CHINAHOY

1-February-2016

Un village qui ne sombre pas dans l’Anhui

 

Le village de Chengkan pendant les récoltes.

 

LI JINGWEN et ZHANG KE*

Cela fait 15 ans bientôt que Luo Qing travaille dans l'agence de voyage du village de Chengkan. Si quelqu'un connaît bien ce village ancien, c'est elle. « Notre village a conservé son état original ; mais grâce à Internet, le tourisme est facilité. Le village accueille les touristes et partage ses caractéristiques culturelles, non seulement par ses paysages et son architecture particuliers, mais aussi parce qu'on y découvre un mode de vie détendu. Nombreux sont ceux qui découvrent ici le charme de la culture traditionnelle et apprécient notre village », explique Luo Qing.

Et de poursuivre : « Nous coopérons avec qunar.com et ctrip.com. En général, 70 % des chambres d'accueil du village sont réservées à l'avance. En ce moment, nous recevons les réservations pour le nouvel An chinois. » Avec l'aide de sa sœur, elle restaure l'ancienne résidence d'un mandarin pour en faire une maison d'hôte. Elle pense ouvrir le 1er mai prochain. Son frère, lui, gère une auberge campagnarde qui marche bien. « Notre village compte déjà une dizaine d'auberges, mais en 2016, il y aura une vingtaine ! »

Le village de Chengkan se trouve à 30 km de la ville de Huangshan, dans l'Anhui. C'est probablement le village Ming (1368-1644) le mieux préservé, et il abrite 150 sites historiques remontant aux Song (960-1279), Yuan (1271-1368), Ming et Qing (1644-1911). 21 d'entre eux sont classés au patrimoine culturel national.

Il faut traverser le lac Yongxing pour accéder au village, dont l'histoire commence voici 1 800 ans. Un village typique de l'Anhui, avec des maisons aux murs blancs, des toits d'ardoise noire. Les murs sont souvent recouverts d'un lierre épais. Les rues de pavés gris serpentent entre les quelque 600 habitations villageoises.

Vers le sud, une vieille maison affiche un portique grandiose qui incarne l'identité particulière du propriétaire. Il s'agit de la résidence de Luo Yinghe, un mandarin lettré de l'époque de l'empereur Wanli des Ming. Un héritage ancestral que la famille Luo gère avec soin. « C'est la maison de nos ancêtres. Nous nourrisons un sentiment profond envers elle, explique Luo Qing, et comme ces dernières années le tourisme se développe très rapidement dans le village, nous aménageons des chambres pour les ouvrir au public. Nous voulons offrir aux touristes une « vie lente » au milieu des vieilles pierres, dans le style régional d'autrefois. »

Le pavillon Baolun constitue le point culminant du village de Chengkan. Construit en 1542, il fut transformé par la suite en temple par les ancêtres de la famille Luo. Ce temple occupe 5 mu (1 mu = 1/15 ha). Peu de constructions aussi anciennes ont subsisté jusqu'à nos jours. Une tablette que l'on peut voir dans cette maison porte une inscription faite par Dong Qichang, un grand calligraphe de l'époque Ming. On voit également un grand nombre de sculptures de bois et de briques très raffinées.

 

En 2014, le village de Chengkan a été porté sur la Liste des travaux modèles de protection du patrimoine, puis classé Site pilote de protection et mise en valeur des villages anciens.

 

Depuis ce pavillon, la vue s'étend jusqu'aux montagnes qui entourent le village et on aperçoit en contrebas des champs en terrasse. Comme le village est traversé de rivières, on y compte un grand nombre de ponts, dont les plus remarquables sont le pont Huanxiu datant des Yuan et le pont Longxing construit sous les Ming. Les ruelles du village, étroites et tortueuses, font qu'il est difficile de garder la même direction lorsqu'on parcourt leurs lacis où on finit par se perdre.

C'est que ce village est construit suivant les canons du fengshui décrits dans le Livre des mutations. La légende raconte que les frères Luo qui ont fondé le village connaissaient la théorie du fengshui. C'est pour cela qu'ils ont compris que ce site, appuyé sur les montagnes, entouré de cours d'eau et faisant face aux plaines, était un emplacement favorable qu'ils ont baptisé Chengkan. Cheng et Kan signifient « Yin » et « Yang » dans le dialecte local, c'est à dire que le nom du village signifie l'harmonie du yin et du yang qui est aussi celle du ciel et de l'homme. Leur espoir était que leurs descendants seraient prospères.

C'est la rivière Longxi, qui traverse le village du nord au sud, qui alimente celui-ci en eau. Deux canaux partent du cours d'eau pour amener l'eau aux différents foyers, où elle apporte à la fois eau potable, protection contre les incendies et irrigation.

Ce sont les marchands de Huizhou qui sont à l'origine de la fondation et de la prospérité du village de Chengkan. Ils sont apparus à l'époque Song, et leur richesse a atteint son apogée à l'époque Ming et Qing. Leurs activités commerciales étaient basées dans les régions du bassin moyen et inférieur du Yangsté qui étaient les plus riches de l'époque. Huizhou était très influencée par la pensée de Confucius, et c'est de là que venaient certains grands penseurs confucéens sous les Song, comme par exemple les frères Cheng Hao et Cheng Yi. C'est pourquoi les marchands de Huizhou accordaient une grande importance à l'éducation, vénéraient leurs ancêtres et chérissaient leur famille. Les produits de leur commerce, ils en faisaient don à leur village natal, où ils finançaient la rénovation de maisons, la construction d'écoles, de temples dédiés aux ancêtres, de portiques et de jardins. On voit aujourd'hui encore de nombreuses décorations représentatives de l'esthétique et du goût de cette époque. Cela fait de ces villages des endroits rêvés pour le tourisme culturel.

La restauration de la maison des Luo a duré 2 ans et coûté plus de 4 millions de yuans. C'est que l'ensemble du bâtiment conserve le style architectural de l'époque Ming : puits, fourneaux, galerie, pavillons, sont préservés dans leur forme originale. Bien sûr, des éléments modernes se sont ajoutés, comme des toilettes indépendantes, pour répondre aux besoins des touristes. Un visiteur arrivé du Jiangsu fait la cuisine sur le fourneau ancien. « C'est magnifique de cuisiner ici : le propriétaire a su intégrer le confort et l'élégance au cadre de style ancien des maisons de l'Anhui. À prendre un repas traditionnel, écouter des histoires liées à cette vieille maison, on retourne dans le passé. C'est merveilleux ! » s'exclame-t-il.

Avec le développement du tourisme, le gouvernement local et l'agence de voyage se sont concertés pour définir un modèle qui permettrait de protéger les maisons anciennes. Il a été décidé d'attirer des investisseurs pour la restauration et la protection des architectures anciennes. De plus en plus de villageois se sont lancés et plusieurs ont fait fortune en gérant des auberges. Cela a permis d'enraciner l'idée que préserver le patrimoine ancestral, cela rapporte.

En 2014, le village de Chengkan a été porté sur la Liste des travaux modèles de protection du patrimoine, puis classé Site pilote de protection et mise en valeur des villages anciens. Ce village a fait appel à des professionnels pour la restauration des bâtiments anciens, tout en améliorant les installations pour répondre aux normes de la sécurité-incendie et protéger les constructions contre la foudre et les termites. Actuellement, la rénovation de dix maisons anciennes est achevée et la deuxième tranche de travaux, qui porte sur cinq autres, est lancée.

 

*LI JINGWEN et ZHQNG KE sont des fonctionnaires du gouvernement de l'arrondissement Huizhou de la ville de Huangshan dans l'Anhui.

 

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