CHINAHOY

3-July-2015

Deanna Gao, passeuse de culture entre la Chine et la France

 

Lettre de Mme Soong à Deanna datant de 1978.

 

 

Rencontre avec la directrice du Festival du film chinois de Paris et présidente de l’Association culturelle franco-chinoise, la peintre franco-chinoise Deanna Gao.

HU YUE, membre de la rédaction

Le 20 mai 2015, une exposition de peinture chinoise a été inaugurée dans l’ancienne demeure de Soong Ching Ling (1893-1981) à Beijing. Deanna Gao, peintre française d’origine chinoise, y présentait une série de peintures traditionnelles chinoises créées en collaboration avec ses élèves, ainsi que sa correspondance avec l’ancienne vice-présidente chinoise. Dans l’ancienne maison de celle qu’elle appelait « Tante Soong », Deanna se remémore avec nous cette relation privilégiée qu’elle a eue avec celle qui fut la femme de Sun Yat-sen.

Une amitié hors des frontières

Avant la fondation de la R.P.C., Gao Shiyu, le père de Deanna Gao, était un industriel du textile. Il avait fait ses études en Grande-Bretagne et avait épousé une jeune Anglaise, Marjorie Scott. Au retour du couple en Chine, le pays était en train de subir l’agression japonaise. Le couple décide donc de participer à la Ligue de Défense de la Chine créée par Soong Ching Ling et en devient un pilier. C’est là que commence l’amitié profonde entre Soong Ching Ling et la famille Gao.

Deanna naît en 1947. éduquée, elle montre en plus un talent artistique particulier. Mais son rêve de devenir artiste tombe à l’eau après que la Révolution culturelle commence alors qu’elle vient d’obtenir son diplôme du lycée. Elle part travailler dans une usine textile à Shanghai. Son père est emprisonné, son rêve, brisé, sa vie, misérable. Mais une lettre de « Tante Soong » lui redonne espoir. Avec son aide, la mère de Deanna peut faire une demande pour retourner en Grande-Bretagne rendre visite à sa famille. C’est le moment de quitter la Chine.

Après moultes péripéties, Deanna quitte finalement Shanghai pour passer à Hong Kong avec sa mère et son petit frère en 1973. Dans sa valise, une revue de La Chine en construction (ancien nom de La Chine au présent créée par Soong Ching Ling en 1952). C’est en fait un cadeau d’adieu. Sur la couverture arrière de la revue, une délicate broderie de chat avec un autographe en anglais pour sa mère qui dit : « Chère Marjorie, je suis si heureuse pour vous. J’espère que cette broderie de Suzhou et ce petit chat persan puissent t’amener de la gaieté. »

« Tante Soong nous faisait envoyer la revue régulièrement. Dans sa vieillesse, elle demandait à sa secrétaire d’écrire les lettres qui nous étaient destinées, mais elle insistait toujours pour écrire elle-même l’adresse sur l’enveloppe et envoyer une revue de La Chine en construction. Ces courriers sont les témoins de notre amitié. »

 

L’œuvre de Deanna Gao Préoccupation de mère.

 

Transmettre l’héritage de l’art chinois

C’est à l’époque où sa famille se prépare à regagner la Grande-Bretagne que Deanna commence à apprendre la peinture traditionnelle chinoise. Elle sait qu’elle va quitter la Chine pour longtemps. « Je savais que je n’aurais pas l’occasion de rentrer en Chine ni d’apprendre la peinture chinoise, alors j’ai voulu emmener cet art avec moi dans mes bagages », nous confie-t-elle.

Mais pendant la Révolution culturelle, pas question de s’adonner à l’oisiveté ou à la peinture traditionnelle. Après maints détours, Deanna rencontre la célèbre peintre Bao Yahui, et en secret, commence sa formation auprès d’elle. Elle apprend à peindre les fleurs, les oiseaux, les montagnes et les fleuves, et ce jusqu’à son départ pour l’étranger.

Après deux ans passés à Hong Kong, Deanna part apprendre la peinture en France en 1975. Elle étudie à l’École supérieure des beaux-arts de Paris. Mais elle ne change pas son style. Au contraire, pendant ses années en France, elle réfléchit à comment utiliser les techniques de peinture à l’huile pour peindre « à la chinoise ».

Deanna Gao organise la première exposition de ses peintures chinoises avec l’aide de ses amis en 1977. Les visiteurs étaient étonnés qu’une Chinoise, avec ce visage occidental hérité de sa mère, puisse créer d’aussi belles peintures de tradition chinoise. Cela vient certainement du fait qu’elle est restée Chinoise à l’intérieur. Deanna avait envoyé une invitation à son exposition à Soong Ching Ling, à la réception de laquelle, celle-ci avait répondu : « Félicitations, tu es une vraie artiste. » Depuis cette première exposition, Deanna Gao en a organisé plus de 40 à Paris et à travers toute la France.

 

L’œuvre de Deanna Gao Pas de deux.

 

Au service de l’art et de la culture

Malgré son séjour en France, Deanna ne s’est jamais départie de sa passion pour la peinture chinoise. Elle en a fait sa mission et s’efforce de la faire découvrir au plus grand nombre de Français possible. C’est dans un appartement au 38 rue de la Tour Eiffel, sur la rive droite de la Seine, qu’elle enseigne la peinture chinoise. « La Chine possède une civilisation de 5 000 ans, ainsi qu’un style magnifique. La peinture chinoise et occidentale sont toutes deux intéressantes, mais j’estime que ma mission est de transmettre l’héritage de l’art chinois », confie celle-ci.

Elle compte parmi ses élèves de jeunes enfants, des adultes mais aussi des personnes âgées, ainsi que des officiels français. Elle avait même enseigné son art à Grace Kelly, l’ancienne princesse de Monaco.

En 1984, Deanna Gao crée l’Association culturelle franco-chinoise pour permettre des échanges. L’association organise des expositions, des concerts et des cours de calligraphie, de langue, de danse, de cuisine et bien sûr, de peinture chinoise. En 2004, grâce aux soutiens du ministère de la Culture de Chine, Deanna crée le Festival du film chinois à Paris.

« Je me rappellerai toujours les encouragements et les soins de ma tante Soong. Elle m’encourageait et me félicitait pour mes expositions à Paris dans ses lettres. Cela la rendait heureuse que je présente la culture chinoise aux Français. Elle était d’un grand soutien moral », nous confie-t-elle avec un brin d’émotion.

Pour la remercier de son travail dans le domaine des arts et de l’enseignement, le gouvernement français lui a conféré le titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres ainsi que les Palmes académiques. La mairie de Paris lui a délivré la Médaille d’or de la Ville pour sa contribution aux échanges artistiques et culturels.

Deanna a également obtenu le prix de « China Light – ambassadeur de la culture chinoise » de la CCTV en 2013. Dix personnes venant des 5 continents avaient été récompensées. Deanna était la seule représentante de l’Europe.

Deanna Gao a attiré l’attention des Occidentaux vers la peinture chinoise. Elle indique : « La culture n’a pas de frontière. Là où les intellectuels arrivent, la culture se diffuse. »

 

 

La Chine au présent

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