CHINAHOY

1-February-2016

Dans les vieilles rues de Kachgar

 

Les maisons en surplomb à Kachgar.

 

ZHU MINGJUN*

La maison en terrasse de la famille de Tursun Zunun est presque un monument historique : c'est l'une des dernières représentantes de l'architecture en terre battue de la vieille ville de Kachgar. Les touristes qui visitent Kachgar se pressent dans ce quartier pour y admirer les bâtisses de l'ancien Xinjiang.

« Maisons en terrasse » se traduit par « la tête de la falaise » dans la langue locale, ce qui est logique puisqu'elles sont construites en surplomb. Ces maisons traditionnelles se dressent toujours sur leur emplacement d'origine, et elles forment comme une oasis à Kachgar où cohabitent modernité et tradition. Si les touristes sont aussi nombreux par ici, c'est parce que l'on peut y découvrir les mœurs anciennes ouïghours sous une forme préservée. Ce quartier est surnommé « l'encyclopédie de la culture ouïghoure », et c'est finalement une sorte de musée à ciel ouvert des traditions et de la vie quotidienne des Ouïghours.

Après une décennie de travaux d'aménagement, le vieux Kachgar se montre sous son plus beau jour. Ses sites historiques sont préservés, son histoire et sa culture folklorique, revalorisées.

Les travaux de restauration du vieux quartier n'ont pas touché au style ancestral des maisons en terrasse qui ont conservé leur cachet d'origine. Ce sont sans doute les dernières constructions bâties en terre battue du vieux Kachgar.

Les maisons en terrasse ne représentent plus qu'un dixième de la superficie du vieux Kachgar, et pourtant on y trouve encore presque toutes les caractéristiques architecturales d'autrefois. Des maisons hautes et basses, des ruelles en labyrinthe avec des arcades reliées entre elles, à tel point qu'on a du mal à distinguer une rue de sa voisine. Au milieu de ces maisons en terre battue, avec les artisans dans leurs ateliers, les femmes ouïghoures assises autour de tables, à causer en brodant des chapeaux traditionnels... On se croirait retourné à l'époque médiévale du Khan.

 

Tursun Zunun examine ses poteries.

 

Personne ne connaît précisément l'époque de construction de ces bâtiments, une histoire aussi énigmatique que celle de ces ruelles en labyrinthe. Des architectures millénaires dont seule « la mère de Kachgar », comme on appelle la rivière Tuman, a vu la construction. Elle qui fut le témoin de toutes les vicissitudes historiques de la vieille ville.

Autrefois, les habitants de ces maisons gagnaient leur vie en fabriquant des poteries ou des briques. De nos jours, grâce aux progrès techniques mais aussi dans un souci de limiter la pollution, les fours à briques et à poterie sont interdits. Seuls quelques potiers, héritiers du patrimoine culturel, sont autorisés à utiliser les fours traditionnels à bois et à exercer ce métier dans la veille ville.

Tursun Zunun est l'un de ces artisans dépositaires de la tradition. Au début, il n'était pas très heureux de reprendre l'état d'artisan de son père. Il aurait préféré un travail qui rapporte plus d'argent. Mais pour autant, il est très attaché à cet environnement qui est le sien depuis un demi-siècle.

Depuis sa cour, il voit la rivière Tuman. Ici, c'est la tradition qui règne, alors que par-delà la rivière, c'est la vie urbaine chaotique. La rivière sépare ces deux mondes. Il avait envie d'une vie moderne mais restait attaché à la vie traditionnelle plus tranquille. Finalement, il a choisi de perpétuer le métier ancestral de son père et de se consacrer au patrimoine culturel que représente la poterie. Dans la petite maison de ses parents, il confectionne des pots, une pièce étant aménagée en salle d'exposition-vente. Les fenêtres sont petites, il y fait sombre. Cela lui plaît : cette lumière tamisée s'accorde avec ses poteries aux reflets jaunes et verts. Ses bols aux motifs floraux et les pots en céramique bruns et gris sont les plus prisés par les touristes.

L'histoire de la poterie à Kachgar remonte à plus de 3 000 ans. Elle présente une grande variété de formes et de fonctions : bols, assiettes, théières, pots, simples mais élégants, représentatifs du style ouïghour. Le sol de la « falaise » fournit une argile de qualité idéale, et tout le processus de fabrication découle de l'expérience des artisans.

Avec le développement de l'industrie moderne, la plupart des poteries ont disparu de la vie quotidienne. Mais le tourisme qui se développe à Kachgar permet de redécouvrir un artisanat qui semblait en voie d'extinction.

Grâce au soutien du gouvernement local, cet artisanat millénaire se perpétue désormais. Héritier de la sixième génération de potiers, Tursun Zunun est resté vivre dans la maison de ses ancêtres où il fait vivre la tradition.

 

*ZHU MINGJUN est correspondant au Quotidien du Xinjiang.

 

 

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