CHINAHOY

5-April-2016

Le style chinois revisité

 

Le style chinois revisité incarne la beauté du style chinois dans un style moderne et créatif.

 

Quand on dit « style chinois », on pense aux costumes à col mao, aux robes chinoises ou aux chaussures en tissu brodées, mais depuis quelques années, le style chinois revisité s'impose. De jeunes créateurs chinois revisitent les classiques chinois et lui redonnent vie.

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

C'est dans Gulou Dongdajie, où nous vous avions emmené voir les boutiques vintage (voir numéro de janvier), que nous avions remarqué ces magasins. Une vitrine décorée de façon assez minimaliste, deux trois objets anciens, parfois du bambou ou une théière en terre cuite, un porte-vêtement à la chinoise avec un chasuble brodé dessus, une qipao (robe moulante sans manche fendue sur le côté) en lin avec de la broderie moderne, des couleurs que nous n'avions pas l'habitude de voir pour des vêtements chinois souvent vieillots et pas forcément très originaux.

Au contraire, le nouveau style chinois est bien une mode à part entière et l'accent doit être mis sur « revisité », « moderne », et « à la mode ».

À contre-courant de la mode de masse

Le style chinois revisité se veut quelque chose de plus recherché, plus moderne et surtout haut de gamme. Généralement, ces boutiques appartiennent à des designers qui y vendent leurs propres créations.

C'est la première différence entre le fast-fashion et les produits des créateurs indépendants. Parmi ces nouvelles marques de mode chinoises, on trouve ShangXia, WUYONG, Hong Yi Ren, SHAOO newyork, Croquis, JOQIAODING, SU ou encore Yun You. Assez de quoi se rendre compte que même si cette mode reste marginale, elle commence à prendre de l'ampleur.

La seconde différence, c'est le prix. En général, pas une pièce n'est à moins de 500 yuans. Alors que dans les marchés comme le Pearl Market près du Temple du Ciel ou encore le bazar du zoo à Beijing, on peut trouver une qipao ou un costume chinois pour 200-300 yuans. Et les prix montent très haut lorsque les pièces sont faites sur mesure et cousues-main pour certaines marques.

La troisième différence, c'est l'esprit de ce style : il doit être unique, reconnaissable, si possible cousu-main et sur-mesure avec des matériaux de qualité et être délibérément chinois mais pas démodé ni complètement traditionnel.

Pour Ma Ke, la créatrice de la marque WUYONG, « le nouveau style chinois s'est développé en sens inverse de la mode de masse : nous ne produisons pas à la chaîne et utilisons des techniques anciennes et manuelles, des tissus naturels, et avons un style bien différencié qui incarne un esprit. La mode de masse, elle, ne raconte pas d'histoire. Elle n'a pas d'âme. Je veux que les habits que je crée soient comme des sculptures pour un sculpteur, ou une peinture pour un peintre, qu'ils soient uniques et racontent quelque chose. »

Auparavant, Ma Ke avait créé une autre marque qui faisait dans le style chinois revisité mais moins « épuré », qui lui avait valu de devenir la couturière « impériale » de la première dame chinoise Peng Liyuan, ce qui montre que la volonté de revenir au style chinois existe bel et bien.

Un retour aux sources de la mode chinoise

La mode du style chinois revisité vient certainement d'une envie des Chinois de revenir à un style plus ethnique et personnel dans l'habillement. D'ailleurs, cette envie se manifeste également de façon extrême par l'existence de certains clubs de « tuniques Han » qui s'habillent à la mode Han antique. Évidemment, le style chinois revisité n'a aucun atome crochu avec cette mode un peu marginale, il n'est pas question de se promener dans la rue en tunique datant de l'époque Han (202 av.J.-C.–220) – autant demander à un Européen de se promener en toge – mais cela montre qu'il y a une recherche pour retrouver « la culture vestimentaire chinoise».

Aujourd'hui, les jeunes créateurs de mode recherchent leurs racines dans les coupes traditionnelles, les formes et les habits ethniques. Ils explorent aussi les tissus traditionnels pour les remettre au goût du jour : le tissu indigo du Sud de la Chine, les broderies Miao, les tissus tibétains, les cotonnades, les tissus en lin etc…

Certains comme Ma Ke y voient un moyen de préserver un artisanat gravement touché par la production vestimentaire de masse. Dans le documentaire sur WUYONG de Jia Zhangke, on voit qu'elle visite des artisans dans les campagnes reculées de la Chine pour recueillir leur art et se fournir chez eux pour ses créations. Une façon d'éviter la disparition de ces savoir-faire traditionnels.

Pour le créateur de Yun You, Li Dengting, c'est l'absence de mode de style chinois pour les jeunes qui l'a poussé à créer sa marque qui s'inspire de la culture taoïste d'où le nom de la marque « voyager dans les nuages ». « À l'époque, tout le monde trouvait que ce qui était chinois était pouilleux et vieillot. L'image que cela donnait était que c'était une mode pour les vieux », explique-t-il. C'est en croisant des moines bouddhistes et taoïstes vêtus de leurs toges et en voyant le décalage créé avec l'environnement mais en même temps l'incroyable effet de ce décalage entre modernité et tradition qu'il a trouvé l'inspiration.

Pour la créatrice de ShangXia, Jiang Qiong'er, « la façon de vivre traditionnelle chinoise n'est pas en conflit avec la modernité et la vie actuelle. Les gens d'aujourd'hui se promènent toujours dans les parcs en été pour admirer les lotus, discutent autour du poêle en hiver, boivent du thé et recherchent une vie empreinte de poésie. Tout cela fait partie du style chinois, alors pourquoi pas dans l'habillement ? »

Le style chinois revisité ne se résume donc pas à s'habiller comme un Chinois et à se promener en tenant une cage à oiseau, une pipe à tabac dans le bec, ni à un retour en arrière dans la mode vestimentaire. C'est finalement une façon plus moderne d'envisager le style, la culture vestimentaire traditionnelle et tout l'esprit qui y est contenu.

La recherche d'une esthétique orientale

Pour Jiang Qiong, créatrice de Sheng-jiang, le nouveau style chinois est le reflet de l'esthétique asiatique et de l'esprit chinois : chaque collection qu'elle crée porte un nom poétique : « Thé frais », « Voyage magique », qui incarne l'esprit de la gamme et un certain esprit oriental. « C'est le reflet de la vie que je mène : je suis une personne qui aime le calme. Je passe beaucoup de temps chez moi, tranquille, à boire du thé, écouter de la musique ou en compagnie d'amis artistes. C'est de là que vient mon inspiration. »

Parmi les clients de celle-ci, des médecins chinois, des artistes, musiciens ou peintres qui aiment la culture chinoise traditionnelle et l'esthétique orientale.

Ses créations sont très épurées, amples, les formes sont larges pour laisser de la place au corps en mouvement sous les habits. « Cela fait partie d'une esthétique typiquement asiatique, le vêtement n'est pas là pour mouler le corps comme une statue grecque, mais pour lui permettre de bouger aisément et d'être "vu sans être vu" », explique-t-elle.

Pour Li Youming, créatrice de XiSu, c'est une démarche plus éclectique qui l'a poussée à créer sa marque. Elle était auparavant styliste pour une grande marque et ne se satisfaisait plus de produire à grande vitesse et en courant après les tendances et les courants. D'où le nom de sa marque qui vient d'une expression chinoise signifiant « Dans ce monde bruyant et mouvementé, trouvons un peu de calme ». Aujourd'hui, sa marque se veut un mélange entre le style traditionnel voire antique avec des éléments et des formes modernes. Elle a même réussi à inclure des éléments de l'époque Han dans certaines de ces créations. Tous les matériaux qu'elle utilise sont naturels : lin, laine, soie, coton. « C'est plus confortable pour celui qui le porte et donne une impression de douceur, de chaleur que ne procure pas le synthétique », explique-t-elle.

Entre tradition et modernité, entre Orient et Occident, le style chinois revisité de plus en plus apprécié représente les capacités d'innovation de la mode chinoise et de ses designers. En 2007, Ma Ke avait fait sensation à Paris lors de la Semaine de la Mode, montrant que la Chine n'a pas oublié son style et qu'elle est en train de le faire renaître sous une forme plus ancrée dans l'époque et à l'esprit novateur.

 

 

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