CHINAHOY

2-December-2016

Après l’élection de Donald Trump

 

Le 10 novembre 2016 à Washington, le président américain Barack Obama a rencontré son successeur Donald Trump à la Maison Blanche pour discuter de la passation de pouvoir.

 

 

ZHENG RUOLIN*

Jamais des élections présidentielles aux États-Unis n'avaient autant fasciné la population chinoise que cette année. Bien qu'aucun sondage n'ait été effectué à ce sujet, les nombreuses publications sur Internet – analyses, opinions, commentaires et même parodies, nous ont fait ressentir la ferveur extraordinaire des internautes chinois. Presque tous les textes des discours des deux candidats, en particulier ceux de Donald Trump, ont été traduits en chinois et publiés sur Internet. Jamais non plus un candidat aux élections présidentielles dans un pays étranger n'avait été le grand « favori » des Chinois ordinaires comme Trump l'a été. Si j'ai mis le terme « favori » entre guillemets, c'est parce que beaucoup de Chinois ont estimé que l'accession de Donald Trump à la présidence serait « une très bonne chose » pour la Chine. Comme chacun sait, la Chine est actuellement la deuxième économie du monde et le numéro un mondial en termes d'industrie manufacturière, alors que les États-Unis sortent à peine d'une récession. C'est d'ailleurs pour cela que le slogan électoral de Donald Trump a été « Make America Great Again » (Rendre à l'Amérique sa grandeur). La récession a si profondément influencé le peuple américain que les opinions du pays se sont axées sur le changement. Le gagnant de l'élection, M. Trump ou Mme Clinton, orienterait l'avenir des États-Unis. Nombreux ont été les Chinois, y compris des experts et chercheurs, convaincus que si Trump – qui présente une tendance évidente à l'isolationnisme – était élu, les relations entre les deux pays seraient plus faciles.

Un point plus important est que cette fois, les élections présidentielles américaines sont devenues une occasion permettant aux Chinois d'observer de manière générale le « système démocratique américain ». La Chine, qui galope actuellement sur la voie de l'industrialisation et de l'urbanisation, fait face à un autre grand sujet : la réforme politique. Ce sujet, l'Occident l'a toujours présenté d'une manière spéciale : pour lui, « réforme politique » est synonyme de processus de « démocratisation ». Certes, certains chercheurs et intellectuels libéraux chinois considèrent la « démocratie à l'américaine » comme une référence pour la réforme politique chinoise. Cependant, cette année, les discours de M. Trump ont eu pour effet de susciter des doutes sans précédent sur la « démocratie à l'américaine » en Chine, et la désillusion parmi les Chinois n'avait jamais été si violente.

Avant les élections, les États-Unis représentaient un paradis pour certains Chinois. Mais les descriptions de M. Trump sur les réalités du pays ont choqué un grand nombre de Chinois. Ils ont appris qu'il y a un grand nombre de pauvres aux États-Unis, que de nombreuses personnes n'ont pas assez d'argent pour aller consulter un médecin, et que la corruption est rampante... Beaucoup de Chinois, en particulier ceux qui n'ont jamais eu l'occasion de visiter l'autre côté du Pacifique, se sont rendu compte que la « démocratie à l'américaine » n'était pas si parfaite qu'on l'avait vantée.

 

Le 20 novembre 2016, une manifestation contre le nouveau président américain Donald Trump a eu lieu à New York.

 

Ci-dessous, la retranscription d'un discours électoral de M. Trump qui a circulé sur Internet en Chine :

« Notre mouvement vise à remplacer un établissement politique en échec et corrompu, par un nouveau gouvernement contrôlé par vous, le peuple américain. L'établissement de Washington, ainsi que les corporations financières et les médias qu'il finance, existe pour une seule raison, c'est pourse protéger et s'enrichir. Il a des milliers de milliards de dollars d'enjeux pour la présente élection, pour ceux qui contrôlent les leviers du pouvoir à Washington et les lobbies mondiaux. Ils sont partenaires de ces gens qui n'ont pas à l'esprit ce qui est bon pour vous. Notre campagne électorale représente une véritable menace, une menace qu'ils n'ont jamais connue auparavant. Ce n'est pas une simple élection que l'on fait tous les quatre ans, c'est un tournant dans l'histoire de notre civilisation, qui déterminera si nous, le peuple, réclamons le contrôle de notre gouvernement... La présente élection déterminera si nous sommes une nation libre, ou si ce n'est qu'une illusion de démocratie alors que nous sommes maîtrisés par une poignée de mondialistes et de groupes d'intérêt, qui sont en train de ronger notre système... Nous allons reprendre ce pays pour vous, et nous allons rendre à l'Amérique sa grandeur. »

Le choc a été grand parmi les spectateurs chinois, qui étaient loin de penser que les élections présidentielles américaines étaient ainsi ! Beaucoup de ceux qui admiraient le système démocratique américain ont réfléchi à deux phénomènes : la déclaration sur l'idée de rendre à l'Amérique sa grandeur, qui montre au moins que le système démocratique américain n'est pas un si grand succès ; et le fait que la Chine, n'ayant pas adopté les élections « démocratiques » à l'américaine, a remporté des succès extraordinaires. L'idée de « Great again » vantée par M. Trump n'est-elle pas déjà une réalité en Chine ? Les annonces de M. Trump, par exemple sur l'investissement de grosses sommes pour améliorer les infrastructures américaines, ne constituent-elles pas un bel exploit déjà réalisé par la Chine ? La Chine doit-elle apprendre des États-Unis, ou est-ce le contraire ?

Donald Trump a fini par remporter l'élection.

Quelles seront ses politiques ? Cela constitue une nouvelle énigme. Le 9 novembre à midi, le président chinois Xi Jinping a envoyé à M. Trump un télégramme de félicitations, en précisant qu'il souhaite travailler avec le futur président américain. « J'espère, a ajouté le président chinois, que nos deux pays observeront les principes de non-conflit et de non-antagonisme, de respect mutuel et de coopération visant un résultat gagnant-gagnant, étendront les domaines de coopération bilatérale, régionale et mondiale, et contrôleront leurs divergences de manière constructive, afin de promouvoir les relations sino-américaines vers de nouveaux progrès et pour apporter des bénéfices plus importants aux peuples de nos deux pays et des autres pays. »

Durant la campagne, M. Trump a maintes fois exprimé sa volonté d'isolationnisme. Nous attendons de voir à quel point cela aura une influence sur les relations sino-américaines. L'histoire nous dit qu'être élu est une chose, et que gouverner en est une autre. Ne serait-ce que huit ans plus tôt, Barack Obama, le premier président noir de l'histoire américaine, n'a-t-il pas accédé au pouvoir grâce à son slogan « Oui, nous en sommes capables » ? Cependant, après son « entrée en scène », à l'exception de sa réforme médicale, presque toutes ses autres politiques n'ont-elles pas été « mises en scène » selon le scénario qu'on lui a écrit ? En huit ans, pratiquement rien n'a changé aux États-Unis. En réalité, un président américain a des pouvoirs très limités. De l'armée à la CIA, de Wall Street au FBI, sans parler des différents lobbies très pesants, presque chaque institution a sa structure de pouvoir. La marge de manœuvre du président pour orchestrer des institutions spéciales est une donnée inconnue de l'extérieur. Il ne serait pas étrange que M. Trump souligne dans sa première allocution présidentielle que « plus de 2 millions de généreux donateurs m'ont soutenu… ». Mais si Donald Trump fait comme il l'entend, il aura du mal à obtenir le soutien des institutions. Rappelons-nous que John Kennedy a lancé un défi à ces lobbies, et qu'il est devenu une victime de l'histoire américaine.

Une autre possibilité est que M. Trump, après son accession au pouvoir, change d'attitude pour parvenir à des compromis ou à des arrangements tacites avec les groupes de pouvoir politique de Washington qui l'ont attaqué. Il pourrait protéger la ligne de fond des groupes d'intérêt dans des domaines cruciaux, en échange de réformes dans d'autres domaines. Cela est le plus probable. Si mes prédictions sont justes, cela signifie que les électeurs qui étaient sûrs que Trump ne céderait pas comme les hommes politiques traditionnels auront voté pour lui en vain.

Certes, très souvent, un président nouvellement élu, une fois à la Maison Blanche, pense vite à son deuxième mandat. Ce n'est qu'une fois le second mandat entamé qu'il commence à réfléchir à sa place dans l'histoire et à ce qu'il léguera aux États-Unis. De ce point de vue, il est difficile de prédire si Trump se soumettra aux groupes de pouvoir politique de Washington, ou s'il fera de son mieux pour « Make America Great Again ». Permettez-moi de citer un proverbe français : « Qui vivra verra. »

Il convient de mentionner que Julian Assange, retranché dans l'ambassade d'Équateur, est un véritable héros qui fait peur aux groupes de domination mondiale. Il a tenu sa promesse de bloquer la route devant mener Hillary Clinton à la Maison Blanche. Le phénomène Assange est la clé du monde d'aujourd'hui. Comme l'a observé Jean-Paul Sartre : « L'enfer, c'est les autres. » Pour Hillary et les futurs candidats aux élections présidentielles ayant une réputation entachée, l'enfer, c'est Assange.

 

 

La Chine au présent

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