CHINAHOY

27-February-2015

Le développement de la Chine nourri par la démocratie et le droit

 

Un scrutateur porte sur le tableau noir les résultats du vote aux élections du comité des villageois.

 

La Chine voit progresser l'idée de la participation citoyenne, qui s'applique de plus en plus largement au niveau local et municipal. La réforme judiciaire vient appuyer cette évolution.

LIU XIAOMEI*

La voie chinoise vers la modernisation a suivi un processus de réforme et de développement pendant lequel plusieurs régimes exotiques se sont succédé : monarchie constitutionnelle, république démocratique, puis modèle soviétique. Ces efforts visant à transformer la structure existante par l'emprunt d'expériences étrangères ont connu des hauts et des bas. C'est finalement la théorie de Deng Xiaoping, la « voie du socialisme à la chinoise » qui s'est imposée comme modèle de développement vers la modernité enraciné dans le sol chinois.

Après plus de trente ans de développement depuis la mise en application en 1979 de la réforme et de l'ouverture, l'essor économique de la Chine a surpris le monde entier : le volume de son économie se classe déjà au deuxième rang mondial ! La puissance du pays a également fait des progrès sans précédent. Cependant, les mesures de développement économique et de réforme ont besoin de l'appui d'une bonne structure politique, et doivent s'accompagner de la démocratie et de la légalité. C'est pour cette raison que le Parti communiste chinois (PCC) a, lors de la 3e session plénière de son XVIIIe Comité central, défini le « développement institutionnalisé de la démocratie consultative sur une large échelle et à plusieurs niveaux » comme une clé pour l'édification de la politique dite de démocratie socialiste. Et lors de la 4e session plénière, il a encore formulé l'idée qu'il faut « promouvoir sur un plan général la gouvernance du pays conformément à la loi ». Aujourd'hui, alors que la construction d'une société d'aisance moyenne entre dans sa phase décisive, la réforme gagne en profondeur. C'est pour cette raison qu'il est désormais capital de passer en revue, de réfléchir et de mettre en perspective l'édification d'une démocratie consultative et le renforcement de la légalité, pour la réforme et le développement du pays et dans le cadre du processus de modernisation de l'administration nationale. Ces éléments revêtent une signification importante pour parfaire le système socialiste à la chinoise, et promouvoir la stabilité et le développement durable.

Force motrice du développement chinois

Que l'on parte de la pensée traditionnelle basée sur la population ou du concept moderne de l'État national, les relations entre l'État et l'individu n'ont jamais été catégorisées en « intérêts de l'État » et « intérêts individuels » opposés, mais plutôt définies comme des rapports mutuels, en recherche d'harmonie. Dès la fin de la dynastie des Qing (1644-1911) et durant la République de Chine, des intellectuels et des hommes politiques poursuivant l'idéal de l'indépendance nationale et de la puissance du pays se sont livrés à ces réflexions et ont mis en pratique des réformes démocratiques du régime politique, appelant à libérer la « force du peuple ».

Après la proclamation de la République populaire de Chine en 1949 qui a adopté la philosophie marxiste et le régime socialiste, c'est la population qui est devenue maîtresse de l'État. La Constitution a établi le principe que « tout pouvoir appartient au peuple ». Plusieurs mécanismes politiques de base, tels que l'assemblée populaire, la consultation politique, l'autonomie des régions ethniques et l'autonomie des échelons de base, concourent à garantir efficacement au peuple la liberté et des droits de formes et de contenus divers, notamment la participation à la gouvernance de l'État et à l'administration sociale par divers moyens et sous diverses formes.

Le système et les droits démocratiques définis et garantis par la Constitution et les lois mettent en valeur l'enthousiasme, l'initiative et la créativité du peuple, et ont grandement libéré son intelligence et ses capacités. Le système de bail forfaitaire d'exploitation familiale, le suffrage direct, les réunions de consultation, les budgets administratifs avec la participation de représentants de la population et les audiences en témoignent.

Si le peuple est la force motrice du développement, le système démocratique mobilise l'enthousiasme de la population, tandis que la législation sert de garantie à la démocratie. Il ressort de là que le développement de la Chine doit insister sur le statut du peuple comme acteur principal, élargir la démocratie populaire et promouvoir la gouvernance basée sur le droit.

 

Des villageois du district de Baofeng (Henan) consultent les informations publiques.

 

La démocratie consultative, un consensus nécessaire pour le développement

La démocratie socialiste, marquée par le statut central du peuple, doit non seulement refléter la maîtrise du pouvoir suprême par les citoyens, mais également la capacité du peuple à décider de ses propres affaires dans l'administration sociale quotidienne. Ainsi, la démocratie socialiste à la chinoise se caractérise par ses deux formes : la première, le peuple exerce directement son droit d'élire et de voter ; la seconde, divers échelons du pouvoir procèdent à des consultations avant de prendre une décision importante, afin de parvenir à un avis le plus unanime possible sur les questions à caractère collectif. La participation directe du public existe en pratique dans la démocratie consultative. Ce complément au premier droit électoral élargit et approfondit la démocratie, cherche les points d'accord en laissant de côté les différends, d'où la possibilité d'un large consensus. Ce système promeut un développement social harmonieux, et c'est là la forme spécifique et l'avantage particulier de la politique démocratique socialiste chinoise.

Avec l'approfondissement de la réforme et le développement de l'économie de marché, les rapports sociaux se compliquent d'intérêts plus diversifiés. Le modèle d'administration traditionnel, autoritaire, ne convient plus aux besoins de la gouvernance moderne. De ce fait, certains gouvernements locaux et organisations sociales ont essayé de multiples formes, telles que la négociation législative, la consultation d'experts, le recueil ouvert d'opinions, l'audience, l'entretien informel, le forum municipal des citoyens, la participation au budget gouvernemental, la réunion des habitants du quartier, le forum du quartier, le poste d'information sur les conditions de vie, la discussion des salariés du secteur, etc. Par la participation du public au processus d'administration, on veut rendre la prise de décision plus ouverte et plus transparente, afin d'accroître la légitimité et l'efficacité des prises de décisions.

Voyons comment le gouvernement de Wenling du Zhejiang communique et obtient l'approbation du public.

En juin 1999, pour rendre l'administration rurale plus démocratique, le bourg de Songmen de Wenling a pris l'initiative de créer un « Forum sur l'éducation à la modernisation agricole et rurale », dans le but d'offrir une occasion de dialoguer face-à-face aux cadres et aux paysans sur des questions publiques spéciales. Cette forme s'appelle désormais l'« entretien informel ». À partir de 2000, ce mécanisme de dialogue s'est étendu aux échelons administratifs du village (quartier) et du département municipal, et a même été introduit dans des entreprises privées et des organismes du Parti. Les résultats se sont avérés très positifs.

Après plusieurs années de pratique, on a trouvé que la réalisation des projets clés lancés à l'issue des entretiens était souvent empêchée par des problèmes de budget. En juillet 2005, l'Assemblée populaire du bourg de Xinhe a pris l'initiative de créer un système de « participation au budget » : elle a appliqué le format des entretiens à l'examen préparatoire, l'analyse et l'approbation du projet budgétaire par l'Assemblée populaire du bourg, ainsi qu'à l'exécution et la supervision de celui-ci. Adapter le modèle des entretiens dans l'ensemble du processus d'élaboration et d'application du projet budgétaire d'un gouvernement à l'échelon de base a favorisé l'échange et l'interactivité entre gouvernement et citoyens, promu l'approfondissement de la démocratie consultative, renforcé le rôle d'encadrement et de surveillance de l'assemblée populaire vis-à-vis du gouvernement et, au final, garanti le droit de supervision des citoyens sur le gouvernement. Plus important encore, la participation au budget a permis des échanges de points de vue, des débats et des discussions. Les solutions ainsi trouvées orientent mieux les budgets publics, d'où une plus grande efficacité. Des budgets ainsi gérés contribuent finalement à une meilleure stabilité sociale.

Le modèle du bourg de Xinhe a été remarqué pour ses bons résultats au niveau social et étendu jusqu'au niveau de la ville de Wenling. La ville de Suzhou et la province du Henan, entre autres, l'ont également adopté.

Après vingt ans de pratique et de développement, la démocratie consultative a été parallèlement élargie et approfondie. Il est clair qu'elle doit encore être améliorée. Mais le plus intéressant, c'est l'effet réel obtenu.

Cet effet réel se reflète dans l'influence des consultations sur la prise de décision. On peut distinguer trois niveaux de participation. D'abord, la « présence formelle » : les invités sont présents mais n'ont aucun pouvoir sur la prise de décision. Ensuite, la « participation partielle » : les deux parties s'influencent mutuellement au cours de la discussion, mais le droit de décision finale est réservé à l'une des deux parties. Enfin, la « participation complète » : les deux parties décident ensemble sur un pied d'égalité.

Dans la pratique, la démocratie consultative est appliquée sous quatre formes différentes en Chine : consultation, coordination, audience et prise de décision, cette dernière représentant la « participation complète ». Elle est mise en œuvre principalement dans la gestion autonome des localités de base. L'audience représente une « participation partielle », puisque le droit de décision finale reste l'attribut du gouvernement.

Actuellement en Chine, malgré la fréquence de leur emploi, le format des audiences souffre d'un manque de participation chez les citoyens, à cause des incertitudes légales concernant l'obligation et la manière d'organiser ces audiences, à laquelle s'ajoutent les imperfections du mécanisme de décompte des opinions et du feedback. En résumé, les audiences manquent d'efficacité. Des améliorations en matière législative sont nécessaires pour assurer un développement plus ordonné de la démocratie consultative, ainsi qu'une coordination plus efficace entre la consultation et la prise de décision.

Garantir les droits et intérêts par la loi

La loi garantit le droit des citoyens à l'information, à la participation, à l'expression et à la supervision. Ainsi, elle vise au progrès de l'institutionnalisation de la démocratie consultative, et promeut la justice sociale et les droits de l'homme. Elle pose les bases du développement de la pratique démocratique.

Pour faire progresser l'institutionnalisation de la démocratie consultative et garantir les droits démocratiques, il faut faire le bilan des expériences et les standardiser en systèmes. En 2004, les autorités de Wenling ont publié des Décisions concernant les entretiens, compilant les sujets et les procédures de décision adoptées. Ce document rend possible la généralisation du modèle de Wenling à l'ensemble du pays.

Ces dernières années, quinze provinces, dont le Shanxi et le Liaoning, ont mis à jour leurs règlements sur les procédures de prise de décision concernant les affaires importantes et de prise de décision sous forme d'audience. Cela a constitué un pas de plus vers l'institutionnalisation de la démocratie consultative. Certaines provinces ou villes ont élaboré des règlements concernant la participation du public à l'élaboration des règlements locaux, tels que la protection de l'environnement et la gestion de l'entreprise, assurant ainsi un meilleur fonctionnement à la participation citoyenne.

L'édification du droit chinois est un processus dans lequel la législation, l'administration et la justice, la diffusion des connaissances juridiques et la supervision juridique avancent en harmonie. Au début de la réforme et de l'ouverture, les lacunes de la loi faisaient du travail législatif la tâche primordiale. Avec l'établissement du système juridique socialiste à la chinoise en 2011, la priorité en matière de construction du droit a été intégrée à la mise en application de la Constitution et des lois. La garantie des droits de l'homme a elle aussi évolué, passant de la mise au point de la législation relative aux droits de l'homme à l'application des lois concernées.

En matière de droits de l'homme, des erreurs judiciaires ont porté un grave préjudice à l'institution judiciaire et aux droits civiques. Parfaire les mécanismes de prévention et de correction des jugements erronés, comme les moyens de poursuivre les responsables, est désormais une priorité de la réforme de la justice. Le respect strict de la règle d'élimination des preuves obtenues illégalement, l'obligation de la preuve lors de procès criminels, l'application du principe de présomption d'innocence, témoignent des grands progrès du système judiciaire chinois en matière de droits de l'homme. Dans la pratique, la correction des jugements erronés a apporté des changements significatifs. Avant cette réforme, on ne rectifiait une décision qu'après l'apparition du vrai coupable ou de la victime présumée. En 2013, un cas d'école a permis de corriger un jugement prononcé sur la base de preuves insuffisantes. En août 2014, après huit ans de plaintes, neuf jugements, quatre condamnations à mort et six sursis, l'affaire Nian Bin a été portée devant le Tribunal populaire supérieur du Fujian. Au vu de l'insuffisance de preuves et en vertu du principe de présomption d'innocence, Nian Bin a été acquitté et immédiatement libéré. Ces changements illustrent la nouvelle standardisation du système judiciaire de la Chine.

En outre, avec l'approfondissement de la réforme judiciaire, la révision des procédures de supervision des jugements et du système de nomination des magistrats assis et debout, ainsi que les mesures visant à perfectionner les systèmes de supervision judiciaire, de plainte par lettre et visite, d'assistance juridique, promeuvent l'indépendance des jugements et l'ouverture de la justice. Tous ces progrès asseyent la garantie des droits de l'homme dans la pratique judiciaire. À n'en pas douter, des droits de l'homme mieux assurés fourniront à leur tour une nouvelle force motrice au développement de la politique démocratique.

 

*LIU XIAOMEI est chercheuse adjointe à l'Institut du droit international de l'Académie des sciences sociales de Chine.

 

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