CHINAHOY

29-October-2014

Ningxia : lutte contre la désertification

 

Yang Fei examine un arbre fruitier de son verger.

 

ZHOU LIN, membre de la rédaction

Shapotou, dans la municipalité de Zhongwei, région autonome hui du Ningxia, est situé au sud-est du désert de Tengger, dont les dunes semblaient infinies. Le terme « Tengger » signifiant « ciel » en mongol exprime le fait que les ergs du désert de Tengger sont d'une très grande étendue et aussi vastes que le ciel. Les précipitations annuelles moyennes de la région sont de 184,4 millimètres alors que celle d'évaporation atteint 3 000. La région est souvent balayée par des vents de sable.

Tang Ximing du bureau forestier de la ville de Zhongwei, nous a expliqué que le désert de Tengger a déjà reculé de 20 kilomètres. « Les vents de sable arrivaient tous les trois quatre jours au printemps, aujourd'hui il n'y en a que très rarement. »

Retenir le sable et fixer les dunes

Les gens de Zhongwei se battent depuis des générations contre le sable qui envahit la région. Tang Ximing nous raconte : « Depuis des années, notre façon d'envisager la lutte contre la désertification a beaucoup évolué. Nous sommes passés de la prévention, à l'amélioration du sol jusqu'à l'utilisation du sable et nous savons même comment en profiter. » Aujourd'hui, ce ne sont plus les sables qui font reculer l'homme mais l'homme qui fait reculer les sables.

Après l'avènement de la Chine nouvelle, en vue de développer l'économie du nord-ouest de la Chine, le gouvernement central a décidé de construire le chemin de fer Paotou-Lanzhou qui, long de 55 kilomètres, devait traverser le désert de Tengger par six fois. La partie de voie sur le territoire de Shapotou passait par des dunes mouvantes. Les conditions naturelles étaient extrêmement rudes et aucun chemin de fer n'avait jamais été construit dans un tel environnement. Protéger la voie ferrée de l'ensablement s'est révèlé le problème technique majeur de ce chantier.

En tant que premier directeur de la Station d'études et d'expérimentation du désert à Shapotou relevant de l' Académie des sciences de Chine, le jeune scientifique Li Minggang, accompagné de ses collègues a du trouver un moyen de fixer les dunes mouvantes le long de la voie ferrée. Le système développé consistait à utiliser une sorte de quadrillage fait en paille dont chaque carré fait un mètre de côté et qu'on enfonce sur les dunes pour les fixer. Cette technique du quadrillage en carrés de paille a été ensuite connue dans le monde.

Les quadrillages sont tressés avec de la paille de blé. On pose les pailles à plat sur le sable, puis à l'aide d'une pelle, on les enfonce en leur milieu d'environ 15 cm de profondeur sous le sable, pour que les deux bouts de paille se redressent et forment ainsi une sorte de pare-vent. Apportés par le vent, les sables tombés dans ses carrés ne peuvent plus s'envoler. Les dunes sont alors stabilisées. Il suffit ensuite d'y planter des plantes spammophytes. Après 3 ou 5 ans, les quadrillages en pailles, décomposées par la pluie et le soleil, transforment la surface du sol sablonneux en matières organiques épaisses de 3 à 5 millimètres que l'on appelle la « croûte de sable » dont l'apparition signifie le reversement écologique et le succès de tous les efforts.

Le 1er août 1958, le chemin de fer Baotou-Lanzhou a officiellement été mis en service. Une étendue de « carreaux de paille » large de 500 mètres de part et d'autre de la voie ferrée constitue ce que l'on appelle une zone de prévention et de protection qui s'étend de chacun des deux côtés de la voie vers le désert. Cette zone comprend cinq espaces successifs, la bande de gravier pare-feu, la zone d'irrigation et de végétalisation, la zone de plantes herbacées, la frontière anti-sable, la zone de stabilisation des dunes et de culture des herbes. Cette technique pour protéger la voie ferrée garantit depuis plus de 50 ans déjà le transport sur la voie ferrée Baotou-Lanzhou.

Un exemple mondialement reconnu

En 1977, l'ONU a organisé à Nairobi la Conférence internationale sur la désertification. Au cours de cette conférence, les succès obtenus par la Chine pour stabiliser les dunes par de la végétation non irriguée furent reconnus internationalement comme une grande innovation. Une dizaine d'experts et de chercheurs se sont rendus à Shapotou quelques temps après la Conférence pour étudier cette expérience qu'ils ont considérée comme le « modèle chinois. »

« En 1982, la revue américaine National Geographic a présenté au monde la technique des quadrillages de paille de Shapotou », nous raconte avec fierté Li Xinrong, directeur actuel de la station d'études et d'expérimentation du désert de Shapotou. Depuis, des pays comme l'Afrique du Sud, l'Arabie Saoudite et l'Égypte ont adopté cette technique. » Aujourd'hui, la station a établi un mécanisme de recherche coopératif avec nombre de pays tels que les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie, la Norvège, la Suède, Israël, le Japon, le Turkmenistan et la Mongolie.

Lors de la Journée mondiale de l'environnement le 5 juin 1994, le mode de restauration écologique de Shapotou a figuré parmi le « Palmarès mondial des 500 » de l'ONU dont le prix est délivré par le PNUE.

Les pépites du désert

Yang Fei, entrepreneur paysan de 43 ans de Shapotou est le premier à avoir fait fortune grâce au désert. C'est notamment lui qui fournissait les pastèques pour les JO de Beijing. Il est actuellement le PDG du groupe Xiangyan du Ningxia. Son entreprise produit des légumes dans le désert, des pastèques et utilise des procédés de production novateurs.

La pastèque de sable qui pousse dans le sable – comme son nom l'indique – et arrosée au goutte à goutte et naturellement par la pluie à Shapotou est un fruit totalement Bio. Sa peau est épaisse et comme elle tire ses nutriments du sélénium contenu dans le sable, elle se distingue par ses particularités anticancéreuse, antioxydante, et hautement sucrée.

Yang Fei raconte qu'en 1998 deux commerçants sichuannais, impressionnés par le goût de ce fruit, en ont acheté au prix de 4,5 fens (unité monétaire, 1 fen = 0,01 yuan) par livre pour les revendre à Chengdu. S'inspirant de cela, Yang Fei a investi plus de 50 mu (un mu = 1/15 ha) de terre pour monter une exploitation, et s'est établi en s'enregistrant sous la marque Xiangshan Luhao.

En 2008, fort des efforts du gouvernement local, la pastèque de sable est devenue le fruit officiel des JO de Beijing, les ventes totales de l'année de Yang Fei ont ainsi atteint plus de 10 millions de yuans. Sur la base des capitaux accumulés, il a commencé à construire des serres pour cultiver des légumes Bio. En 2012, il possédait déjà 2 000 mu de vignes, 3 000 serres et 2 500 mu d'arbres fruitiers.

Lorsqu'on lui demande le secret de la réussite de son entreprise, Yang Fei répond que son épouse et lui se levaient tous les matins vers 5 ou 6 heures pour travailler. Il est né et a grandi dans le désert, il était sûr que cette terre aride serait la source de sa fortune. Travailleur, muni du sens des affaires, Yang Fei nous explique sa stratégie de développement : « Pour profiter de la culture de la vigne et des fruitiers, il faut attendre au moins 5 ans. C'est une économie à long terme. J'ai ainsi construit entre-temps une étable de 10 000 vaches laitières. Le climat sec d'ici aide à réduire les maladies des vaches. La terre souple leur sert de lit naturel et agréable. On peut les élever en plein air et je me sers du lisier comme engrais. »

Yang Fei nous présente également la zone où il cultive le millet et la luzerne. Ces plantations servent non seulement à former naturellement des quadrillages retenant le sable, mais aussi à consolider le sol sablonneux et à faire pâturer les troupeaux. Une fois la moisson faite, les racines des céréales servent d'engrais naturels. Il nous fait part de ses vues : « Aujourd'hui l'agriculture organique se valorise. Les terres d'ici sont toutes vierges, naturelles et non-polluées. Même les engrais viennent de nos animaux et des végétaux. Nos produits sont 100 % Bio et respecteux de l'environnement. »

La technologie dans le désert

Au loin, derrière le verger de Yang Fei, une étendue de panneaux solaires. C'est le parc industriel photovoltaïque de Zhongwei. Le désert, où le soleil et le vent sont très forts, se présente comme un endroit idéal pour installer une centrale photovoltaïque. Avec une superficie de 65,000 mu, ce parc, dont l'investissement total prévu est de 20 milliards de yuans, se divise en 4 zones : la zone de fabrication photovoltaïque, la zone de production d'électricité, les serres agricoles photovoltaïques et la zone touristique. Selon la planification de l'utilisation des terres, la capacité de production électrique devrait atteindre environ 1 500 MW.

Le parc industriel photovoltaïque de Zhongwei a vu s'installer 26 entreprises. Les conditions géologiques stables ont aussi permis l'installation d'un centre de stockage de données Cloud, nous informe le secrétaire du Parti de la ville, Ma Yanli. En adoptant des technologies américaines de nouvelle génération, ce centre Cloud a réduit son coût de construction des deux tiers par rapport à Beijing, Shanghai ou Guangzhou, et les charges d'exploitation de moitié. De plus, le centre a largement diminué la consommation d'énergie en profitant de l'air frais naturel au lieu de la climatisation, très énergivore.

Les quatre industries principales basées sur l'utilisation du sable à Shapotou, soit la culture fruitière, l'agriculture mécanisée, les énergies nouvelles et le tourisme du désert, ont reverdi et enrichi Zhongwei.

En 2010, le programme d'amélioration et de restauration des terres humides du feuve Jaune de la ville de Zhongwei au Ningxia a figuré parmi les cent lauréats du « Prix international de Dubaï pour les meilleures pratiques pour améliorer l'habitat ». Le prix est créé conjointement par le gouvernement de Dubaï et l'ONU-HABITAT pour récompenser les projets qui apportent une contribution exceptionnelle au développement durable et à l'amélioration de l'habitat de l'humanité.

 

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