CHINAHOY

27-February-2015

Entraide et soins pour favoriser la réinsertion des ex-prisonniers

 

Le centre d'accueil psychologique.

 

HOU RUILI, membre de la rédaction

De nouvelles méthodes plus efficaces sont recherchées pour la réinsertion des anciens détenus. Dans certaines municipalités, on s'appuie sur la coopération des quartiers résidentiels.

Dans un vieux bâtiment de l'université des Sciences et des Technologies de Beijing, dans une salle de 20 m² qui sert à la fois de salon et de bureau, un lit est suspendu et une raquette accrochée à la porte. La cuisine et la salle de bains sont minuscules et ne peuvent contenir qu'une seule personne à la fois. Malgré tout, l'appartement est propre, simple et moderne. Difficile d'imaginer que le locataire Wang Xin est un ancien prisonnier qui a passé 20 ans en prison. Il est en liberté conditionnelle depuis deux ans et doit suivre un « cursus de remise sur le droit chemin » dans son quartier résidentiel pendant deux ans encore.

Le retour de l'enfant prodigue

Lorsqu'il était jeune, Wang Xin, qui a maintenant 47 ans, provoquait souvent des bagarres et refusait de s'amender malgré de multiples avertissements. Après avoir troublé l'ordre public cinq fois en deux ans, il fut condamné à perpétuité pour extorsion et meurtre au couteau.

« Mon caractère était très violent, je faisais partie de ceux qui ne s'inclinent jamais. Je suis entré en conflit avec des gardiens de prison et je ne leur obéissais pas », admet Wang Xin. Alors qu'il était en conflit avec des gardiens, il a avalé une cuillère en acier, suite à quoi il a dû subir une opération chirurgicale. Après plusieurs années d'opposition, la prison lui a proposé des lectures et lui a fourni des outils de calligraphie chinoise pour l'aider à se calmer et à réfléchir. Il a alors commencé à changer. « Par la lecture et l'exercice de la calligraphie, je suis devenu plus tranquille et j'ai commencé à songer à mes actes passés. J'ai compris que j'avais une très forte personnalité. »

En mars 2009, il a commencé à travailler en prison et il a pu aider d'autres prisonniers grâce aux compétences en réparation d'appareils électroménagers qu'il avait acquises autrefois. Dans le même temps, il s'est mis à participer aux activités organisées au sein de la prison, comme la calligraphie, le ping-pong, le badminton et le concours de connaissances sur la sécurité au travail. Par son comportement devenu exemplaire, sa peine a été réduite de onze mois. C'est ainsi qu'en mars 2013, il s'est retrouvé en liberté conditionnelle. Désormais, c'est avec l'aide du poste judiciaire, du comité du quartier résidentiel et de sa famille qu'il devra accomplir les quatre ans et trois mois restants de sa peine.

Pour assurer la stabilité de la société, la Chine imposait de sévères punitions aux coupables de graves délits. Aujourd'hui, le pays entre dans une nouvelle phase où l'on met l'accent sur le respect des droits de l'homme et l'égalité des citoyens. L'introduction de la réinsertion sociale dans les quartiers résidentiels est une mesure importante de la réforme judiciaire en cours.

En Chine, la réinsertion contrôlée dans les quartiers résidentiels s'applique à quatre types de sanctions pénales : surveillance judiciaire, emprisonnement avec sursis, liberté sous condition et peine exécutée hors d'un établissement pénitentiaire. Elle vise à corriger, pendant un délai déterminé, les mauvaises habitudes psychologiques ou comportementales des anciens criminels avec l'aide d'organisations civiles et judiciaires, pour aider ceux-ci à réintégrer la vie sociale.

Depuis 2003, la Chine a établi des zones pilotes dans les six provinces et municipalités comme Beijing, Shanghai, Tianjin, le Jiangsu, le Zhejiang et le Shandong, pour tester dans la pratique l'aide à la réinsertion dans les quartiers résidentiels. Deux ans plus tard, ces zones d'essai ont été élargies à 18 provinces et municipalités. En 2009, cette pratique a été adoptée au niveau du pays. Li Fujun, chef de section chargé de la réinsertion au bureau de la Justice de l'arrondissement Haidian de Beijing, explique : « En février 2011, la 19e session du XIe Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale a examiné et adopté l'Amendement VIII à la loi pénale permettant d'appliquer l'aide à la réinsertion dans les quartiers résidentiels pour les anciens criminels condamnés à la surveillance judiciaire, à l'emprisonnement avec sursis et ceux mis en liberté conditionnelle. Cet événement a marqué l'établissement du système de la réinsertion surveillée en Chine.

De 2003 à juin 2014, ce sont 1,99 million d'anciens criminels qui sont passés par cette procédure d'aide à la réinsertion dans leur quartier résidentiel. À l'heure actuelle, 729 000 personnes se trouvent en réinsertion résidentielle, soit un tiers du total des personnes en détention carcérale. À Beijing, la correction résidentielle s'est appliquée et continue de s'appliquer à un total de 45 000 ex-criminels ; près de 5 000 se trouvent actuellement sous ce régime.

Recourir aux organisations sociales pour réhabiliter les criminels est une pratique traditionnelle dans le système judicaire chinois. Dans les années 1980, certains établissements ou organisations civiles participaient à la rééducation des condamnés. Plus tard, avec la réforme axée sur le marché, certains établissements civils ou entreprises se sont retirés de ce type de travail social en raison de son coût. Dans le même temps, les prisons font face à une pression accrue du fait de l'augmentation constante du nombre de détenus. Dès lors, la réinsertion ou la correction en zone résidentielle constitue une démarche efficace pour l'amélioration de la sécurité publique dans le contexte de l'économie de marché.

Des soins attentifs qui changent la vie

Le quartier résidentiel Xueyuanlu, où habite Wang Xin, compte actuellement 21 personnes subissant une telle réhabilitation sociale. Depuis l'établissement de ce point d'essai en mai 2004, 155 personnes sont passés par cette réinsertion résidentielle.

De retour chez lui, Wang Xin doit se présenter chaque semaine au bureau de Chen Wenyan, agent de police du poste judiciaire du quartier Xueyuanlu. Chen Wenyan travaille sous la direction de Zheng Zhao qui est le chef de poste. Leur bureau est chargé du suivi des anciens criminels de ce quartier peuplé de 300 000 habitants. Leur travail est de connaître leur mentalité, de suivre leurs comportements, de résoudre les éventuels problèmes psychologiques et le cas échéant, de leur offrir une aide. À Beijing, tous les postes judiciaires sont dotés d'un policier détaché par les prisons et chargé spécialement du suivi des anciens détenus.

Selon Chen Wenyan, lorsque Wang Xin est rentré chez lui, il était désorienté par les changements de la société. Il ne s'y adaptait pas en raison de son tempérament rebelle. Par exemple, un jour, il a garé sa moto devant l'établissement d'enseignement sur le parking réservé aux vélos et voitures des enseignants et étudiants. Celle-ci a dû être déplacée deux fois par les gardiens. Wang Xin s'est mis en colère et a frappé l'un des gardiens. L'université en a informé le poste judiciaire, et le chef de poste Zheng Zhao et Chen Wenyan ont pris contact avec Wang Xin pour le mettre en garde. Lorsque ce dernier a pris conscience de ses erreurs, il est allé en compagnie de MM. Zheng et de Chen présenter ses excuses au gardien. Ce dernier ne lui a pas demandé de rembourser ses frais médicaux.

Selon les principes fondamentaux édictés par l'ONU sur la construction des quartiers résidentiels, « changer l'attitude des habitants dès le début est aussi important que d'édifier un quartier résidentiel moderne ». La réinsertion dans les quartiers résidentiels est l'une des façons de modifier l'attitude des habitants. Les postes judiciaires ont persuadé la famille, les amis et les voisins d'apporter un soin attentif aux anciens détenus, ce qui les aide au retour à la vie sociale.

De retour à la maison, Wang Xin a commencé à chercher du travail sans perdre une minute. Il voulait compter sur ses propres forces pour gagner sa vie. Ce n'est pas facile, il se sentait déprimé. Mais des paroles de sympathie ont ranimé son goût de la vie et lui ont permis de comprendre que toute réussite se base sur l'attitude et la personnalité. C'est ainsi qu'il a juré de faire peau neuve.

Wang Xin respecte énormément sa mère. Comme son père est décédé il y longtemps et qu'il est enfant unique, sa situation cause beaucoup de souci à celle-ci. De plus, sa santé est précaire. Le chef de poste Zheng lui a dit : « Il faut aider ta mère à mener une vie heureuse. Si tu retournes en prison, qui s'occupera d'elle ? » Chen Wenyan l'a souvent exhorté à l'attention envers les autres et à faire plus d'efforts pour que la société lui ouvre les bras.

Wang Xin a un copain d'enfance. Tous deux sont passés par les mêmes expériences. Celui-ci a été également mis en liberté conditionnelle, mais, malade, il ne peut s'occuper de lui-même. Cet ami a un père octogénaire. Lorsqu'il est libre, Wang Xin s'occupe souvent de son ami d'enfance et du père de celui-ci. Il leur fait la cuisine et la lessive. Un jour qu'il faisait le ménage chez eux, il a trouvé une carabine à air comprimé. Avec le consentement du père et du fils, Wang Xin l'a remise à la police. Le directeur du comité des résidents, M. Li, a proposé un emploi d'intérêt public à Wang Xin en récompense de ses efforts. Wang Xin trouve que la reconnaissance de la société est plus importante que l'argent. Entre-temps, le comité des résidents prend en charge la sécurité sociale de Wang Xin.

Grâce aux exercices de calligraphie qu'il a suivis en prison, Wang Xin écrit plutôt bien. Le quartier résidentiel l'envoie participer à des expositions calligraphiques. De temps en temps, c'est lui qui écrit les bulletins de communication du quartier. Suivant le règlement, les anciens criminels en phase de réinsertion résidentielle doivent travailler 8 h par semaine dans leur quartier en tant que bénévoles. Ce genre de travail peut les aider à développer leur goût du travail et du dévouement.

Une nouvelle vie commence par l'étude

Comme les détenus n'ont souvent pas reçu une éducation très poussée avant leur emprisonnement, et en raison des fulgurants changements sociaux que la Chine a connus ces dernières années, leur niveau d'instruction se retrouve en décalage avec les besoins de la société. C'est pourquoi il est très important pour eux de reprendre des études.

Chaque mois, la maison Yangguan Zhongtu (le Soleil à mi-parcours) offre une formation de 8 h, des cours de psychologie, de droit, de géographie et de santé, ainsi que d'autres enseignements sur la floriculture et l'art, pour les aider à cultiver des sentiments nobles.

Le prochain cours de Wang Xin est la géographie. « Pour enrichir vos connaissances, il faut faire de longs voyages et lire des milliers de livres. ça rend joyeux », rit-il. Le dernier cours concernait la Loi sur le mariage mais il ne l'a pas suivi avec un grand intérêt, alors que la plupart des autres personnes étaient très attentives, raconte-t-il. Lui, c'est la calligraphie qu'il préfère.

En octobre 2011, le bureau de la Justice de l'arrondissement Haidian a lancé une coopération avec des établissements d'enseignement supérieur, comme l'université de Beijing, pour créer d'autres maisons de ce genre. Des professeurs donnent des cours dans ces maisons de quartier. En outre, une série de formations sont proposées sur Internet. Des cours universitaires en ligne seront également ouverts à ces personnes en liberté conditionnelle.

L'année dernière, Wang Xin a acheté deux voitures grâce à l'aide financière de ses amis. Il a créé avec des associés une agence de location de voitures. Des chefs d'entreprise sont devenus ses clients. Depuis un an, il trouve qu'il doit continuer à apprendre, car il sent que son manque de connaissances l'empêche de communiquer avec ses clients. Il s'est efforcé d'apprendre l'informatique et de visionner des vidéos sur la conduite à tenir dans les affaires commerciales. Il a su utiliser son smartphone pour faciliter ses contacts avec les clients.

Parmi ses clients, on trouve aussi des étrangers. Wang Xin a même appris l'anglais pour mieux communiquer avec eux. Parler bien l'anglais peut lui apporter une nouvelle clientèle. « Quand j'attends mes clients, je peux écouter mes leçons d'anglais dans la voiture pour ne pas perdre de temps. Apprendre plus, ce sera peut-être utile un jour », dit-il avec excitation.

En ce qui concerne la réinsertion résidentielle, les soins attentifs venant de l'entourage, les liens resserrés avec la famille et la société, et surtout un travail que l'on mérite, sont des moyens efficaces pour retrouver confiance en soi. Au cours de ce processus, la résistance ou l'opposition des anciens détenus s'amoindrit, et ceux-ci redeviennent des citoyens normaux.

 

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