CHINAHOY

9-December-2016

Le protectionnisme commercial ne doit pas être encouragé

 

 

 
 

La Chine s'oppose à la récente proposition de l'OMC de moderniser les instruments de défense commerciale, méthode déguisée pour prolonger l'exécution de l'Article 15 du Protocole d'accession de la Chine à l'OMC, dont l'expiration est prévue au 11 novembre 2016.

 

LU RUCAI, membre de la rédaction

 

Le 11 décembre 2016 marque le 15e anniversaire de l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En vertu de l'Article 15 du Protocole d'accession de la Chine à l'OMC, les membres de l'OMC sont tenus de mettre fin, d'ici cette date du 11 décembre 2016, à la pratique dite de « pays de substitution » contre la Chine dans les cas antidumping. Il s'agit d'une obligation internationale s'appliquant à tous les pays membres dans le cadre des règlements de l'OMC.

Pourtant, le 19 octobre dernier, la Commission européenne a publié une communication intitulée Vers une politique commerciale solide de l'UE, au service de l'emploi et de la croissance, qui appelle les États membres de l'UE à soutenir sa proposition de moderniser les instruments de défense commerciale, l'objectif étant principalement d'annuler le principe du « droit moindre », et un nouveau modèle d'enquête antidumping. Ce nouveau modèle fait le lien entre surcapacité et mesures de défense commerciale. Il prendra pour condition préalable la présence ou l'absence de distorsion de marché afin de déterminer si la base de comparaison pour établir s'il y a oui ou non dumping sera les coûts et les prix du pays mis en cause ou d'autres valeurs. Les facteurs pris en compte pour évaluer la distorsion de marché seront notamment l'influence politique du gouvernement, le taux de répartition des entreprises d'État et l'indépendance des institutions financières. Ainsi, un programme de subvention du gouvernement pourra être soumis à des mesures antisubventions même s'il ne fait pas l'objet d'une accusation. « Bien que ce nouveau modèle ne cible pas explicitement la Chine, lorsque l'UE énonce cette distorsion des prix, certaines conditions sont dirigées à l'encontre de la Chine », déclare Xue Rongjiu, maître-conférencier spécialiste du commerce international à l'Université de commerce international et d'économie de Beijing et vice-président de la Société chinoise d'études sur l'OMC. Peu de temps après, le 9 novembre, la Commission européenne a officiellement soumis au Parlement européen et au Conseil européen une proposition visant à modifier le système de droit antidumping.

« La Chine a toujours respecté les règles de l'OMC dès son adhésion, ce qui lui a procuré de nombreux avantages, à elle bien sûr, mais aussi au monde entier », affirme Xue Rongjiu. Il espère, par conséquent, que les membres de l'OMC qui recourent à une politique des prix dite du « pays de substitution » à l'encontre de la Chine mettront fin à cette méthode, comme prévu et sans façon. Dans le cas contraire, des répercussions négatives pourraient venir entacher les relations économiques et commerciales entre la Chine et ces États membres.

 

Des règles respectées par la Chine

Xue Rongjiu indique qu'après 15 ans de négociations sur le rétablissement du statut de partie contractante de la Chine au GATT et son adhésion à l'OMC, la Chine est devenue le 143e membre de l'OMC le 11 décembre 2001. « La Chine a non seulement accepté presque trente règlements multilatéraux de l'OMC, mais aussi quatre règlements spécifiques. » Il rappelle ces quatre règles : la règle sur l'examen transitoire, la clause de sauvegarde spéciale, la clause de sauvegarde spéciale textile, ainsi que les conditions de prix dites du « pays de substitution » dans le cadre du droit antidumping. Ces règles sont mentionnées dans l'Article 15 du Protocole d'accession de la Chine à l'OMC.

À son adhésion à l'OMC, la Chine a non seulement accepté l'examen des politiques auquel chaque membre doit se soumettre, mais aussi un examen spécial annuel, ciblant exclusivement les politiques commerciales de la Chine. Il s'agit de la règle sur l'examen transitoire. Ce mécanisme d'examen spécial a été mis en œuvre au cours des dix années consécutives qui ont suivi l'adhésion de la Chine à l'OMC, puis a expiré en 2011.

Dans le même temps, la Chine a approuvé la « clause de sauvegarde spéciale ». « Si l'exportation d'un produit par la Chine menace gravement un secteur dans un pays membre de l'OMC, ce dernier peut prendre des mesures individuelles à l'encontre du produit chinois pour en limiter l'exportation. » Xue Rongjiu précise que cette clause de sauvegarde spéciale a expiré en 2012. Et pour ce qui est de la « clause de sauvegarde spéciale textile », elle résulte des Accords multifibres signés dans les années 1970 par les pays développés pour imposer aux pays en développement des quotas d'exportation dans cette industrie. Xue Rongjiu raconte que lors du cycle d'Uruguay, face à l'insistance des pays en développement, les pays développés se sont engagés à supprimer progressivement, d'ici 2005, ces restrictions à l'exportation des produits textiles. La Chine, « grande puissance commerciale » dans ce domaine, devait elle aussi bénéficier de ce traitement. Toutefois, elle a accepté, sous la contrainte, que l'abandon de ces quotas soit reporté à 2008, soit trois ans plus tard.

Aujourd'hui, à l'heure où la quatrième clause spéciale approche de sa date d'expiration, la Commission européenne propose d'utiliser la notion de « distorsion de marché » à la place de la norme pour les « économies de marché », cherchant par un subterfuge à prolonger l'utilisation de la méthode dite de « pays de substitution ». Xue Rongjiu insiste sur le fait que mettre fin en temps voulu aux conditions de prix dites du « pays de substitution » est une obligation internationale qui s'applique à tous les membres de l'OMC. Il s'agit d'une obligation absolue ! Les membres doivent s'y conformer en temps et en heure, de bonne foi et sans compromis.

 

Une ouverture chinoise dépassant les engagements

D'après Xue Rongjiu, la Chine est un pays qui s'est conformé à la réglementation de l'OMC et a pris ses responsabilités lorsqu'elle est devenue membre de cette organisation. Elle a adhéré aux règles, les a assimilées, observées, appliquées et suivies dans leur exécution. Voilà 15 ans que la Chine s'acquitte avec sincérité des règles générales de l'OMC, abaissant les droits de douane à l'importation, assouplissant l'accès à son marché pour le commerce des services, renforçant la protection de la propriété intellectuelle. Des mesures qui ont donné des résultats concrets.

« Afin de se conformer aux règles de l'OMC, la Chine a même révisé un certain nombre de lois et règlements nationaux. Les autorités du gouvernement central ont amendé à elles seules plus de 2 000 lois et règlements, auxquels il faut ajouter plus de 90 000 arrêtés », précise Xue Rongjiu.

La Chine a progressivement diminué les droits de douane après son entrée de l'OMC. Selon les données du ministère chinois du Commerce, à partir du 1er janvier 2002, la Chine a entamé une réduction tarifaire globale, qu'elle a mise en œuvre progressivement sur une décennie. Au 1er janvier 2010, elle avait rempli son engagement de réduire les taxes à l'entrée du territoire pour tous les produits. Le taux global moyen des droits de douane appliqué par la Chine, de 15,3 % avant son accession à l'OMC, a chuté à 9,8 % en 2010. Selon Xue Rongjiu, en 2015, ce taux a encore baissé pour atteindre seulement 9,3 %. « Bien qu'il demeure plus élevé que dans les pays développés, ce chiffre est à vrai dire plus faible que dans les autres pays en développement. »

Dans le secteur du commerce des services, la Chine a commencé à réaliser ses engagements, en prenant de l'avance pour certains, dans des branches comme la banque, la bourse et les assurances. « Bien sûr, les autres membres de l'OMC souhaitent que la Chine ouvre davantage ce secteur, explique Xue Rongjiu, mais en réalité, le degré de libéralisation du commerce des services en Chine a presque rattrapé la situation des pays développés, allant plus loin que l'engagement initialement pris par la Chine. »

Xue Rongjiu ajoute que la protection des droits de propriété intellectuelle a grandement progressé en Chine. « Les membres de l'OMC, y compris le directeur général de l'OMC, ont salué la performance de la Chine, estimant qu'elle avait joué un rôle exemplaire. »

Le choix du gagnant-gagnant

« Tout le monde peut constater les changements bouleversants qui ont eu lieu après l'adhésion de la Chine à l'OMC », expose Xue Rongjiu. Suite à cet événement, l'environnement économique et commercial intérieur et extérieur de la Chine s'est considérablement amélioré. La Chine a ainsi pris conscience des règlements internationaux et renforcé ses connaissances en la matière. Elle a mis en place un régime d'économie de marché et instauré un système juridique pour le commerce international fondé sur les règles de l'OMC pour assurer une concurrence ouverte, transparente et équitable. Le résultat était non seulement d'accroître la vigueur de la réforme des entreprises d'État, mais aussi de stimuler la vitalité des sociétés privées, tout en bénéficiant aux investissements étrangers. La Chine est aujourd'hui devenue la deuxième plus grande économie du monde et la première puissance commerciale.

Par ailleurs, Xue Rongjiu estime que depuis l'adhésion chinoise à l'OMC, le gouvernement chinois et les entreprises du pays sont mieux préparés aujourd'hui à recourir à la législation et à défendre leurs intérêts. « Autrefois, la juridiction pour le règlement des différends manquait de traducteurs, d'avocats ou de spécialistes, se rappelle Xue Rongjiu. De nos jours, un grand nombre de juristes travaillent pour le compte de la Chine. Les capacités du pays à utiliser les règles et à se défendre sont désormais bien plus fortes. »

À grand renfort de chiffres, Xue Rongjiu décrit les résultats fructueux que la Chine, grand pays industriel, a obtenus après son entrée à l'OMC. Selon lui, à l'heure actuelle, la Chine se positionne comme le premier producteur mondial de 220 familles de produits sur 500, en termes de quantité d'articles. En outre, les entreprises des secteurs émergents poussent comme des champignons dans le pays. Les industries de haute technologie (TGV, aérospatiale, informatique), ainsi que le secteur des BTP se sont développées à plein régime. La Chine est devenue un membre central de l'OMC, à tel point que des règlements industriels formulés par la Chine commencent à être reconnus au sein de la communauté internationale.

En outre, la Chine a participé activement à la gouvernance économique mondiale, notamment en proposant son initiative « une Ceinture et une Route », en promouvant la création de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures et de la Banque de développement des BRICS, et en organisant le dernier Sommet du G20. La sagesse chinoise a ainsi apporté une contribution positive à la gouvernance. « En respectant les règles de l'OMC, la Chine a récolté de très bons résultats, dont ont pu profiter également les autres membres de l'OMC. C'est pourquoi la Chine prête une si grande attention à la réglementation », conclut Xue Rongjiu.

Aujourd'hui, les États-Unis et l'Union européenne tentent de prolonger, directement ou subrepticement, l'Article 15 du Protocole d'accession de la Chine à l'OMC. Xue Rongjiu explique que certains pays membres de l'Union européenne recourent à leur législation nationale pour étendre cette disposition. En guise de riposte, la Chine pourrait également revoir sa législation nationale dans le respect des règles de l'OMC, « mais cela n'apportera rien de bon, ni côté Chine, ni côté Europe », signale Xue Rongjiu. L'UE est un partenaire commercial majeur pour la Chine. On espère donc que l'UE résilie cette clause en temps opportun et donne l'exemple aux autres membres de l'OMC.

Xue Rongjiu avertit d'un autre danger : actuellement, une vague antimondialisation déferle dans le monde. Aussi se dit-il « profondément inquiet ». « Cette tendance antimondialisation est très fâcheuse pour le développement de l'économie mondiale. Tout le monde adopte des mesures de protectionnisme et va à l'encontre du progrès en dressant des barrières aux échanges commerciaux. Les chaînes de valeur globale pourraient être brisées, et l'ordre de division internationale du travail, rompu. » Il poursuit : « De nos jours, la Chine préconise le libre-échange et s'oppose au protectionnisme commercial, afin de mettre un frein à la prolifération de ce dernier. De son côté, la Chine poursuit l'approfondissement de sa politique de réforme et d'ouverture, qui n'a de cesse de progresser. Il convient donc de renforcer les échanges et la coopération avec les autres pays, action qui serait profitable à la Chine comme aux autres membres de l'OMC. »

 

 

La Chine au présent 

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