CHINAHOY

17-February-2013

Les chiffres chinois : d'autres signes (2)

SÉBASTIEN ROUSSILLAT*

Le six 六 (liù) est certainement l'un des chiffres les plus importants de la culture chinoise. Dans la tradition confucianiste, le six fait référence aux relations familiales 六亲 (liùqīn) : père-fils, frère aîné-frère cadet, mari-femme. Ce terme s'utilise aujourd'hui de façon générale, signifiant les membres d'une famille. On le retrouve dans les expressions 六亲不认 (liùqīn bùrèn) (renier, être ingrat envers sa famille) ou 六亲无靠 (liùqīn wúkào) (être sans famille).

Le six est également l'un des chiffres « porte-bonheur » des Chinois, associé à la réussite, au succès. Les couples choisissent souvent de se marier le 6 juin (6/6). À l'inverse de notre culture, où le six répété trois fois forme un nombre maléfique, les Chinois recherchent des plaques d'immatriculation ou des numéros de téléphone contenant deux ou trois six.

Le sept 七 (qī), dont la graphie fait penser à notre chiffre arabe retourné, est plus neutre. Il est très souvent employé avec le huit pour former des expressions signifiant « le désordre ». Ainsi, on pourra dire pour une maison mal rangée qu'elle est 乱七八糟 (luànqībāzāo) ; suite à une grosse frayeur ou lorsque l'on craint d'avoir mal fait quelque chose, on pourra décrire ce sentiment avec 七上八下 (qīshàng bāxià), littéralement « sept dessus et huit dessous », comparable à l'expression française « être sans dessus dessous ».

Le sept est par ailleurs empreint de philosophie bouddhiste, puisqu'il est utilisé pour désigner les sept sentiments 七情 (qīqíng), que sont la joie, la colère, la tristesse, la peur, l'amour, la haine, la possession, sentiments qui seraient une entrave à « l'éveil ».

Le huit 八 (bā), étonnamment, revient à une graphie plus minimaliste avec seulement deux traits, qui semblent ne se rejoindre qu'à l'infini. Il fait partie des chiffres les plus appréciés en Chine. Sa prononciation étant en effet similaire au caractère « faire fortune », il est très prisé pour les dates de mariage et d'inauguration. La plupart des magasins réouvrent ainsi le huitième jour 初八 (chūbā) de la nouvelle année.

Le yin et le yang, l'un des symboles de la culture chinoise, sont entourés de diagrammes, dessinant ainsi « la carte des huit diagrammes », 八卦图 (bāguà tú). Il est intéressant de noter que cette expression des « huits diagrammes », 八卦, a pris aujourd'hui le sens de « nouvelles people ».

Nous arrivons au neuf 九 (jiǔ), dont la graphie ressemble étrangement à celle de son homophone 久 (longtemps). Cette particularité est souvent soulignée pour faire un rapprochement entre le chiffre neuf et l'éternité.

La Chine mythique était ainsi surnommée 九州 (jiǔzhōu), les « neuf provinces ». Celui qui détenait les neuf vasques rituels 九鼎 (jiǔdǐng), fondus par le roi Zhou, en devenait le souverain légitime.

Le neuf, chiffre le plus grand, est forcément le chiffre impérial par excellence. Il existait ainsi plusieurs murs représentant neuf dragons en Chine 九龙壁 (jiǔlóngbì), dont les plus connus se trouvent au parc Beihai et dans la Cité interdite. Seul l'empereur était autorisé à posséder ce genre de sculpture et à utiliser le neuf. Pour information, la Cité interdite compte 9999 pièces.

Le dix, représenté par une croix 十 (shí), est un chiffre très « visuel ». Pour l'indiquer avec les doigts, les Chinois croisent les index de chacune de leur main. De plus, on utilise ce même caractère pour désigner la croix chrétienne十字架 (shízìjià) ou un carrefour 十字路口 (shízìlùkǒu).

À la croisée entre les chiffres et les nombres, le dix connote une certaine perfection. Les adverbes 十全十美 (shíquán shíměi) « dix complet dix parfait » ou 十分 (shífēn) « dix points » expriment l'abondance ou la perfection. Le dix peut également être utilisé en association avec le neuf pour former une expression manifestant sa conviction ou sa confiance envers quelque chose : 十拿九稳 (shínájiǔwěn).

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