CHINAHOY

1-April-2015

WalktheChat : jeune entrepreneur français en Chine

 

Les bureaux de WalkTheChat situés près de Dongzhimen à Beijing.

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Thomas Graziani a 28 ans et est originaire de Marseille. Il vit en Chine depuis 3 ans et s'est lancé dans le design consulting sur l'application chinoise WeChat pour smartphone. Il a même créé sa propre société : WalktheChat, aujourd'hui composée de 6 personnes.

Pour les non-initiés, WeChat est une plateforme de discussion pour smartphone très en vogue ces dernières années en Chine.

Outre sa fonction de « talkie-walkie » qui permet de laisser des messages instantanés à ses contacts, WeChat possède également une interface pour payer avec son smartphone, une fonctionnalité « Groupe public » qui permet de créer des comptes pour les entreprises ou autres organismes. Il est même possible d'y faire de la publicité dans la partie « Moments ».

Cette application fait fureur, à tel point que les Chinois ne s'échangent plus leurs numéros de téléphone mais leur identifiant WeChat. C'est là-dessus qu'a misé Thomas. Celui-ci avait déjà tenté plusieurs expériences en entreprenariat après son arrivée en Chine. « Mes deux premières expériences pour créer ma start-up en Chine m'ont appris beaucoup. La première a échoué, la deuxième marche moyennement, mais avec WalktheChat je pense que j'ai trouvé une idée intéressante, car c'est à la fois du marketing et de l'ingénierie. Cela me permet d'allier mes deux spécialités », nous explique Thomas autour d'un café au Raffles de Dongzhimen, près des bureaux de sa start-up.

Communication et marketing sur WeChat

« Ce que je fais aujourd'hui, je le faisais un peu chez Schneider quand j'étais chargé de stratégie marketing. Actuellement, j'aide les entreprises, qu'elles soient chinoises ou françaises, à créer une stratégie de communication et de marketing sur WeChat. Pour résumer, je les aide à faire des études de marché, du développement de sites internet mobile, de la publicité et des analyses de feedback », nous décrit-il.

La plate-forme WeChat étant assez compliquée, Thomas et son équipe s'occupent de démêler les nœuds de WeChat pour leurs clients afin de trouver les utilisateurs-cibles, de développer des comptes publics susceptibles de les intéresser, d'adapter le contenu et les onglets de ces comptes. Il faut également développer des sites internet mobile permettant aux clients potentiels de trouver les produits et de les acheter via WeChat. Une de leurs autres tâches est de faire des campagnes de publicité via des comptes publics ou par des partenaires tels Tencent. La dernière partie du travail se résume à faire des statistiques sur la stratégie de communication et l'analyse des résultats.

« La demande pour ce type de service est importante », nous affirme Thomas, dont les clients incluent des PME dans le secteur de l'éducation, de l'alimentaire, du conseil ou du voyage, ainsi que des grands groupes comme l'entreprise de produits laitiers Arla. « Ce qui est sûr, c'est qu'on a du pain sur la planche et un bel espace de développement », conclut-il.

 

Thomas Graziani.

 

Une expérience à partager

Thomas est entrepreneur, mais est aussi très bon pédagogue. Il fait régulièrement des interventions à l'université de Beijing pour des étudiants en MBA. Il leur explique souvent que l'envie d'entreprendre lui est venu du désir de se lancer « sans filet pour faire quelque chose soi-même et pour soi-même. » Il ne faut pas avoir froid aux yeux donc. Bien qu'il eût un très bon poste et un bon salaire dans son ancienne entreprise et qu'il soit bardé de diplômes : Polytechnique et Cambridge, c'est l'envie d'essayer, de tenter une aventure qui l'a motivé.

Il dit souvent que réussir en entreprenariat est souvent affaire d'ego. On a souvent le rêve de faire fortune en une nuit car on se croit doté « des pouvoirs magiques de l'entrepreneur génial », alors que « cela arrive, mais c'est extrêmement rare. On passe plutôt des nuits blanches à travailler ». Et souvent, on se rend compte que les capacités que l'on se prêtait volontiers ne sont finalement pas au rendez-vous. Même pour Thomas, pourtant muni d'un excellent bagage d'études et d'expérience professionnelle, l'entreprenariat reste une école de l'humilité.

Thomas nous donne sa vision du lancement d'une start-up : « Il ne faut pas hésiter à lancer un produit. Il ne faut pas rester au stade théorique ou chercher à ce que le produit soit parfait à son lancement, car il ne le sera pas. » D'après lui, cela permet de survivre sans dépenser tout son investissement jusqu'à ce que le produit soit finalisé et d'obtenir une sorte de feedback marketing.

Créer une start-up en Chine : crash test

À la question : est-ce plus facile de créer son entreprise en Chine qu'en France, Thomas répond : « C'est pratiquement pareil. Pour nous, la question ne se pose pas vraiment puisque nous avons en fait racheté une entreprise chinoise à capitaux étrangers (WOFIE) qui appartenait à une société hongkongaise. Au niveau des taxes salariales, c'est généralement la même chose qu'en France », nous révèle-t-il.

Nous lui demandons s'il a cherché des investisseurs : « Pour moi, la création de ma start-up en informatique a été bien moins compliquée, puisqu'il n'y avait pas besoin d'un investissement conséquent au départ. « En travaillant seul chez moi sur l'application WeChat, je n'avais pas besoin de louer des bureaux ni de payer des employés. Mais petit à petit, à cause de l'augmentation des demandes et des clients j'ai dû embaucher et louer un espace pour travailler. »

Là est une des difficultés pour créer et faire perdurer une entreprise en Chine : le recrutement. « Dans le milieu informatique en Chine, il y a beaucoup de roulement du personnel et on a souvent besoin d'un réseau d'amis pour trouver les bonnes personnes. La motivation des employés et leur volonté de rester dans la société viennent, non pas du salaire proposé, ni des autres prestations salariales que l'on peut proposer, mais surtout de l'espace de développement et de création potentiel que peut avoir l'entreprise dans le futur. Ce qui comprend le dynamisme de l'entreprise et bien sûr, les ventes et le nombre d'utilisateurs, de clients pour nos services. Cela donne de la durabilité à la start-up, permet d'embaucher et surtout de faire rester les gens », nous dévoile-t-il.

Et finalement, ce qui compte, c'est d'être dynamique, d'avoir de la patience et d'être capable de se remettre en cause. « Entreprendre en Chine, c'est un moyen de te mettre face à la réalité, du marché, du monde du travail chinois, de tes capacités », nous dit-il. Mais cela permet également de trouver sa place et c'est la raison pour laquelle on crée son entreprise. Il ne faut pas rêver de faire fortune en trouvant une mine d'or. « La Chine n'est pas l'eldorado, mais le dynamisme de la société chinoise, la volonté des gens de réussir est effectivement galvanisant. Dans une start-up, le processus est intéressant, et comme le disent souvent les Chinois : c'est le chemin qui est important, pas le but », conclut-il en rangeant son ordinateur qu'il avait apporté pour travailler. Il doit retourner à son bureau. Quand nous lui demandons ce qu'il fait pendant les weekends, s'il sort dans les bars comme beaucoup des expatriés à Beijing, il nous répond : « De temps en temps oui, mais comme mon travail est très prenant et que ça me passionne, je préfère rester chez moi à apprendre, améliorer nos services. Quand on a l'impression de faire les choses pour soi et qu'on voit évoluer son projet, passer des soirées dans les bars est un peu une torture. Moi, je pense à ce que je pourrais être en train de développer pour notre entreprise au lieu d'être ici », ajoute-t-il pour finir.

 

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