Régler les affaires du village par la consultation

L'assistante aux affaires du village, Zhang Sisi, rend visite à l'habitant Zhang Xueyi.

XU HAO et AN XINZHU*

Le 29 janvier en fin d'après-midi, ayant terminé son travail, Zhang Sisi s'est fendue d'une visite aux villageois, sans oublier d'apporter ses « cahiers de doléances ». C'est sa routine quotidienne. Née en 1991, elle a été embauchée comme assistante aux affaires du village de Zhouliangzhuang en septembre dernier. Tous les jours, elle travaille au comité des villageois.

En plus des consultations politiques qu'elle donne aux villageois, des attestations et de l'enregistrement des informations des personnes, l'une des tâches importantes confiées à Zhang Sisi est de collecter et de remettre au comité des villageois les réclamations des habitants. « Après avoir recueilli les opinions et les plaintes des villageois, on les discute. Avant de prendre une décision, tout le monde peut exprimer son avis », dit Zhang Sisi. Dans le quartier de Zhouliang, tous les villages ont un assistant aux affaires du village.

C'est en juin 2013 que l'arrondissement Baodi de la municipalité de Tianjin a le premier fondé un conseil de consultation démocratique au niveau du village. Plusieurs systèmes innovants ont été testés pour permettre une plus large participation des masses populaires aux affaires du village, dans la prise de décision, mais aussi dans la supervision et dans l'administration. L'assistant aux affaires du village en est un exemple.

Appliquer la démocratie consultative

En Chine, le village est l'échelon administratif le plus bas. À Baodi, les affaires importantes de ces administrations sont, en principe, réglées au sein du conseil de consultation démocratique.

Dans les zones rurales, les problèmes fonciers prédominent. Avec la modernisation de l'agriculture, la tendance est à la cession des droits d'usage des terrains. Pas toujours facile, car certains paysans s'inquiètent : « Que ferai-je sans terre, moi qui suis agriculteur ? » remarque Li Guang'en, secrétaire de la cellule du Parti du village de Zhouliangzhuang.

Zhang Xueyi, âgé de 70 ans, membre du conseil des vétérans, représentant des villageois et membre du comité de supervision des affaires du village, est un habitué de ces discussions. « Au début, certains villageois qui voulaient aller travailler en ville sont venus nous voir, nous faisant part de leur intention de céder leurs champs, raconte-t-il. Nous avons alors transmis leur demande au comité de la cellule du Parti et au comité des villageois, qui ont tout de suite réuni les représentants des diverses parties pour en discuter. La majorité des participants s'y sont opposés. Alors qu'en réalité, la cession de terrains est une aubaine tant pour les cédants que les acheteurs. Alors, nous avons tenté de persuader les opposants par des exemples chiffrés. En voyant les gains importants qu'ils pouvaient retirer de leurs terres, certains ont changé d'avis et ont accepté de céder leurs champs. »

« C'est en 2012 que notre quartier a mis en place le conseil des vétérans. Il s'agit d'anciens professeurs, militaires, cadres, membres du Parti et travailleurs modèles », précise Wang Zhilin, secrétaire de la commission du travail du Parti du quartier de Zhouliang, dans l'arrondissement Baodi.

Trente personnes, dont les membres des deux comités, l'assistante aux affaires du village, les représentants villageois et les membres du conseil des vétérans, ont participé à la discussion consacrée au transfert des terrains du village de Zhouliangzhuang. Tous les villageois de plus de 18 ans étaient également invités à participer. « En cas de besoin, les consultations démocratiques peuvent se dérouler en présence d'officiels de l'arrondissement et du quartier pour assurer le bon ordre des débats et donner des orientations. »

« On procède à des discussions démocratiques avant de prendre des décisions. Ainsi les résultats obtenus pourront satisfaire toutes les parties intéressées », ajoute Li Guang'en.

En consultant une feuille d'opinions du village de Tianxingzhuang concernant le transfert de terrains, nous lisons que deux foyers avaient d'abord signé « non approuvé », puis « approuvé ». Wang Xuelan, secrétaire de la cellule du Parti du village, nous explique : « Une fois que nous avons compris la raison du refus de ces deux familles, nous leur avons proposé de les envoyer dans des stages de formation technique et de leur trouver un emploi en ville. Libérés de ce souci, ils ont accepté la cession de leur terrain. »

« Qu'est-ce que la démocratie consultative ? Pour moi, ça veut dire que l'on règle les affaires par la discussion », précise Li Jingquan, habitant du village de Tianxingzhuang.

Institutionnaliser les usages populaires

Lorsqu'on est confronté à un problème, on recourt à la discussion. Tel est l'usage dans l'arrondissement Baodi. Selon Li Guang'en, cette méthode de travail qui existe depuis bien des années vient d'être institutionnalisée. L'ouverture des affaires villageoises aux habitants a jeté les bases du système dit de démocratie consultative, qui a permis de résoudre de nombreux différends.

« Dans le nouveau contexte de l'économie de marché, il est bon de cultiver l'harmonie et l'esprit de consultation d'autrefois, qui procèdent de la tradition chinoise. Utiliser ces valeurs dans le cadre des relations juridiques modernes permet d'établir dans l'esprit public la vertu civique nécessaire à la démocratie consultative », indique Wang Xinsheng, doyen de la faculté de philosophie de l'université de Nankai et membre du groupe d'étude sur la démocratie consultative de l'Institut de recherche sur les questions de la Chine contemporaine.

En octobre 2013, les autorités de l'arrondissement Baodi ont émis un Avis concernant l'application du système de démocratie consultative dans les échelons de base ruraux, qui a marqué le début de l'institutionnalisation de la démocratie consultative dans les campagnes. Dans ce document, les discussions des conseils de consultation démocratique des villages s'appliquent à deux catégories de questions : les affaires importantes et les affaires générales. Selon la définition fournie, la première catégorie comprend les questions relatives à l'élaboration et à la révision des statuts d'autonomie des villageois, aux règlements et aux conventions des villages, à l'élaboration et au réajustement du plan de développement et du plan de construction du village, au plan de travail annuel du village, aux arrangements budgétaires, à la construction de maisons, ainsi qu'aux réglementations liées au transfert et à la prise en charge des terrains, à l'usage ou à la distribution des indemnités d'expropriation. Les affaires générales, quant à elles, concernent les recommandations émises par les travailleurs modèles, les demandes des foyers désireux de bénéficier du minimum vital ou de subventions au niveau du village, ainsi que l'arbitrage des différends et des litiges entre personnes.

Dans l'arrondissement Baodi, avant de lancer une consultation démocratique, on en définit le sujet, puis dépose une demande. Une fois la demande approuvée, il est procédé à des discussions puis au vote, suite à quoi les résultats du vote sont publiés et mis en application. Les sujets sont définis par les deux comités, parfois sur la base des opinions recueillies par le biais de la plate-forme de service aux villageois. Les deux comités sont aussi chargés de publier à l'avance une annonce précisant l'heure et la date, le lieu, la forme, l'ordre du jour de la discussion prévue. Après la réunion, les résultats des discussions sont déposés auprès des autorités supérieures pour approbation. Les sujets sur lesquels les discussions n'ont pas abouti sont remis à un deuxième tour. Les résultats examinés par les autorités supérieures sont publiés sans délai par les villages. Les résultats des discussions servent ainsi de base à l'application des décisions sur les affaires importantes du village.

À Baodi, de nombreux villages ont établi des règles adaptées à leurs usages locaux. Par exemple, celles du village de Zhouliangzhuang précisent le type de réunion, la méthode de décision, les procédures de discussion, l'application des idées retenues et le mode de suivi.

Ce système de consultation permet souvent de convaincre les habitants. Le village de Zhouliangzhuang s'est penché sur la question des chiens en recueillant l'avis des villageois. Zheng Fengrong, âgée de 50 ans, ne comprenait pas les nouvelles contraintes : « Même dans les campagnes, il faut désormais faire vacciner et enregistrer les chiens ? On ne peut plus les laisser en liberté ? » Après avoir écouté les explications sur les risques de morsure sur autrui et les problèmes sanitaires, elle a compris l'intérêt des nouvelles mesures. « Puisque c'est le résultat d'une discussion des villageois, je respecterai les règles », a-t-elle répondu.

*XU HAO est journaliste de China Report et AN XINZHU est membre de la rédaction.

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