique, humaine et moderniste. Durant l'Exposition universelle de Shanghai en 2010, plus de 10 millions de visiteurs étaient venus admirer six œuvres impressionnistes françaises, dont La salle de danse à Arles de Van Gogh, L'Angélus de Millet et Le Balcon de Manet ainsi que Le Penseur de Rodin. Le Figaro, qui s'était penché sur l'évènement, avait titré un article « Shanghai donne rendez-vous au monde entier ».

En effet, Shanghai, appelée dans les années 1930 le « Paris de l'Orient », a attiré, en tant que centre de la mode, des foules de toute nationalité. De la fondation de la Chine nouvelle jusqu'à la réforme et l'ouverture, Shanghai était vue comme le cœur des industries légères (vélos, montres...) et textile.

« Shanghai doit continuer à rechercher la qualité et la finesse des produits moyen et haut de gamme, ainsi que développer l'industrie de la mode si elle veut rester à l'avant-garde dans ce domaine », a fait remarquer Ge Wenyao, ancien directeur général du groupe Jahwa à Shanghai.

D'après lui, depuis 30 ans, la grande majorité des produits de luxe vendus à Shanghai sont des marchandises importées. Malgré la présence de célèbres maisons et marques internationales, Shanghai reste actuellement, dans le secteur de la mode, un centre de consommation plutôt qu'un centre de création à l'image de Paris.

Certaines entreprises shanghaïennes et marques chinoises de mode se sont lancées à la conquête du marché. Shanghai Tang, créé en 1994, compte 40 boutiques réparties dans les quartiers commerçants haut de gamme les plus prestigieux au monde, tels que ceux de Shanghai, New York, Paris, Londres et Madrid. Depuis 2008, Herborist, l'une des marques sous la direction de Ge Wenyao, est vendue dans les magasins Sephora, relevant du groupe LVMH, en France comme dans d'autres pays européens, et notamment dans la boutique phare de Sephora située sur les Champs-Élysées.

De nouvelles opportunités avec la zone de libre-échange

Le patron de Lan Zhenzhen, Alexis Peraks Valat, vice-PDG exécutif du groupe L'Oréal (en charge de la région Asie-Pacifique) et son PDG en Chine, ne parlait pas du tout chinois en septembre 2010, quand il a pris son poste à Shanghai. Maintenant, il est capable de tenir des discours en chinois qui galvanisent ses auditeurs. « En tant que grand marché émergent, la Chine jouera un rôle primordial dans la croissance de L'Oréal, qui s'est fixé pour objectif de séduire 1 milliard de consommateurs supplémentaires dans le monde entier d'ici 10 à 15 ans », a indiqué Alexis Peraks Valat.

La création de la zone expérimentale de libre-échange de Shanghai fin septembre 2013 a élargi les possibilités de développement offertes aux entreprises à capitaux étrangers. Cette récente zone de libre-échange vise à faciliter les activités des opérateurs dans la région Asie-Pacifique. Le 6 décembre 2012, Shanghai a annoncé le lancement de ce projet, dans l'espérance de transformer en trois ans les entreprises réunissant les conditions nécessaires dans la zone franche de Shanghai en opérateurs chargés de la gestion des commandes, des paiements, et de la logistique en Asie-Pacifique, pour le compte de leur société mère.

Danfoss, l'un des plus importants groupes industriels danois, fait partie des 20 premières entreprises participant à ce projet. En 2012, le chiffre d'affaires de Danfoss, qui a fait son entrée sur le territoire chinois il y a 17 ans, a atteint 2,6 milliards de yuans. La Chine est devenue son troisième plus grand marché et son premier plus grand acheteur.

« Grâce à la politique préférentielle amorcée par la zone de libre-échange, qui apportera un soutien aux entreprises internationales souhaitant développer leurs affaires dans la région Asie-Pacifique, Danfoss optimisera ses opérations, perfectionnera sa distribution et améliorera son rapport qualité-prix en Chine. Notre société se prépare ainsi à transférer en Chine son centre de distribution pour la région Asie-Pacifique », a déclaré Zhang Ledan, directeur général de la filiale de Danfoss à Shanghai.

« Les sièges régionaux des multinationales regroupent souvent de multiples fonctions, y compris la gestion, le commerce, le financement, l'investissement ou encore la R&D. Avec ses politiques favorables à la fois sur les plans commercial, financier et de l'investissement, la zone de libre-échange de Shanghai offre un climat séduisant », a expliqué Tan Qi, partenaire financier et commercial d'Ernst & Young dans la région du Centre de la Chine.

D'après le Wall Street Journal, à travers la zone de libre-échange de Shanghai, les dirigeants d'État chinois réaliseront leur rêve de transformer Shanghai en un centre financier international capable de rivaliser avec Hong Kong ou Singapour.

 

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