CHINAHOY

30-October-2015

L’e-sport en Chine

 

Au Tournoi international de Dota 2 à Seattle en août dernier, l'équipe chinoise a remporté tous les prix de la 2e à la 5e place.

 

Le sport électronique ou e-sport, très à la mode au Japon et en Corée du Sud, est en train de vivre un véritable boom en Chine. Encore mal vu et sujet à controverse il y a quelques années, il est en train de se normaliser ici.

GU ZHENG*

18 millions de dollars, c'est la cagnotte du Ve Tournoi International (TI5) de Dota 2 (Defense of the Ancients 2), organisé en août 2015 à Seattle. Dota 2 est l'un des « sports » électroniques les plus en vogue actuellement. Après deux semaines de compétition, l'équipe chinoise a raflé tous les prix de la 2e à la 5e place, et remporté 7,78 millions de dollars. Depuis une dizaine d'années, l'e-sport est en train de connaître un véritable essor en Chine, et c'est Dota 2 qui a créé cet engouement pour l'e-sport en Chine.

Une reconnaissance grandissante

L'e-sport est une compétition de jeu vidéo par ordinateur et sur Internet. La première fois que des Chinois ont participé à une compétition internationale d'e-sport remonte à 2003 lors du World Cyber Games (WCG). Aux cours des matchs, le candidat chinois Li Xiaofeng a remporté les épreuves les unes après les autres et est finalement devenu champion du monde de Warcraft III. Dès lors, l'e-sport a commencé à attirer les Chinois.

Pourtant, ce n'était pas gagné. Les clubs chinois d'e-sport ont rencontré beaucoup de difficultés en Chine à leurs débuts. La gestion des clubs dépendait soit de soutiens financiers privés comme les cyber-cafés ou les mécènes. Zhang Ning, joueur professionnel de Dota 2 de l'équipe LGD, et capitaine de l'équipe chinoise lors du TI4 en 2014 nous raconte : « Il y a 5-6 ans, les clubs d'e-sport n'avait pas de sponsors, on gagnait notre vie seulement grâce aux primes qu'on gagnait pendant les concours. À l'époque, la prime d'un joueur professionnel était seulement de 2 000 à 3 000 yuans. Les clubs devaient aussi louer un local et acheter au moins cinq ordinateurs pour l'entraînement. »

Zhang Ning se rappelle : « On prenait parfois le train debout pendant des dizaines d'heures juste pour participer à une compétition. Les prix n'étaient pas très gros. Par exemple, le G-League, la compétition la plus importante à l'époque offrait un prix de seulement 5 000 yuans au gagnant. »

La situation s'est améliorée de façon proportionnelle aux résultats des équipes chinoises lors des compétitions internationales. Actuellement, l'e-sport est en train de vivre son âge d'or en Chine. Le responsable de l'équipe LGD nous raconte : « Aujourd'hui, le salaire moyen des joueurs de notre équipe s'approche des 20 000 yuans par mois. On a aussi assez de soutiens financiers pour administrer correctement le club. En plus, les primes ont aussi augmenté. Maintenant, on attire non seulement l'attention des fans et des médias, mais aussi les sponsors. »

Les grands médias chinois, comme la CCTV (télévision centrale de Chine) ont interviewé les joueurs chinois pendant les tournois internationaux. Les membres de son équipe ont aussi reçu le soutien de l'Administration générale de la culture physique et du sport (AGCS). Tout cela montre bien que l'e-sport est de plus en plus reconnu en Chine.

 

Le 1er octobre 2015, premier jour des vacances de la Fête nationale, le tournoi d'e-sport de Shenzhen a réuni beaucoup de monde.

 

Un milieu controversé qui attire

Certains envient les joueurs profesionnels. Ceux-ci gagnent de grosses sommes d'argent en jouant à des jeux sur ordinateur pendant des compétitions. D'après Li Yanfei, organisateur du tournoi WCA, l'audience des émissions en ligne de compétition d'e-sport augmentant, le salaire des joueurs a aussi augmenté. Celui des annonceurs en ligne également. Les membres des clubs les plus célèbres gagnent à peu près 8 millions de yuans par an. Le salaire est une des raisons pour lesquelles les jeunes veulent devenir joueur professionnel. Selon des statistiques, la Chine compte environ 18 millions de joueurs d'e-sport dont la majorité sont des jeunes, qui jouent à Dota2 et League of Legends.

En 2003, l'e-sport est entré comme 99e sport sur la liste de l'AGCS. Depuis, il sans cesse sujet à controverse. Bien que la Chine ait composé une équipe nationale d'e-sport, et malgré qu'elle ait obtenu de bons résultats dans les compétitions mondiales, la plupart des parents chinois n'apprécient pas ce sport.

Presque tous les joueurs professionnels d'e-sport racontent qu'ils se disputaient souvent avec leurs parents. Li Xiaofeng a remporté le tournoi de Acon 5 en 2005. Mais quand il a signé le contrat avec son club, le Hunter Beijing, en 2003, il a perdu tout contact avec ses parents. Ceux-ci considéraient que gagner sa vie en jouant à des jeux vidéo était une fumisterie.

Un joueur professionnel a fait part de son expérience lors d'un échange avec les internautes : « Franchement, si vous n'êtes pas dans une équipe professionnelle et que c'est juste une addiction ou un loisir, alors oui, passer son temps à jouer devant un ordinateur est une perte de temps, car vous n'avez pas de salaire ni de vie sociale. Et après plusieurs années, vous êtes un fainéant aux yeux de vos parents. J'ai eu la chance de rentrer dans une équipe professionnelle. Si ce n'avait pas été le cas, je ne sais pas si j'aurais la capacité de me nourrir. Voilà la réalité de l'e-sport, c'est une voie plus difficile que l'université. Il faut bien réfléchir avant de faire son choix. »

De plus en plus de jeunes sont attirés par cette profession. Il y a aussi de plus en plus de gens qui évolutent dans ce domaine. Yao Zhengzheng est joueur professionnel de l'équipe LGD de Dota 2. De temps en temps, il participe à quelques matchs en ligne, ce qui lui permet de voir ses amis quand même. Mais il faut le reconnaître, entraînement est intensif et ennuyeux. « On ne récolte pas toujours autant que l'on a planté. »

Bien sûr, il y a aussi des gens qui sont plus optimistes quant aux débouchés professionnels dans l'e-sport, comme Lu Yao et Liu Jiajun, eux aussi membres de l'équipe LGD. D'après eux, aujourd'hui, l'e-sport se développe d'une manière de plus en plus rationnalisée. La maturité du domaine est favorable aux joueurs, ils encouragent les jeunes à s'essayer au e-sport.

Un secteur en plein boom

Aujourd'hui, l'e-sport s'est fait une place au soleil, certains gouvernements locaux organisent même des tournois et le subventionnent. Il est dans une phase de normalisation et de standardisation.

China Internet Gaming 2015 (CIG) a eu lieu en juin 2015. Selon les données officielles, plus de 500 000 joueurs et 2 millions de spectateurs ont participé à la compétition. Lu Jun, secrétaire du comité organisateur nous explique que des tournois sont organisés dans plusieurs provinces de la Chine, et que cela va durer jusqu'en décembre. Grâce au soutien des gouvernements locaux, cette compétition est aussi une occasion de développer le tourisme, les affaires et les infrastructures. Le modèle combinant tournois d'e-sport, tourisme et loisirs sera peut-être une nouvelle forme de développement pour l'e-sport.

Seul hic : les jeux vidéo connaissent tous une popularité éphémère, alors que les joueurs doivent préparer leur retraite. Mais ceux-ci ont confiance : les jeux passent, l'e-sport reste. Et les joueurs retraités peuvent se reconvertir dans d'autres activités liées au e-sport.

Le sport éléctronique, en tant que sport jeune, anime des passions et amène de la joie aux gens. C'est aussi un secteur en plein boom. Et qui sait, peut-être qu'un jour l'e-sport sera une discipline aux Jeux olympiques... Il est toujours permis de rêver.

 

*GU ZHENG : stagiaire de La Chine au présent, étudiant à l'Institut des relations internationales de Chine.

 

La Chine au présent

Liens