CHINAHOY

22-January-2017

La vie est belle de retour en Chine !

 

Un agent immobilier et ses clients devant des maquettes à Hangzhou (Zhejiang), le 26 novembre 2016

 

ZHENG RUOLIN*

 

Voici trois ans et demi que je suis revenu vivre dans mon pays natal. Trois années qui sont passées en un clin d'œil.

 

Plusieurs de mes amis français se sont inquiétés de ce que je devenais depuis mon retour. Par e-mail, ils m'interrogent chacun à leur tour : « Votre santé résiste-t-elle au smog ? », « Votre niveau de vie a-t-il baissé ? », « Avez-vous encore accès à des livres français ? », « La nostalgie du vin et du fromage français ne vous torture-t-elle pas trop ? »

 

Je ressens une grande nostalgie pour le vin et le fromage français. Mais je peux en acheter, avec un assortiment réduit, dans les supermarchés de Beijing. Gouda, La Vache qui rit, Brie, Camembert et quelques autres. Pareil pour les vins rouges, importés de France mais aussi du Chili, d'Espagne, d'Italie, des États-Unis et d'autres pays. D'autre part, avec l'appréciation du yuan de 20 % ces dernières années, les prix des produits importés paraissent d'autant plus abordables. Mon intuition est que dans un avenir proche, ils coûteront de moins en moins cher et apparaîtront de plus en plus souvent sur les tables chinoises.

 

En ce qui concerne ma vie en Chine, telle que je l'ai décrite dans mon livre publié en France, Les Chinois sont des hommes comme les autres, elle ne diffère pas beaucoup de ma vie en France. Dans la mesure où de nombreuses personnes m'ont interrogé à ce sujet, j'ai eu l'idée d'écrire ce petit article qui pourra servir de réponse à tous. Je vais donc aborder différents aspects de la vie ici, qu'il s'agisse d'habillement, de nourriture, de logement ou de déplacement, en quelque sorte les aspects fondamentaux de la vie quotidienne.

 

Habillement

 

En ce qui concerne l'habillement, je voudrais mentionner deux points. Le premier, c'est que les vêtements en Chine sont plutôt bon marché et d'une excellente qualité. Il y a dix ans, quand je revenais passer mes vacances, je remarquais que de nombreux Chinois portaient des vêtements simples, parfois même troués. Aujourd'hui, les citoyens de métropoles comme Shanghai ou Beijing n'ont rien à envier à ceux de villes mondialement connues pour le chic de leurs habitants. Les jeunes filles particulièrement, dont le goût esthétique est peut-être un peu plus classique que celui des élégantes parisiennes, ne ressemblent malgré tout plus à des citoyennes d'un « pays pauvre et arriéré ». Si la population s'habille de mieux en mieux, c'est principalement grâce aux prix bas qui règnent sur le marché. Je me suis fait faire, dans la fameuse rue de la couture Maoming à Shanghai, deux complets sur mesure, plus trois chemises et deux paires de boutons de manchette, toujours sur mesure, pour environ 5 800 yuans, soit l'équivalent de 730 euros, le prix moyen d'un costume en France. Sur le plan de la qualité, il n'y a aucune différence fondamentale par rapport à la couture sur mesure française.

 

En fait, nombreux sont mes amis français qui vivent ou sont établis en Chine, et d'autres voyageant régulièrement entre la Chine et la France, qui profitent de l'occasion pour se faire confectionner des vêtements sur mesure. La rue Maoming est probablement le lieu au monde où la haute couture sur mesure est la plus abordable. Bien sûr, les Chinois ordinaires comme moi ne peuvent se permettre ce luxe qu'occasionnellement. D'ordinaire, nous préférons acheter nos vêtements sur Internet. Sans compter les prix incroyablement bas, la livraison à domicile est également très pratique. Passez la commande dans la matinée et vous êtes livré dans l'après-midi. Pas satisfait ? L'achat peut être remboursé ou échangé sans discussion. Ces trois dernières années, j'ai acheté 80 % de mes vêtements en ligne. Il faut vivre en Chine ou acheter des vêtements ici pour comprendre l'absurdité de la politique de l'Union européenne qui recourt souvent à des sanctions anti-dumping contre les produits textiles chinois.

 

Le second point est paradoxal : à ce jour, la Chine « superpuissance du textile » aux tout premiers rangs mondiaux ne possède pratiquement pas des marques de haute couture mondialement connue. Ce n'est pas que l'on ne trouve pas de vêtements de qualité en Chine, mais bien parce que la Chine reste un novice sur le plan du marketing. À défaut de posséder des marques de classe mondiale, l'impression générale est que « les vêtements fabriqués en Chine sont de mauvaise qualité ». La réalité est différente : la confection chinoise haut de gamme se compare à celle des marques mondialement connues, et le niveau vestimentaire des Chinois ordinaires s'est énormément amélioré. L'innovation textile reste elle aussi à la pointe : on produit en Chine un nouveau type de tissu fait de fibre de bambou, très confortable à porter, notamment en sous-vêtement.

 

Un marché aux légumes à Taiyuan (Shanxi)

 

Nourriture

 

La nourriture en Chine est un plaisir. Habitant à Paris, j'étais ravi de pouvoir goûter des curiosités gastronomiques venues de tous les pays du monde. Mais en rentrant au pays, j'ai découvert que la même chose est possible aujourd'hui dans les grandes villes chinoises. À Beijing, à Shanghai, à Guangzhou et ailleurs, je peux trouver facilement les spécialités du monde les plus appréciées. Si l'on compare les prix en France et en Chine, que ce soit pour les fruits et légumes sur les marchés ou pour les produits de première nécessité, ou encore pour les plats exotiques dans les restaurants les plus huppés, les prix sont en général bien moins élevés en Chine qu'en France. Pour un foyer moyen de deux personnes tel que le mien, si l'on cuisine à la maison, les dépenses alimentaires mensuelles n'excèdent pas 2 000 yuans (environ 260 euros), en consommant cinq fruits et légumes par jour ainsi qu'il est recommandé. La sûreté alimentaire ? C'est en effet un problème. Mais le sujet a été beaucoup exagéré dans les médias. Alors que je venais d'arriver, je me faisais beaucoup de souci et chaque produit me semblait douteux ou suspect : les produits contrefaits, les ré-étiquetages ou la mauvaise qualité. Trois ans plus tard, j'ai compris que ces informations alarmantes sur la sécurité alimentaire sont en fait basées sur des cas rares. Dans la pratique, on rencontre peu de problèmes. À ce jour, je n'ai jamais trouvé dans mes courses ni de bière au formol, ni de fausse viande de bœuf, ni d'huile de caniveau recyclée ou d'autres produits frelatés qui avaient défrayé la chronique. Au contraire, depuis mon retour en Chine, je me porte de mieux en mieux, et c'est dans la nourriture que j'y vois l'un des principaux facteurs. Ici, je mange moins de viande. Et cela correspond mieux aux besoins de mon organisme chinois.

 

Logement

 

Le logement reste le plus gros problème. Même si le taux de propriété immobilière résidentielle est en Chine l'un des plus élevés du monde, la bulle immobilière pèse de tout son poids sur l'économie réelle. Selon le Livre bleu sur la société chinoise 2016, rendu public par l'Institut d'études sociologiques de l'Académie des sciences sociales de Chine, le taux de propriété immobilière résidentielle des foyers interrogés atteint 95,4 % en Chine, pour une moyenne de 50 m2 de surface habitable par personne et une valeur moyenne des habitations privées estimée à 314 000 yuans par famille. Cela étant, les jeunes ont de plus en plus de difficulté à accéder à la propriété en raison des prix de l'immobilier qui ne cessent de s'élever. Ils dépassent 40 000 yuans le mètre carré à Beijing, alors que le salaire moyen annuel brut n'est que 77 560 yuans. Le revenu moyen sur un an ne suffit pas à acheter deux mètres carrés de surface habitable à Beijing, sans compter qu'au centre-ville, les logements dépassent partout 100 000 yuans le mètre carré ! S'ils n'héritent pas d'un appartement, les jeunes de Beijing, Shanghai, Guangzhou, Shenzhen ou de certaines villes de second rang, n'ont pratiquement aucun moyen pour s'acheter un logement en zone urbaine et doivent s'exiler en grande banlieue. Comment percer cette bulle immobilière sans trop affecter la croissance économique ? Telle est la question la plus importante sur laquelle phosphorent actuellement les think tank chinois.

 

Quant à moi-même, comme 95 % des Chinois en zone urbaine, je suis propriétaire de mon logement depuis longtemps. En 1999, l'État a cédé aux locataires, à des prix très attractifs, la plupart des appartements publics qu'ils occupaient. C'est à cette époque que j'ai acquis le logement que la maison d'édition pour laquelle je travaillais m'avait affecté. Mais comme la quasi-totalité des Chinois qui habitent dans des immeubles anciens, je suis confronté moi aussi au problème qu'ils devront affronter un jour ou l'autre : l'absence d'ascenseur. La société est entrée dans une phase de vieillissement. Sur 1,3 milliard d'habitants, 210 millions ont plus de 60 ans. La plupart des bâtiments anciens ne sont pas équipés d'ascenseurs et je trouve que se prépare pour moi une dure épreuve en attendant que le gouvernement, qui a prévu d'installer des ascenseurs dans les immeubles résidentiels anciens, résolve ce problème. La France possède une riche expérience en matière de rénovation de l'immobilier ancien et d'installation d'ascenseurs dans ce type de bâtiments, dont nous devrions nous inspirer.

 

Transports

 

Lorsqu'on parle de transports, on songe naturellement tout d'abord aux voitures privées. Ici encore, deux points méritent d'être soulignés : d'une part, la Chine détient déjà le record mondial en termes de ventes d'automobiles. Le résultat de cette performance est un trafic catastrophique dans les principales agglomérations. À Beijing, une politique de limitation des achats d'automobiles est mise en œuvre. Les habitants de Beijing désireux d'acheter une voiture doivent participer à un tirage au sort. Depuis trois ans que je suis à Beijing, la chance ne m'a pas souri. On affirme qu'à présent, le taux de réussite du tirage au sort est tombé à 1 sur 800. Les moins chanceux peuvent se contenter d'une voiture électrique puisque leur vente n'est pas soumise au régime de restriction du fait de leur absence de nuisances sur l'air ambiant. Les autorités de Beijing encouragent l'achat de ce type de véhicules. Les moins chanceux peuvent aussi louer une voiture à ceux qui en possèdent plusieurs. Aujourd'hui, des mesures de restriction de la circulation s'appliquent sur la base des numéros d'immatriculation. Tout véhicule est interdit de circulation un jour par semaine. Malgré toutes ces mesures, on compte plus de 3,5 millions de voitures par jour circulant dans les rues de Beijing.

 

D'autre part, les véhicules à énergie non fossile, c'est-à-dire à moteur électrique, sont de plus en plus populaires en Chine. Un de mes voisins de l'étage inférieur en a acheté un. Après un temps de charge nocturne de 6 à 8 h, la voiture dispose d'une autonomie d'environ 250 km. L'an dernier, dans la ville de Hangzhou où était organisé le Sommet du G20, tous les transports en commun et les taxis ont été remplacés par des véhicules électriques. Comme je me trouvais à Hangzhou à ce moment-là, j'ai pu constater que les bus en service dans la ville étaient tous fabriqués par le constructeur chinois BYD, une marque de bus électriques vendue dans le monde entier.

 

En parlant de transports, je ne peux pas ne pas mentionner un autre moyen moderne : le TGV. Aujourd'hui, ma résidence principale se trouve à Beijing, mais je donne souvent des cours dans diverses universités et j'interviens dans des émissions télévisées à Shanghai. Pour me rendre à Shanghai, je prends le plus souvent le TGV : 553 yuans l'aller simple, 1 300 km en 4 h 48 mn. Il est ponctuel, confortable et pratique, contrairement à ce qu'affirment les médias étrangers qui trouvent en outre le TGV chinois « trop cher pour les paysans qui travaillent en ville ou les ouvriers migrants qui n'ont pas les moyens de s'offrir ce luxe. » Des informations dépassées, puisqu'aujourd'hui, un travailleur migrant d'origine paysanne qui travaille comme maçon en ville, gagne jusqu'à 300 yuans par jour. De fait, la construction du TGV est devenue bien moins chère en Chine qu'elle ne l'a été en Europe. Si en Europe, les voies de TGV conçues pour un trafic à la vitesse de 300 km/h reviennent à l'équivalent de 150 à 240 millions de yuans par km, les lignes chinoises conçues pour des vitesses supérieures à 350 km/h sont installées pour 100 à 125 millions de yuans/km. Les prix des places sont de loin les plus élevés au monde, avec l'équivalent de 0,04 euro par km, contre 0,22 euro en France ou au Japon. On compte déjà plus de 22 000 km de LGV en service en Chine, bien plus qu'au Japon (2 615 km) ou en France (1 985 km). Aujourd'hui, le TGV le plus rapide du monde en vitesse commerciale circule entre Wuhan et Guangzhou à une vitesse qui atteint 350 km/h. La distance de 1 069 km entre les deux villes est franchie en 3 h 54 mn.

 

Ces quelques exemples montrent différents aspects de la vie quotidienne des Chinois. Ne ressemblent-t-ils pas déjà, grosso modo, à celui des Français ou des citoyens de la plupart des pays développés ? Comparant ma vie actuelle à celle qui était la mienne en France pendant plus de vingt ans, je n'ai pas du tout le sentiment d'avoir perdu en niveau de vie. Bien entendu, sous d'autres aspects, comme les soins médicaux, le tourisme, le divertissement et l'emploi, la Chine continue d'afficher un certain retard par rapport aux pays industrialisés. D'autres sujets plus sensibles, comme la liberté, la démocratie, les droits de l'homme, demanderaient encore beaucoup plus de commentaires. Seulement, vu le « dialogue de sourds » qui continue d'exister dans les échanges entre l'Orient et l'Occident, je préfère attendre pour les aborder que chacun ait pu se faire une idée plus précise de l'état de la vie des gens en Chine.

 

 

*ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai et l'auteur du livre Les Chinois sont des hommes comme les autres aux éditions Denoël.

 

 

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