CHINAHOY

4-February-2015

Le docteur Lozang Chophel construit l’État de droit au Tibet

 

Vue du Potala à Lhassa.

 

ZHANG JINGPIN et ZHANG HUIQING

Dans la rue Tangra de Lhassa se trouve une villa, d'où l'on peut admirer une belle vue panoramique sur la zone humide de Lhalu et d'où l'on peut entendre au loin les sifflements du train. C'est le cabinet d'avocats Hengfeng. Son fondateur Lozang Chophel a eu un parcours peu ordinaire. Né sur le plateau enneigé, il a étudié à Beijing, puis étudié et travaillé à l'étranger. Aujourd'hui, il est revenu dans sa région natale pour y réaliser son idéal de droit.

« Mon parcours de vie est indissociablement lié au developpement du Tibet », s'exclame-t-il en évoquant son passé.

À la poursuite de son rêve

Lozang Chophel est né en 1971 à Qamdo, au Tibet. En 1987, il a été admis avec d'excellents résultats à la section de droit de l'Université des études politiques de la Jeunesse de Chine. Il a étudié avec assiduité à l'université, tout en approfondissant sa connaissance du monde à l'extérieur du Tibet. À la fin de ses études, il est entré au département judiciaire du Tibet pour devenir fonctionnaire. « Mes quatre années d'étude de droit m'ont permis de mieux comprendre les caractéristiques de la législation socialiste au service du peuple. »

En 2002, Lozang Chophel est parti en tant que chercheur invité à l'université Columbia pour y apprendre la culture et l'histoire américaines. Il étudiait tout en travaillant. Six mois plus tard, il recevait son avis d'admission à l'Université américaine pour le droit international et le droit international de l'environnement, à la faculté de droit. « À ce moment-là, au Tibet, aucun avocat ne pouvait utiliser une langue étrangère dans des affaires juridiques avec l'étranger. J'aurais pu m'enrichir dans mon travail, mais j'ai préféré séjourner à l'étranger pour apprendre d'une part une langue étrangère, d'autre part le système juridique étranger. »

« En étudiant aux États-Unis, j'ai constaté que les Américains savent utiliser la loi pour défendre leurs intérêts », raconte Lozang Chophel. En 2004, titulaire d'une maîtrise en droit, il a décidé de rentrer dans son pays natal pour y promouvoir la connaissance de la loi auprès du public.

« Ces dernières années, l'édification de la légalité au Tibet s'est accélérée. En tant que conseiller au comité législatif de l'Assemblée populaire de la région autonome du Tibet, j'ai senti de plus en plus fort la nécessité d'approfondir mes études de droit. » En 2009, Lozang Chophel a été admis à l'Université des sciences politiques et juridiques de Chine comme aspirant-chercheur en doctorat de droit civil et commercial. En collaboration avec l'université, il a créé un Centre de recherche pour le développement de la législation dans l'Ouest de la Chine. Parallèlement, il a finalisé un projet de fonds pour les sciences sociales sur l'édification de la loi dans les zones agricoles et pastorales du Tibet. En 2012, il a été le premier Tibétain à obtenir un doctorat de droit, suite à quoi il est revenu s'installer au Tibet pour y exercer sa profession de juriste.

Porte-parole des groupes vulnérables

« Jusque dans les années 90, le développement du Tibet restait relativement lent. La vie et l'esprit des gens du peuple manquaient d'ouverture, et leur sens de la loi était très faible », se rappelle Lozang Chophel, qui garde un souvenir ému de ses contacts avec les locaux.

Selon lui, une tradition des Tibétains était fortement enracinée dans leur esprit : mieux vaut éviter toute sa vie de faire un procès, car c'est une honte qu'il sera difficile de laver, et un avocat n'est qu'un beau parleur. De fait, au début des années 90, les cabinets d'avocats étaient rares au Tibet, et aucun n'était privé. De nombreuses disputes familiales ne pouvaient pas être résolues par voie de justice.

En 1995, Lozang Chophel a démissionné de son poste pour établir le premier cabinet privé du Tibet, sous le nom « Cabinet Hengfeng ». Sa mission est d'assister les groupes vulnérables, notamment les travailleurs migrants. « Je voulais créer mon propre cabinet au service des gens du peuple pour qu'ils apprennent à défendre leurs droits et intérêts par la loi ! »

En 2005, avec l'approbation du département judiciaire du Tibet, Lozang Chophel a créé le centre d'aide juridique Yangjen.

En 2007, Tsering Dorje, travailleur migrant originaire de Gyangzê dans le Xigazê, était chargé de démolir avec ses collègues les vieux bâtiments d'une certaine société. Mais après l'achèvement des travaux, le paiement a été retenu frauduleusement par le contremaître. Après avoir demandé leur salaire en vain à plusieurs reprises, Tsering Dorje a fait appel au centre d'aide juridique. « Sans l'aide de Lozang Chophel, nous n'aurions pas pu recouvrer nos quatre mois d'arriérés de salaire », affirme ce dernier.

En 2008, Tashi Wangdu et ses collègues originaires du district de Doilungdêqên, qui travaillaient à Lhassa, ont enfin reçu leurs salaires des six mois précédents, juste avant le Nouvel An tibétain, grâce au centre d'aide juridique. Ils ont pu faire leurs courses pour la célébration et passer une fête joyeuse. Aujourd'hui, l'équipe de Lozang Chophel compte 18 avocats, et depuis sa création, ils ont traité 2 456 cas de consultation juridique, sans compter les 2 210 consultations téléphoniques et 465 affaires d'aide, pour un total de 7,6 millions de yuans (environ 1,03 million d'euros).

« Grâce à l'aide juridique et au règlement des litiges, nous avons commencé à diffuser nos connaissances de la loi auprès des travailleurs migrants. Notre action les aide à prendre conscience de la nécessité de préserver leurs droits et intérêts. Nous avons aussi voulu lutter contre les violations des droits et intérêts légitimes des travailleurs migrants », dit Lozang Chophel.

Première pierre pour l'État de droit

Selon Lozang Chophel, au début de sa carrière, peu de gens avaient l'idée de recourir à la loi en cas de problème. Lui et les membres de son équipe se rendaient chaque année dans des zones agricoles et pastorales ainsi qu'aux frontières de la région pour mener leur campagne de sensibilisation juridique auprès de la population.

En 1996, une grande famille du Tibet s'est retrouvée embourbée dans des conflits de patrimoine et certains de ses membres ont contacté le cabinet Hengfeng. La mère octogénaire, elle, refusait catégoriquement l'intervention des avocats. Elle a lancé à sa fille : « Je ne veux pas que ces gens-là se mêlent des affaires de notre famille. » Cependant, toutes les parties campant sur leur position, la famille risquait la division. Enfin, la mère a fini par céder. Grâce à la coopération des membres, le différend a finalement été réglé par voie de justice.

Le cas de cette grande famille de Lhassa illustre bien l'évolution du droit en cours, dont Lozang Chophel est témoin. « Aux débuts du cabinet d'avocats, seules les entreprises avaient besoin de conseillers juridiques. Peu à peu, ce sont des départements administratifs de tous les niveaux qui nous ont approchés. Avec le progrès social, le sens du droit des gens ordinaires s'est élevé lui aussi. L'État de droit se forme progressivement. » Sa performance a été reconnue, puisque le cabinet d'avocats Hengfeng s'est vu attribuer le titre de « fenêtre nationale du service civilisé dans le secteur des activités juridiques ».

Afin de mieux promouvoir sa campagne de sensibilisation de la population à la loi, Lozang Chophel a créé en 2006 un centre de consultation de livres juridiques, le premier centre public du genre au Tibet. Installé dans la Bibliothèque du Tibet, ce centre abrite quelque 6 000 publications juridiques, dont des livres académiques, des ouvrages spécialisés, des manuels, des revues, etc.

L'avocat Huang Liang fréquente ce centre. « Ici, les livres peuvent satisfaire les différents besoins des professionnels comme des profanes, affirme-t-il. Lozang Chophel est admirable car il s'efforce de contribuer à l'édification de l'État de droit. Beaucoup d'avocats sont prêts à le suivre en donnant leurs livres au centre. »

Le travail juridique dans les zones agricoles et pastorales du Tibet est complexe. La région manque d'un système théorique scientifique. Pour combler cette lacune, Lozang Chophel a avancé le thème de recherche scientifique « L'état juridique et la conception de l'édification juridique dans les zones agricoles et pastorales du Tibet », qui a été déclaré projet prioritaire au sein de l'Académie des sciences sociales.

« Le pays promeut fortement l'édification d'un État de droit. Je suis prêt à poser la première pierre pour celui du Tibet », conclut Lozang Chophel.

 

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