CHINAHOY

28-June-2016

Les jeunes pousses chinoises de l’illustration

 

Le 15 mai 2016, l'Exposition itinérante des illustrateurs de Bologne a eu lieu à la Bibliothèque nationale de Chine à Beijing, attirant de nombreux visiteurs.

 

HU YUE, membre de la rédaction

 

Le 15 mai 2016, nous rencontrons Yue Shuai et d'autres illustrateurs chinois sélectionnés pour l'Exposition itinérante des illustrateurs de Bologne en Chine à la Bibliothèque nationale de Chine à Beijing.

 

Yue Shuai, jeune illustrateur chinois est la coqueluche de nombreux enfants et adultes chinois présents lors de la présentation qu'il a donnée des œuvres au vernissage de l'exposition. Ce genre d'exposition d'illustrateurs de niveau international reste très marginal en Chine.

 

Yue Shuai, né en 1983, est enseignant à l'Institut d'arts du Guangxi. Ses illustrations ont été sélectionnées pour l'exposition Bologne 2015. C'est la raison pour laquelle il a été amené à présenter son travail lors du vernissage. Il a raconté comment il a été sélectionné début 2015 et comment cela s'est fait malgré lui car en réalité, c'est sa femme qui l'avait inscrit à son insu. La nouvelle de sa sélection pour l'exposition a donc été très surprenante pour Yue Shuai.

 

Elena Pasoli, commissaire de l'exposition, a fait la genèse de l'exposition. L'Exposition des illustrateurs de Bologne a été créée en 1967 en parallèle de la Foire du livre pour enfants de Bologne. Celle-ci a été établie en 1964 et est devenue une des plus importantes foires de ce genre. Chaque année, l'Exposition des illustrateurs est organisée en même temps que la foire, et attire de nombreux artistes qui participent au concours pour être sélectionnés pour l'exposition itinérante.

 

Les dessins des lauréats représentent les œuvres les plus remarquables de l'année et sont ensuite catalogués dans l'Annuaire Bologne qui sert de cahier des tendances pour les maisons d'édition et les agences d'illustrateurs.

 

Chaque année, une exposition itinérante est également organisée à l'étranger. Les auteurs sélectionnés, crème de la crème mondiale, peuvent ainsi avoir l'opportunité de rencontrer différentes agences d'illustrateurs et maisons d'édition pour des projets internationaux.

 

En 2016, à l'occasion du 50e anniversaire de l'exposition, 3 191 artistes ont participé au concours de sélection. 77 d'entre eux ont été choisis. Ils représentent le plus haut niveau international dans l'illustration. Parmi eux, cinq sont Chinois dont Zhu Chengliang. Lui et Yue Shuai, lauréat en 2015, étaient tous présents lors du vernissage à Beijing.

 

Une image de la série Adieu ma concubine de Yue Shuai, sélectionnée pour l'Exposition de Bologne 2015. (WEI YAO)

 

Un domaine qui pointe le bout de son nez

 

Zhu Chengliang a aujourd'hui presque 70 ans. Il a publié son premier livre illustré Frères en 1980. En 2009, son dernier livre d'images Retrouvailles familiales a obtenu le Grand Prix Feng Zikai du livre d'images pour enfants, la plus haute récompense dans ce domaine en Chine. Ce livre a aussi été bien accueilli à l'étranger puisque The New York Times Book Review l'a fait figurer dans la liste 2011 des meilleurs livres pour enfants de l'année. L'esthétique très chinoise de Retrouvailles familliales a beaucoup marqué les lecteurs et Zhu Chengliang est depuis considéré comme un des illustrateurs chinois les plus réputés. Il a été contacté par plusieurs maisons d'édition internationales.

 

En comparaison avec Zhu Chengliang, Yue Shuai rencontre plus de difficultés. En effet, étant jeune enseignant universitaire, il est très pris par les cours qu'il doit donner dans son institut. « En fait, Adieu ma concubine est une série de créations expérimentales destinées à mes cours. Je fais souvent des essais de création avec différents matériaux et techniques », explique-t-il.

 

Comme c'est le cas pour la plupart des enseignants chinois en art, les heures de cours à donner empiètent sur le temps pour créer. En participant à ces expositions, Yue Shuai espère obtenir la consécration et préparer la promotion professionnelle. Mais le système d'évaluation des beaux-arts en Chine ne place pas encore l'illustration au même niveau que la peinture en huile ou la peinture chinoise traditionnelle.

 

L'Institut d'arts du Guangxi où enseigne Yue Shuai est un des premiers établissements d'enseignement artistique à avoir fait rentrer l'illustration dans les disciplines enseignées. Dans la plupart des écoles d'arts chinoises, l'illustration reste encore souvent juste un sujet de recherche des élèves ou une activité subsidiaire.

 

Yue Shuai ne manque pas l'occasion de parler des problèmes des illustrateurs en Chine : « Ici, on organise peu d'expositions sur l'illustration, mais j'ai besoin de participer à des expositions à cause de ma profession. Donc je dois faire de la peinture à l'huile pour pouvoir participer à des expositions ou des concours. » Les peintures de Yue Shuai ont déjà pris de la valeur, mais il n'a pas laissé tomber ce qu'il aime par-dessus tout : l'illustration.

 

Yue Shuai reste confiant dans l'avenir pour les illustrateurs chinois. Ses étudiants ont tous trouvé de bons emplois après être sortis de l'école. La plupart sont devenus illustrateurs dans le milieu de l'édition et de la publicité. Certains ont créé leur studio d'illustrateur.

 

Selon Yue Shuai, le marché chinois de l'illustration est en train de se développer rapidement et offre pas mal d'opportunités aux illustrateurs chinois : « Le développement économique aidant, de plus en plus de parents chinois souhaitent que leurs enfants fassent des études artistiques. »

 

Pour l'instant, les jeunes illustrateurs tirent encore la langue. Yue Shuai nous confie son impuissance : « Une fois, un de mes élèves m'a dit qu'il avait accepté un travail d'illustration pour un livre, une page : 300 yuans. Cela lui prenait deux-trois jours par page. Son salaire quotidien n'atteignait même pas celui d'un ouvrier de base. »

 

Le marché chinois du livre d'images

 

La réussite des illustrateurs chinois au concours de Bologne n'est pas un hasard. Le développement du marché de la culture chinois est proportionnel au développement économique. Une demande grandissante en livres d'illustration pour les enfants est apparue avec la prise de conscience que ceux-ci sont bons pour le développement psychique des enfants.

 

Wang Zhigeng, responsable de la salle enfants de la Bibliothèque nationale explique que depuis ces dernières années, la bibliothèque accueille de plus en plus de jeunes lecteurs et organise beaucoup d'activités pour promouvoir la lecture chez les enfants. « Grâce à la lecture, les enfants forment un sens esthétique, sont plus sensibles aux émotions, or les enfants aiment d'abord lire des livres d'images que leurs parents leur lisent pendant qu'ils regardent les images en écoutant la voix des parents, c'est une bonne façon pour améliorer la langue et l'imagination des enfants. »

 

Cao Wenxuan, que nous vous avions présenté dans l'édition précédente de La Chine au présent, qui a gagné le prix Hans Christian Andersen en avril 2016, était également présent au vernissage de l'Exposition itinérante des illustrateurs de Bologne en Chine. Selon lui, la Chine est entrée dans une époque florissante pour le livre d'images.

 

Il a également ajouté : « Il y a vraiment une différence entre les enfants qui ont lu des livres d'images et ceux qui n'en ont jamais lu. Malheureusement, ma génération n'a pas eu la chance d'avoir accès à ces livres. Mais aujourd'hui, je suis heureux que les jeunes générations puissent en profiter. »

 

Écrivain pour enfants réputé, Cao Wenxuan travaille depuis 30 ans dans ce domaine et a vécu la transformation du marché chinois du livre d'images. « Grâce aux efforts des maisons d'édition, les Chinois apprécient de plus en plus les livres d'images. Des milliers de librairies consacrées aux livres d'images se sont ouvertes partout en Chine. »

 

L'illustration en est encore à ses débuts en Chine. Les illustrateurs, les maisons d'éditions et les libraires sont en train d'apprendre, mais le secteur est en plein ébullition.

 

D'après Wang Zhigeng, « Le niveau général de l'illustration en Chine n'atteint pas encore vraiment les standards des maisons d'édition. On a encore beaucoup à apprendre. » Mais selon lui, l'organisation de l'Exposition itinérante des illustrateurs de Bologne en Chine va stimuler le domaine.

 

Il conclut en disant : « Nous devons raconter plus des bonnes histoires chinoises avec les images. L'image est un outil très direct par rapport à la langue. Les images ne nécessitent ni traduction ni explication, c'est un langage universel. »

 

 

La Chine au present  

 

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