CHINAHOY

28-February-2015

Yang Daoshun interprète le charme de la calligraphie chinoise

 

Yang Daoshun (à gauche) nous présente son œuvre. (PHOTO : YU JIE)

 

MA HUIYUAN, membre de la rédaction

En Chine, la « rencontre des pinceaux » est un type de rendez-vous artistique exceptionnel, où peintres et calligraphes se réunissent en un temps et en un lieu donnés pour ensemble échanger et créer. Nous avons fait la connaissance du calligraphe Yang Daoshun lors d'une « rencontre des pinceaux » organisée à l'occasion du 100e anniversaire de naissance du fameux journaliste et écrivain Israel Epstein. Au cours de l'événement, Yang Daoshun a composé une série de créations artistiques autour des douze signes du zodiaque chinois : des caractères de style pictographique. Même les étrangers ne lisant pas le chinois étaient à même de saisir le sens des idéogrammes et d'apprécier l'esthétique de l'écriture chinoise. Les personnes présentes n'ont pas tardé à s'attrouper autour de ces œuvres pour les admirer de plus près.

Discret et taciturne, Yang Daoshun, est un calligraphe chinois de première classe, membre permanent du Conseil de promotion pour des arts de la peinture et de la calligraphie ainsi que membre de l'Association chinoise des peintres et des calligraphes. Ses œuvres ont été récompensées du prix d'or lors d'un concours-exposition mettant en compétition peintures et calligraphies venues des quatre coins du pays ; elles ont également raflé le premier prix lors d'une exposition de calligraphies et beaux-arts chinois en Europe. Certains de ses ouvrages figurent même dans le recueil Classiques des grands calligraphes, au tome « Cadeau national ». Galeries et personnalités chinoises comme étrangères collectionnent à présent les travaux de cet artiste.

Dans l'interview exclusive qu'il a attribuée à La Chine au présent, Yang Dao-shun avoue : « La calligraphie constitue la quintessence de la culture chinoise. Au début, je n'en étais qu'un simple amateur, puis peu à peu, fasciné par l'étendue de sa richesse et de sa finesse, j'ai développé une forme d'obsession vis-à-vis de cet art. »

De l'intérêt à l'obsession

Yang Daoshun est né à Dezhou (province du Shandong) en 1951. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour la calligraphie. Il évoque : « Découvrir et apprécier la calligraphie s'est fait de manière progressive chez moi. Dès l'école primaire, notre professeur nous a demandé d'écrire au pinceau nos rédactions et notre journal hebdomadaire. Puis, j'ai aussi été influencé par mon frère, qui était réputé dans ma ville natale pour son écriture charmante et précise. » C'est ainsi que Yang Daoshun a commencé à cultiver un vif intérêt pour la calligraphie, qu'il s'est mis à pratiquer avec assiduité par la suite. « La passion est toujours le meilleur des professeurs, quelle que soit la discipline à laquelle on s'adonne. L'apprentissage de la calligraphie est parfois monotone. C'est mon goût pour cet art qui m'a poussé à m'accrocher et à me plonger toujours plus dans l'étude de l'écriture chinoise. »

À l'âge de 18 ans, Yang Daoshun s'enrôle dans l'armée, où il fait la connaissance de son compagnon d'armes Yang Zhizhong, qui deviendra plus tard l'éminent calligraphe Shi Yang. « Sous son influence, je me suis engagé dans l'étude et la pratique de la calligraphie chinoise, qui déjà me passionnait. Progressivement, j'ai commencé à en appréhender toute la profondeur. J'imitais avec humilité les écritures des grands maîtres calligraphes chinois de l'histoire. À cette époque, notre troupe était cantonnée à Xichang et Jiuquan, deux lieux aux conditions de vie très difficiles, de sorte qu'il m'était impossible d'acheter des cahiers d'écriture. Et si par hasard j'en dégoté un, j'en prenais soin comme d'un trésor, tout en copiant maintes et maintes fois les calligraphies qu'il contenait. Je possède encore quelques-uns de ces vieux cahiers aujourd'hui. »

À son retour à la vie civile, Yang Daoshun décroche un poste au sein du gouvernement local. Bien que très pris par son travail, il continue assidûment à manier le pinceau. « Je n'ai jamais cessé de pratiquer la calligraphie toutes ces années durant. Même dans la rue quand j'apercevais des caractères joliment tracés en me promenant, je m'arrêtais pour les admirer longuement et les reproduire avec le doigt. Grâce aux progrès technologiques, c'est bien plus commode de nos jours : à tout moment je peux prendre en photo les caractères qui me plaisent avec mon téléphone portable, puis examiner ces derniers plus attentivement une fois rentré chez moi. »

C'est aussi de manière progressive que Yang Daoshun a pris confiance en ses propres œuvres. Le séminaire de la calligraphie du Shandong en 2007 a marqué un tournant dans sa carrière. Pour participer à cet événement, Yang Daoshun avait apporté deux calligraphies reprenant les poèmes de Su Dongpo, un poète chinois de génie qui a vécu sous la dynastie des Song (960-1279). Les œuvres de la plupart des participants avaient été présentées une seule fois dans la salle d'exposition, mais celles de Yang Daoshun avaient été tellement appréciées qu'elles avaient été montrées à quatre reprises. Durant la « rencontre des pinceaux » suite à ce séminaire, les caractères sigillaires qu'il avait écrits avaient été couverts d'éloges, et beaucoup de personnes présentes lui avaient demandé un autographe. Cette expérience lui avait permis de gagner en assurance. Depuis lors, il considère que son style est « pas mal ». Il précise : « La confiance en soi affecte directement la qualité des caractères. Si l'on manque de confiance, on aura beau être très minutieux, l'écriture semblera contrainte, peu naturelle. »

Après des dizaines d'années d'étude et d'entraînement, les calligraphies de Yang Daoshun ont non seulement reçu un accueil favorable du public, mais ont aussi été primées à répétition lors de concours nationaux. Yang Daoshun est ainsi devenu un artiste très prisé des collectionneurs.

 

Le cheval de Yang Daoshun.

 

Le charme de la calligraphie chinoise

La calligraphie n'est pas uniquement une forme d'art : elle constitue également un moyen efficace pour garder la santé. D'après des conclusions formulées par des experts médicaux, parmi les 20 professions propices à une longue vie, c'est calligraphe qui figure en tête.

Yang Daoshun nous présente : « La calligraphie et le qigong (un type d'exercice respiratoire traditionnel chinois) possèdent des points communs. Tous deux exigent de la concentration, un calme intérieur ainsi qu'une coordination entre le corps et l'esprit. Ceux qui s'essaient à la calligraphie reconnaissent tous le rôle bénéfique de la pratique de cet art sur la santé. De la préparation de l'encre à l'écriture des caractères, toutes les étapes requièrent une totale dévotion de l'âme et du corps. Les sentiments de l'artiste sont couchés sur le papier, passant à travers chaque trait, chaque mouvement. Ainsi, la calligraphie est en soi une sorte de qigong. »

Comme évoqué, le charme de la calligraphie se manifeste en outre à travers son caractère esthétique. Fort de ses dizaines d'années d'expérience, Yang Daoshun peut décrire en quatre points la beauté d'une calligraphie : « D'abord, une œuvre doit plaire au premier coup d'œil, tant aux experts du milieu qu'aux néophytes. Chaque style calligraphique renferme un charme artistique unique : le kaishu est régulier ; le xingshu est fluide ; le caoshu est enthousiaste... À chacun sa préférence. Et puis, il existe une splendeur obscure. En Chine, on dit qu'apprécier une calligraphie revient à "admirer les fleurs dans la brume, contempler les saules derrière le voile, regarder la montagne sous la pluie et observer la lune se reflétant dans l'eau". Il s'agit d'un art abstrait, qui éveille l'imagination et invite à l'interprétation personnelle. De plus, la calligraphie est subtilement symbolique : les artistes arrivent à exprimer leurs émotions par le biais de leur pinceau, parfois passion parfois tendresse. Enfin, la calligraphie est une discipline méthodique : la structure, la composition et les traits doivent tous suivre une certaine théorie, ce qui ajoute une dimension technique. »

La transmission d'un savoir-faire

Aujourd'hui, avec la généralisation de l'Internet, de moins en moins de Chinois sont amenés à écrire au stylo durant leur travail. Ne parlons même pas du pinceau... Yang Daoshun indique : « La calligraphie a perdu son aspect utilitaire, mais sa valeur artistique n'en est que plus importante. La calligraphie est un des "gènes" de la civilisation chinoise. Notre génération a le devoir de transmettre ce legs culturel. Récemment, le gouvernement a lancé des politiques visant à renforcer l'enseignement de la calligraphie dans les écoles. Une très bonne initiative selon moi. »

Yang Daoshun se félicite de voir un nombre grandissant de Chinois toucher à la calligraphie. « En fait, de nombreux Chinois ont toujours attaché un vif intérêt à cette discipline. Ceux-ci peuvent être classés en plusieurs catégories. La première : les calligraphes professionnels eux-mêmes, investis de la mission de diffuser cet art. Bien sûr, ce groupe est minoritaire. La deuxième catégorie : les calligraphes amateurs, attirés par la culture traditionnelle. Et enfin la troisième catégorie : des retraités qui commencent à écrire au pinceau dans le but de cultiver leur esprit. »

Néanmoins, le milieu de la calligraphie en Chine laisse encore à désirer. Yang Daoshun nous explique : « De nos jours, s'observe une tendance consistant à rechercher les profits immédiats et la gloire du jour au lendemain. Certains artistes, impatients de créer selon leur soi-disant style, ne prennent pas le temps d'acquérir les connaissances de base. Peut-être leurs travaux attireront-ils un temps l'attention, mais jamais ils ne deviendront des classiques. Il n'est pas possible de progresser en faisant fi de l'héritage passé. Toutefois, je suis convaincu qu'avec les efforts conjoints de tous les amoureux de cet art, la calligraphie chinoise avancera vers un avenir radieux. »

 

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