CHINAHOY

26-August-2013

Le rêve chinois et la coopération sino-américaine

 

 

ZHOU WENZHONG*

 

Lors du sommet sino-américain de Sunnylands, en Californie, qui s’est tenu les 7 et 8 juin dernier, le président Xi Jinping a déclaré à son homolgue Barack Obama : « Ma visite a pour objectif principal d’établir les grandes lignes du développement des relations sino-américaines, pour initier ‘‘une coopération à travers le Pacifique’’. » De la part de la direction suprême chinoise, il s’agit d’une initiative diplomatique et stratégique majeure dans l’histoire, s’inscrivant dans la suite de la « poignée de main à travers le Pacifique » entreprise par la Chine et les États-Unis en 1972.

 

Lors de la rencontre, Xi Jinping a exposé le rêve chinois et son rapport avec le monde : « Le rêve chinois consiste à parvenir à la prospérité du pays, au renouveau de la nation et au bonheur du peuple. C’est un rêve de coopération, de développement, de paix et de gagnant-gagnant avec les autres nations. Il est lié aux rêves des peuples du monde entier, dont le rêve américain. »

 

 

Un nouveau type de relations entre grandes puissances

 

Lors de leur entretien, Xi Jinping et Barack Obama ont exprimé unanimement que, face à la rapide mondialisation économique et aux besoins objectifs de solidarité interétatique, la Chine et les États-Unis pourraient frayer un nouveau chemin, différent de celui aux temps où régnaient confrontation et conflits entre les grands pays. Pour suivre une telle voie sans s’en écarter, les deux parties doivent s’efforcer de construire un nouveau type de relations entre grandes nations qui observe les principes du respect mutuel et de la coopération gagnant-gagnant, afin d’apporter le bien-être aux peuples des deux pays ainsi qu’au reste du monde.

 

Sous le premier mandat de M. Obama, la Chine et les États-Unis avaient convenu d’établir un partenariat, avec pour éléments clés, le respect mutuel, les avantages réciproques et le concept du gagnant-gagnant. Quant au nouveau type de relations entre grandes puissances, défini lors du sommet Xi-Obama, il encourage les relations sino-américaines à aller plus loin. Il faut non seulement continuer de resserrer les liens déjà noués, mais aussi faire place à l’innovation, toujours selon les règles de non-conflit et de non-confrontation.

 

La Chine et les États-Unis sont différents au regard de leur système politique et de leur idéologie. Les États-Unis sont de plus en plus préoccupés par la montée de la Chine, ce qui s’est traduit sur le plan stratégique par « le déplacement vers l’Orient du centre de gravité du système international », puis le « retour en Asie-Pacifique », et enfin le « rééquilibrage stratégique ». Pour éviter que n’éclatent, comme ce fut le cas dans l’histoire, des conflits entre une puissance traditionnelle et un grand pays émergent, il était impératif pour la Chine et les États-Unis de parvenir à un consensus et d’avoir pleinement conscience du besoin de construire un nouveau type de relations entre grandes puissances, caractérisé par le non-conflit et la non-confrontation. Le sommet Xi-Obama a ainsi réussi à formuler l’orientation prochaine des relations sino-américaines, un succès historique majeur.

 

Dès lors que la Chine et les États-Unis s’engageront dans une voie marquée par les nouvelles relations entre grandes puissances, le rêve chinois et le rêve américain rivaliseront d’éclats. Les États-Unis sont le plus grand pays développé au monde, et la Chine, le plus grand pays en développement. Les deux nations devraient contribuer davantage à la paix mondiale et au développement humain. Le nouveau type de relations entre grandes puissances inauguré lors du sommet Xi-Obama stimulera chacun des peuples dans le monde à réaliser son rêve.

 

M. Obama a décrit ce nouveau type de relations entre grandes puissances comme « un nouveau modèle de coopération entre les nations, basé sur l’avantage réciproque et le respect mutuel », avant d’ajouter : « Les États-Unis se félicitent que la Chine devienne un grand pays en poursuivant un développement pacifique continu. Une Chine pacifique, stable et prospère est favorable tant aux États-Unis qu’au monde entier. Les États-Unis espèrent maintenir un solide partenariat avec la Chine, pour faire face conjointement aux défis mondiaux. Ce sont là nos principales attentes. »

 

Des intérêts communs

 

Les intérêts communs des deux pays dépassent de loin leurs différends. La Chine et les États-Unis, tous deux présents en Asie-Pacifique, veulent maintenir dans cette région la paix, la stabilité et un développement économique constant.

 

Le 10 juillet, le cinquième cycle du Dialogue stratégique et économique sino-américain s’est ouvert à Washington, avec à l’ordre du jour, divers sujets tels que la sécurité, l’économie et la finance, au niveau bilatéral, régional et mondial. Ce mécanisme de dialogue vise à discuter des questions stratégiques globales de long terme ayant trait au développement des relations des deux pays. Il a joué un rôle important dans la promotion du renforcement des liens sino-américains et de la communication stratégique entre hauts dirigeants, et a également permis de consolider et d’étendre la coopération économique sino-américaine mutuellement bénéfique. Toutes ces percées ont jeté des bases solides à la construction commune d’un nouveau type de relations entre grandes puissances.

 

Depuis la normalisation des relations sino-américaines, les deux parties ont grandement bénéficié du développement de leurs liens. Le volume du commerce bilatéral est passé de 50 millions de dollars en 1972, l’année où Richard Nixon a visité la Chine pour ouvrir les échanges sino-américains, à 500 milliards en 2012. Aujourd’hui, si l’on fait abstraction de l’Union européenne, la Chine et les États-Unis sont, l’un pour l’autre, leur plus grand partenaire commercial. Et leur interdépendance ne cesse de s’approfondir. Tant que les dirigeants américains abandonnent la mentalité surannée qui était en vigueur durant la guerre froide, les rêves des peuples chinois et américain pourront fusionner.

 

Au niveau mondial, de nombreux problèmes ne pourront être résolus si la coopération sino-américaine est délaissée. En renforçant la coopération et en construisant le partenariat, les États-Unis et la Chine ont pu progressivement surmonter les difficultés, a indiqué Zbigniew Kazimierz Brzezinski, cet homme de 85 ans autrefois conseiller à la sécurité nationale du président américain Jimmy Carter, qui s’était personnellement impliqué dans le processus de normalisation des relations sino-américaines. De nombreuses zones dans le monde sont confrontées à d’épineux problèmes, ce qui donne l’occasion aux États-Unis et à la Chine de se partager une responsabilité stratégique sur le plan historique.

 

À l’avenir, les États-Unis seront-ils capables d’abandonner la pensée de la guerre froide et de traiter la Chine d’égal à égal, et de considérer réellement ce pays comme un partenaire et un ami ? C’est en tout cas le défi qu’ils doivent relever. Du fait d’une politique intérieure américaine pluraliste, les voix sont très différentes, et le Congrès, à travers ses décisions, porte souvent préjudice aux relations sino-américaines. Avec le consensus auquel sont parvenus les présidents Obama et Xi sur la mise en place d’un nouveau type de relations entre grandes puissances, on espère que les hommes clairvoyants des partis démocrate et républicain, ainsi que ceux issus de divers milieux, se joindront aux activités propices à l’amitié sino-américaine.

 

Régler et contrôler les différends

 

Suite à la crise financière qui a réduit leur influence dans la région Asie-Pacifique, les États-Unis ont lancé la politique de « rééquilibrage stratégique ». « Le Pacifique est suffisamment vaste pour accueillir nos deux grandes nations, la Chine et les États-Unis », avait déclaré le président Xi Jinping lors de son voyage aux États-Unis en 2012. Cela signifie que les deux pays doivent apprendre à coexister dans cette région. La mondialisation économique mondiale, la multipolarisation politique, la diversité des modèles et des cultures sont des phénomènes qui s’observent actuellement partout dans le monde, et auxquels il est nécessaire de se conformer. Quant à l’avenir, l’Occident, emmené par les États-Unis, doit cesser d’entrer en conflit avec d’autres nations pour des questions de modèle et de marche à suivre, et accepter plutôt le concept « une Terre, plusieurs systèmes ». Il convient d’apprendre à traiter les pays en voie de développement selon les principes du respect mutuel, de la tolérance, de l’inspiration mutuelle et de la coopération gagnant-gagnant.

 

Quant aux désaccords qui émergent dans les relations sino-américaines, il est impératif que les deux pays s’efforcent de les régler et de les contrôler. Ils doivent utiliser judicieusement la soixantaine de mécanismes bilatéraux déjà établis, résoudre par voie de consultation les problèmes rencontrés, et mettre temporairement de côté ceux qui ne peuvent pas être solutionnés dans l’immédiat.

 

Toutefois, ces frictions n’ont pas entravé le développement des relations bilatérales. Cela démontre que les motivations intrinsèques à l’essor des relations sino-américaines sont bien tenaces, en lien principalement avec les sujets sur l’économie et la sécurité, ainsi qu’avec leur responsabilité en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unis. Depuis leur normalisation, les relations sino-américaines ont connu des hauts et des bas. Mais pour chacune des difficultés, une solution a toujours pu être trouvée, preuve de la forte vitalité de ces relations.

 

Le rêve chinois vise à réaliser le grand renouveau de la nation chinoise, ce concept englobant l’histoire d’innombrables Chinois qui, au travers de leurs efforts, ont servi le peuple ou cherchent à le faire. Le rêve américain encourage une lutte plus personnelle, tout en faisant référence à l’histoire des millions d’immigrés qui ont participé à la construction du Nouveau Monde. C’est en fait cette importance consacrée à l’humain qui lie le rêve chinois et le rêve américain.

 

 

*ZHOU WENZHONG est le secrétaire général du Forum de Bo’ao pour l’Asie 2013 et l’ancien ambassadeur de Chine aux États-Unis.

 

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