CHINAHOY

27-January-2014

Une toile entre la France et la Chine

 

Zhou Shichao

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Zhou Shichao est un peintre très apprécié à Marseille, dans le sud de la France, et en Italie, où depuis 2010 il a déjà fait plus de trois expositions grand format en partenariat avec les villes de Marseille et de Florence. Le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin et l'ancien premier ministre français Dominique de Villepin l'apprécient et les photos qu'il a pris avec eux le rendent très fier.

Lorsque l'on entre dans son atelier, on se trouve face à une pièce aux dimensions très vastes, un duplex avec une verrière sur deux étages, sur du parquet qui craque, au milieu de toiles entassées le long des murs ou appuyées sur des chevalets. On aperçoit Zhou Shichao en short et en tongs en train de fignoler un tableau, cigarette à la bouche, en toute simplicité.

Un fois entré dans cette pièce très lumineuse dont la baie vitrée est ouverte pour dissiper l'odeur de l'huile de térébentine, Zhou Shichao nous fait la visite. Il explique d'abord qu'il est en train de finir un tableau qui fait curieusement penser aux Nénuphars de Monet et puis il nous entraîne au fond de la salle là où sont entassées des toiles et, avec son assistant, les découvre une à une.

Certaines représentent des formes, mais c'est plus une explosion de couleurs, des traits libres, quelque chose entre le contemporain et l'impressionnisme. On a parfois l'impression qu'on a reconnu un quelconque paysage ou bien que l'on distingue quelque chose. Zhou Shichao explique que l'interprétation peut être différente suivant chaque tableau et chaque personne.

La première pensée qui vient à l'esprit est : comment un peintre chinois peut-il dessiner comme cela ? Où a-t-il appris ? Comme Wu Guanzhong ou Xu Peihong a-t-il fait ses études en France ? Se serait-il inspiré de la peinture impressioniste ?

On pourrait être tenté de comparer son style à l'impressionisme, mais on se rend vite compte que ce n'est pas vraiment cela, et que son style n'est pas non plus totalement abstrait. Zhou Shichao explique qu'il a un style qui rappelle les impressionistes par les couleurs, l'utilisation de la lumière et le flou, mais qu'il a aussi fait du réalisme et qu'il n'essaie pas d'imiter, qu'il travaille plus en suivant son intuition.

Port de plaisance

Ses tableaux n'ont pas de structure précise, il n'organise pas le tableau avant de le peindre, il suit son instinct. Cette sensibilité chinoise, cet espace d'imagination qu'il laisse sur la toile, ce flou volontaire non fini sont pour lui un moyen de laisser le regard du spectateur se perdre dans la toile et recréer lui-même le tableau à sa façon et donc d'interagir avec lui. Ça, selon lui, c'est sa culture chinoise qui lui a apporté.

On pourrait croire qu'il imite le style de Monet vers la fin de sa vie lorsqu'il peignait Les Nymphéas, mais en fait ses tableaux ont une singularité qui nous empêche de croire qu'il est juste un peintre imitateur, « un artisan » comme il les appelle. C'est un véritable artiste créateur : il remodèle les paysages, il crée de nouveaux symboles, de nouvelles façons de s'exprimer.

Après plusieurs expositions en France, à Marseille et à Paris, ces dernières années, Zhou Shichao est de plus en plus confiant dans ses créations. Pour lui qui était attiré depuis l'enfance par la France, pays des peintres impressionistes, de Monet, Matisse, l'approbation d'un public autre que le public français n'aurait pas eu la même valeur.

La réussite des différentes expositions dans le cadre de Marseille, Capitale européenne de la Culture, le montre bien : en moins de 22 jours plus de 7 000 personnes sont venues voir l'exposition de Zhou Shichao « Lever de soleil sur Marseille ». La ville de Marseille lui offrira le titre de citoyen d'honneur de la ville un an plus tard, lors de la visite de la délégation française en Chine, et l'invite toujours régulièrement à exposer.

Alors pourquoi la Provence et pas la Bretagne et ses paysages rudes et escarpés, ou bien Paris et son atmosphère contrastée, ou même les paysages montagneux et forts des Alpes ? Zhou Shichao explique que c'est par hasard qu'il a été invité pour exposer et peindre là-bas. La Provence est la région française la plus connue des Chinois pour le tourisme, mais ce n'est pas pour cela que Zhou Shichao la connaissait. Il l'avait visité par la peinture, les grands maîtres qui y ont peint et il se trouve qu'il a eu l'occasion d'y aller et d'utiliser son regard personnel pour la peindre. Depuis qu'il y va pour prendre la lumière, Zhou Shichao se rend compte que la Provence est un endroit idéal pour la peinture. La lumière y est très claire, l'atmosphère agréable, les paysages sont colorés, les matières sont riches. Pour lui, les tableaux qu'il a fait en Provence sont comme le vin provençal, pleins de sucre, épais et baignés de soleil.

Paris fait aussi partie des endroits qu'il a peint en France, mais les toiles sont moins nombreuses, car il y est resté moins longtemps et l'atmosphère n'y est pas la même. Les paysages parisiens qu'il a peints sont souvent sombres, plus baroques, voire même très romantiques. Selon Zhou Shichao, c'est l'atmosphère de l'endroit qui pousse à changer de façon de s'exprimer, à changer de technique pour peindre.

La Provence est sa deuxième patrie, il y a des amis français, des admirateurs, qui aiment et respectent son travail. Il est également devenu ami avec un peintre français et ensemble ils ont fait une exposition sur la Provence qui fut également mise en place en Chine à Beijing et a permis aux amis chinois de Zhou Shichao de découvrir les nouveaux liens qu'il a tissé avec la France.

On pourrait se demander comment un peintre peut-il participer à des échanges culturels, qui sont souvent plus axés sur la musique et le cinéma, mais ceux en peinture se réduisent souvent à des échanges entre musées ou ventes aux enchères. Lorsqu'on lui pose la question, Zhou Shichao répond que l'important c'est de comprendre que l'art n'a pas de frontières et qu'il faut avoir une vision internationale quand on est artiste. Ensuite il faut savoir appréhender les différences culturelles, mais aussi savoir les oublier.

Lors de ses échanges avec les Français, que ce soit des peintres, des étudiants des Beaux-Arts ou des politicien, Zhou Shichao essaye de ne pas tomber dans le piège du peintre chinois en France qui viendrait faire une présentation exhaustive de la culture chinoise. Tout d'abord, parce que ce n'est pas son métier et ensuite parce que les échanges sont plus faciles lorsque l'on trouve ce que l'on a en commun avec l'autre. On dit souvent que la musique est sans frontière, la peinture l'est également. C'est juste que la peinture est plus discrète. Et c'est cela que Zhou Shichao souhaite faire découvrir aux personnes qui viennent visiter son atelier ou participent à ses expositions.

Les nouveaux liens qu'il a tissé entre la tradition et la modernité dans ses toiles, entre la France et la Chine, entre lui et les Français viennent de cette nouvelle langue qu'il a crée sur ses toiles et qu'il s'efforce de faire vivre. Les prochaines expositions en France sont en préparation et pour montrer encore plus le rapprochement entre la culture chinoise et la culture française, il espère faire imprimer ses tableaux de Marseille et de la Provence sur de la soie de Hangzhou. Ainsi il pourra de fils chinois faire des toiles françaises.

 

La Chine au présent

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