CHINAHOY

8-January-2016

Haro sur la Chine !

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

CHRISTOPHE TRONTIN, membre de la rédaction

Laissez-moi vous guider à travers une petite revue de presse sur laquelle vous seriez tombé comme moi si vous aviez googlé, en ce 15 décembre, les mots « Chine » et « actualité ».

L'Obs Monde par exemple, titre « L'avocat des droits de l'homme Pu Zhiqiang devant la justice ». La nouvelle n'a rien de scandaleux en soi, veut-on espérer, d'ailleurs le verdict n'est pas attendu avant février. Mais l'actualité anti-chinoise n'attend pas et c'est ici et maintenant qu'il faut s'indigner ! On apprend donc que l'avocat d'Ai Weiwei, grand chouchou de l'Occident, est accusé de peccadilles qui pourraient lui valoir jusqu'à huit ans de prison. D'où sort cette estimation ? Nul ne sait. Sans affirmer que la Chine est un parangon de l'État de droit ni une championne des droits de l'homme, appliquons-lui notre beau principe de l'innocence présumée et attendons le verdict avant de grimper sur les barricades.

C'est curieux, mais c'est un fait : la presse démocratique se passionne pour les démêlés de deux ou trois artistes de la provocation, riches et célèbres, accueillis dans le monde entier. L'équivalent de notre Dieudonné, puisque leur spécialité est de jouer avec les limites de la liberté d'expression. Un rôle salutaire aussi bien en Chine qu'en France, m'empresse-je de préciser, parce que le sacré et le secret ne devraient pas avoir leur place dans une société moderne, pas plus que la censure.

La lutte pour la liberté de l'expression en Chine fait plus recette que la lutte sociale dans ce même pays, qui concerne pourtant des millions d'employés désireux d'améliorer leurs conditions de travail et de salaire. Ah, voilà tout de même un article sur ce sujet : Aujourd'hui l'économie sur RFI. Dans un texte lourd de sous-entendus inquiétants, de données « officielles » assorties des conditionnels d'usage (lorsqu'il s'agit de la Chine, « officiel » se traduit par « mensonger, la vérité est bien pire ») et de déclarations de personnes « sous couvert d'anonymat », on apprend que 2 300 grèves ont éclaté en Chine cette année, un record. J'avoue à ma grande honte me réjouir que les travailleurs chinois s'engagent pour une amélioration de leurs conditions de vie et de travail et je leur souhaite de tout cœur d'obtenir satisfaction. Chez nous le nom de Jean Jaurès est invoqué à tout bout de champ alors que la précarité et le chômage ne cessent de progresser.

Comme l'article termine sur « l'économie toujours à la peine » en Chine, profitons-en pour nous amuser un peu de cet autre article, de L'Express-L'Expansion, qui s'alarme du désastre économique dans le pays. « La Banque centrale du pays affirme entrevoir une amélioration » peut-on y lire « malgré la période actuelle d'essoufflement de l'économie chinoise », frappée au cœur par « de fortes surcapacités, une chute des bénéfices, des créances douteuses », fruit de « politiques tardives » et disons-le, incompétentes, qui entraînent le pays vers une « performance économique la plus faible depuis un quart de siècle »... de 6,8 % de croissance, excusez du peu ! Ces articles misérabilistes qui s'enchaînent et se surpassent en ineptie depuis des décennies ont franchement de quoi faire rire, surtout à côté des dithyrambes qui saluent le plus poussif sursaut de croissance d'un pays démocratique.

Après la catastrophe économique chinoise vient le second thème favori de notre presse libre : l'internet censuré. Ce mercredi 16 décembre, apprend-on sur le site de Courrier International, s'est tenue en Chine la 2e Conférence sur l'Internet, avec la participation de Google, d'Apple, d'Amazon, bref de tout ce que la planète compte de gloires de la Toile... Une seule absente, note fielleusement l'hebdomadaire : la liberté. La Chine est loin d'être la championne de la cyber-liberté, mais je ne peux retenir ma surprise en comparant l'indignation de nos feuilles de choux démocratiques envers les mauvaises pratiques d'ici... et la relative placidité de leur réaction lorsqu'on a appris les pratiques illégales d'espionnage des citoyens qui ont cours chez nous... Un petit tour sur l'internet chinois devrait vous convaincre que la discussion y est vivace, voire même virulente, que les vidéos et les gags s'y partagent comme ailleurs, et que l'emploi du VPN (pour contourner la censure) y est répandu.

Je voudrais terminer ce florilège par une note positive. Je passe donc sur les autres thèmes porteurs qui, lorsqu'on parle de la Chine, sont la lutte contre la corruption (qui porte préjudice à notre industrie du luxe) et le smog pékinois (hélas, Beijing n'est qu'à la 77e place dans le monde) qui ont pris la relève de la grippe aviaire (un lointain et décevant souvenir, la catastrophe sanitaire attendue n'a pas tenu ses promesses). Ah, enfin : un article sur le vin.

C'est encore une fois L'Express-L'Expansion qui s'y colle, avec un article sur ce viticulteur chilien qui a investi dans le Ningxia... et qui s'arrache les cheveux, le malheureux, de découvrir « ces hectolitres de faux Bordeaux » que de perfides Chinois produisent pour ruiner sa petite affaire. On est évidemment désolé pour lui d'avoir découvert aussi tard les particularités du marché chinois... où Chinois mais aussi Français vous refilent parfois des vins de table au prix d'un grand cru classé.

Un survol de la presse internationale l'aurait sûrement dissuadé de s'aventurer en Chine !

 

La Chine au présent

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