CHINAHOY

1-December-2015

Les jeunes Chinoises : musclées et alors ?

REN YINAN*

On croit toujours les jeunes filles chinoises frêles et fragiles, mais attention ! Certaines ne le sont pas ou ne le sont plus !

Qian, jeune étudiante d’une vingtaine d’années installée à Beijing, est surnommée par ses amis « la reine du sport ». Frêle et fragile il y a un an et demi, elle est aujourd’hui transformée. Elle nous confie : « En fait, les filles ne devraient plus avoir peur d’être musclées. Les muscles rendent le corps plus sculpté. J’ai pris un abonnement à la salle de musculation. J’y vais quatre fois par semaine, je travaille respectivement mes pectoraux, mes abdos, le dos et les jambes. Aller m’entraîner avec mes amis au club de gym est mon moment préféré de la journée. »

Aujourd’hui, en Chine, les jeunes filles maigres et frêles ne sont plus à la mode. On préfère les filles aux lignes dynamiques et ce que l’on appelle en Chine « les fossettes obliques ».

Évolution de l’esthétique

Les « fossettes obliques » sont l’un des critères pour savoir si l’on est mince ou non. « Elles désignent le creux formé par le muscle droit de l’abdomen (aussi appelé grand droit) et le muscle oblique externe. Lorsque la graisse superficielle de l’abdomen atteint un niveau assez bas (en général moins de 16 % pour les femmes), les tendons entre les muscles obliques interne et externe, sur le muscle droit de l’abdomen, créent un creux que l’on appelle en Chine ‘‘les fossettes obliques’’ », explique Mai Dashi, l’un des créateurs des comptes Weibo KOL et FitTime qui compte à ce jour 250 000 suiveurs.

Ces « fossettes » ne sont pas le résultat d’une diète, mais d’un entraînement physique accompagné d’un régime nutritionnel adapté. Évidemment, pour arriver à ce résultat, la persévérance est également une condition indispensable.

C’est la star Yuan Shanshan qui a popularisé les « fossettes obliques » en mettant une photo des siennes sur Weibo et a créé le buzz. Elle a même été surnommée « La déesse des fossettes obliques » par la suite. Cela a non seulement fait augmenter sa notoriété mais a aussi encouragé les internautes à se mettre au fitness et à populariser ces « fossettes ». Par la suite, ce sont les « creux des reins », « la ceinture d’Apollon », « le pont bikini » et le « je peux toucher mon nombril en passant mon bras derrière mon dos » qui se sont popularisés. Beaucoup d’internautes se sont mis à poster des photos d’eux montrant leurs corps d’athlètes et leurs prouesses en fitness. Une nouvelle mode : celle du « Nu, j’ai des muscles à montrer, habillé, je suis mince. » était née.

Le culte de la beauté physique vient de l’Occident, la Grèce antique. Beaucoup d’œuvres d’art représentaient le corps humain sous des proportions parfaites basées sur le ratio d’or et mettait en valeur les lignes du corps et la tonicité des muscles. Alors que dans la Chine antique, l’esthétique du corps humain a beaucoup changé au cours des époques, et la tradition a toujours plus mis l’accent sur l’entretien de la santé que sur le sport.

Pour résumer l’esthétique féminine chinoise, il y a 2 000 ans, à l’époque Han ou antérieure, on mettait surtout l’accent sur la beauté du visage. À l’époque Wei et Jin et des dynasties du Nord et du Sud, soit du IIIe au VIe siècle, époque de mélange ethnique, on mettait l’accent sur la beauté sans artifice, on aimait les formes élongées et les hanches galbées. À l’époque Sui et Tang et des Cinq Dynasties, soit du VIe au Xe siècle, on aimait la beauté avec des formes. La ronde et pulpeuse concubine de l’empereur Xuanzong des Tang, Yang Yuhuan (719-756) est le prototype des canons esthétiques Tang. À l’époque Song et Yuan du Xe au XIVe siècle, l’esthétique était devenue plus épurée et « réservée », d’où une prédilection pour les femmes sveltes et légères, aux épaules étroites, à la poitrine plate et aux hanches fines avec des petits pieds. Du XIVe au début du XXe siècle, durant la période Ming et Qing, on continue à apprécier les femmes filiformes. La souffreteuse Lin Daiyu, personnage principal du Rêve dans le Pavillon Rouge est l’archétype de la beauté de l’époque. On peut donc se rendre compte que les critères esthétiques ont beaucoup évolué au cours du temps mais qu’ils sont toujours liés à un environnement social particulier.

Ces dernières années, sous l’impulsion de la globalisation, le sens esthétique des Chinois a connu un changement radical. Cela montre l’évolution de l’époque et de la société. Après plusieurs décennies de développement économique, les Chinois ne se cantonnent plus uniquement à la satisfaction matérielle et vont chercher une meilleure qualité de vie. Le culte de certains Chinois pour les muscles et les lignes était quelque chose de complètement absent de la culture chinoise traditionnelle du corps auparavant. Ce culte pour les « fossettes obliques » et les autres canons modernes de la beauté physique est un tournant dans les concepts esthétiques de la société.

La nouvelle tendance du fitness à l’ère d’Internet

Le développement accéléré d’Internet permet aux gens d’avoir plus d’opportunités pour s’exprimer dans leur individualité et s’intégrer à la société. Pourtant, les selfies, réflexions et photos en amoureux, considérés comme prétentieux, commencent à s’attirer le dégoût des internautes. Alors que les « fossettes obliques », résultats de longs et durs efforts représentent un véritable challenge. Cela reflète une recherche personnelle pour une meilleure qualité de vie et est donc mieux accepté. L’Internet mobile et « les fossettes obliques » forment un couple parfait pour faire la promotion d’un physique de rêve et de la maxime « un esprit sain dans un corps sain ».

Aujourd’hui, sur Weibo, WeChat ou encore les applications pour mobiles de sport, de plus en plus de gens publient leurs performances de course, le nombre de pas qu’ils ont fait dans la journée ou des posts intitulés « défi à moi-même », « 100 jours à la salle de sport » etc. Ces « fossettes obliques » ont créé une véritable vague fitness en Chine et stimulé l’envie d’avoir un corps joli et en bonne santé chez les gens. Évidemment, ce genre de mise en valeur de soi fait du corps un moyen d’échanger avec les autres, c’est aussi une façon de trouver sa place et d’obtenir une certaine reconnaissance par la société.

Le directeur de l’Institut de recherche pour le développement social de l’université de Wuhan, Luo Jiao analyse la situation pour nous : « Les applications pour mobiles changent les attentes des gens, la culture du réseau social a une influence de plus en plus grandissante et les gens accordent de plus en plus d’importance à la gestion de leur image, la socialisation du sport est un phénomène social nouveau en train de se développer. »

La rencontre entre les « fossettes obliques » et Internet a aussi fait les entrepreneurs se rendre compte du potentiel de ce marché. Dans la liste des applications de fitness, on trouve de tout. Par exemple : Keep est une application qui propose plusieurs formules d’entraînement et qui vous rappelle tous les jours à quelle heure faire quel entraînement. Une personne vous montre les exercices et vous accompagne en temps réel pour travailler. Une autre application : Dongdong, vous permet de calculer le nombre de pas que vous faites chaque jour. Il suffit d’ouvrir la fonctionnalité GPS de votre mobile et vous pouvez savoir la distance que vous avez parcourue, le nombre de calories que vous avez brûlées. Dongdong permet également de faire des statistiques hebdomadaires, mensuelles et annuelles pour faire une synthèse. Il ressort de cela que l’Internet mobile a non seulement rationnalisé le sport mais lui a aussi donné un contenu social et humain. Le slogan « Pour votre santé, faites du sport ! » est entré dans la conscience collective et s’est ancré dans les habitudes des gens.

« Tout le monde au sport » : une réalité

Faire du sport n’est plus une activité exclusivement réservée aux jeunes. Pour Mme Song, 48 ans, se lever à 6 heures et demie, prendre un verre d’eau chaude, mettre son survêtement, enfiler ses écouteurs et sortir faire un footing et de la marche rapide pendant une demi-heure est dorénavant une habitude. Elle considère cela comme un bon moyen de se réveiller et de se stimuler. Mis à part les jours de mauvais temps, elle fait 4 fois du sport par semaine. La course à pied le matin est une de ses activités parmi d’autres.

Elle nous confie : « Mon fils est à l’université dans une autre province, il n’a pas trop besoin que je m’occupe de lui, mon travail n’est pas trop prenant, alors j’investis pour mon bien-être. Être bien dans mes baskets, c’est de ça dont j’ai besoin aujourd’hui. » Auparavant, Mme Song faisait une petite marche après manger. Depuis qu’elle a rencontré des amis coureurs, elle est devenue adepte de la marche rapide et du jogging.

« Au début, je trouvais que se lever tôt le matin pour faire du sport était difficile, mais après plusieurs fois, je me suis sentie plus énergétique et pleine de fraîcheur », ajoute-t-elle. En plus de la course à pied, elle fait de la natation et du yoga. « On dit que l’on se tasse quand on vieillit, mais c’est parce qu’on ne s’étire pas assez les tendons. Je ne suis pas dans une recherche d’un “ carénage parfait ” comme les jeunes, mais je trouve que la natation et le yoga sont des sports doux et qui peuvent améliorer la souplesse et m’aider à garder la ligne. Pour moi, ça me suffit », conclut-elle.

Depuis quelques années, les méthodes rationnalisées d’entraînement physique sont entrées dans la vie des Chinois. Les « fossettes obliques », cette façon de dire à la mode, n’ont fait qu’encourager le mouvement « Tout le monde au sport » au sein de la société chinoise. Le sport est devenu une partie inséparable de la vie de beaucoup de Chinois, peu importe leur sexe, leur âge ou leur profession.

*REN YINAN, stagiaire de La Chine au présent.

 

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