CHINAHOY

2-December-2016

« La Chine joue un rôle actif dans le processus de paix en Colombie »

—Interview de l'ambassadeur de Colombie en Chine, M. Oscar Rueda.

 

L'ambassadeur de Colombie en Chine.

 

 

MICHAEL ZÁRATE, membre de la rédaction

 

Il est rare qu'un pays fasse autant parler de lui en l'espace de quelques jours. Le 26 septembre dernier, le gouvernement colombien a signé un accord de paix historique avec les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Puis, contre toute attente, le 2 octobre, cet accord a été rejeté par voie de référendum. Et enfin, le 7 octobre, les médias ont annoncé que le prix Nobel de la paix était remis cette année au président colombien Juan Manuel Santos.

 

Au même moment, en octobre, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi effectuait une visite dans ce pays d'Amérique du Sud, à dessein de réaffirmer le soutien de la Chine envers ce processus de paix. À cette occasion, nous avons interviewé le nouvel ambassadeur de Colombie en Chine, M. Oscar Rueda, pour connaître son avis sur les derniers développements en Colombie.

 

La Chine au présent :Le président Juan Manuel Santos s'est vu décerner le prix Nobel de la paix. Quels commentaires souhaiteriez-vous faire à ce sujet, M. l'Ambassadeur ?

 

Oscar Rueda : C'est un excellent message que nous ont envoyé les membres du Comité Nobel norvégien, car ce Nobel de la paix est conféré non seulement à ceux qui ont instauré la paix, mais également à ceux qui la recherchent. Le prix Nobel a toujours été vu comme une récompense, mais celui-ci apporte plutôt un soutien, car dorénavant, les Colombiens, qu'ils aient voté « oui » ou « non » au référendum, s'engagent pour cette pacification.

 

Le prix Nobel nous fournit l'appui dont nous avons besoin pour atteindre notre objectif dans ce processus de renégociation, c'est-à-dire la paix.

 

 

 

La Chine au présent : Immédiatement après avoir appris le résultat défavorable au référendum, le président Juan Manuel Santos a déclaré devant les Colombiens : « Un sage proverbe chinois, en lequel j'ai toujours cru, préconise de rechercher les opportunités en toute situation ; et ici, s'ouvre une opportunité. » La Chine est-elle si présente dans l'esprit du président Santos ?

 

Oscar Rueda : Certes, parce que la Chine nous a toujours soutenu dans sa prise de position. Par ailleurs, nous avons reçu dernièrement le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en visite officielle. Le ministre Wang souhaitait réitérer ce message de soutien envers le processus de paix ; et telle une heureuse coïncidence, il est arrivé en Colombie le jour de l'annonce du vainqueur du Nobel de la paix.

 

 

 

La Chine au présent : En quoi la Chine a-t-elle joué un rôle décisif dans le processus de paix ?

 

Oscar Rueda : Le problème avec ces pourparlers pour ramener la paix, c'est la crédibilité. Des deux côtés, la méfiance prévaut toujours. Le soutien international dressait ainsi un bouclier contre cette méfiance, et hormis les Nations unies, qui de mieux pour nous apporter son appui ? La Chine, bien entendu.

 

En tant que membre du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine nous a apporté son aide dans une mission de la plus haute importance : la désignation d'une commission accompagnant le processus, afin de s'assurer que toutes les parties remplissent leurs obligations. C'est l'un des rôles majeurs qu'a joués la Chine. Elle a également joué un rôle actif dans le processus de paix ainsi que dans le retrait des mines terrestres, procédure pour laquelle elle nous a fourni des nouvelles technologies.

 

 

 

La Chine au présent : Quels sont les résultats de la visite du ministre chinois des Affaires étrangères en Colombie ?

 

Oscar Rueda : Sa visite était très importante, car M. Wang a transmis un message spécialement adressé par le président Xi Jinping en faveur du processus de paix. En outre, des questions pragmatiques touchant au commerce et à l'investissement, d'un ordre considérable pour nous, ont été abordées. Nous devons rembourser les dettes liées aux infrastructures de notre pays ; dans le cadre du processus de paix, nous tentons de convertir une large portion du territoire national au développement agricole. Nous avons donc signalé à la Chine que de vastes opportunités d'investissement agricole sont à saisir en Colombie.

 

Parmi les projets agricoles que nous avons présentés au gouvernement chinois, l'un d'eux consiste à développer ce que nous appelons l'Altillanura : un programme comprenant l'exploitation de 30 000 hectares de terres et la construction de routes pour le transport des récoltes dans cette zone. Ce serait un investissement profitable pour la Chine, qui lui permettrait de répondre à ses besoins en importation de produits alimentaires.

 

 

 

La Chine au présent : Déjà une cinquantaine d'entreprises chinoises opèrent en Colombie. Vous avez mentionné la nécessité de développer les infrastructures dans votre pays, M. l'Ambassadeur. Quels autres secteurs seraient à même de capter les investissements chinois ?

 

Oscar Rueda : Les premières entreprises chinoises qui se sont installées en Colombie travaillaient dans les infrastructures et les combustibles. Ce n'est pas toujours facile pour elles en raison des règles autour du mécanisme d'enchères, mais il est clair que cette voie est déjà tracée. Notamment, une entreprise chinoise en Colombie a remporté cette année un appel d'offres pour la construction d'un réseau 4G dans le département d'Antioquia (au nord-ouest de la Colombie).

 

Outre les secteurs des combustibles, des télécommunications et des infrastructures, il apparaît urgent de promouvoir la présence des entreprises chinoises dans les activités agricoles. Aussi, la Colombie abrite déjà une banque chinoise de deuxième rang, car la Banque de Chine y possède des bureaux, mais ce serait vraiment formidable si en Colombie nous avions également une banque chinoise opérant dans le pays.

 

 

 

La Chine au présent : M. l'Ambassadeur, vous avez assumé le poste de ministre député du Tourisme pendant sept ans. Vous êtes donc conscient de l'importance des touristes chinois dans le monde aujourd'hui. Avez-vous envisagé d'émettre des propositions pour accroître le nombre de touristes chinois en Colombie ?

 

Oscar Rueda : Après ce que vous venez de dire, si je n'avais pas permis au secteur du tourisme de progresser de façon considérable, je serais impardonnable. D'une manière générale, plus de voyageurs chinois viennent en Amérique du Sud de nos jours. Leur nombre reste limité en Colombie, mais affiche un pourcentage de croissance élevé depuis quelque temps. Le taux de croissance annuel est de l'ordre de 50 % et en 2015, nous avons reçu approximativement 12 000 voyageurs chinois.

 

Cependant, nous devons nous efforcer de faciliter la demande de visa. Nous avons d'ores et déjà fait des progrès. Actuellement, les citoyens chinois en possession d'un visa Schengen ou d'un visa pour les États-Unis n'ont plus besoin se procurer un visa pour la Colombie. En outre, les dossiers pour la demande de visa, qui autrefois devaient être envoyés à Bogota pour approbation, sont en partie traités ici à Beijing dorénavant, ce qui permet d'accélérer la procédure. Néanmoins, j'estime que d'autres progrès sont encore possibles.

 

En priorité, nous devons développer en Colombie une offre touristique qui soit attrayante pour le marché chinois. Et à vrai dire, elle existe déjà : nous avons l'intention de poursuivre notre travail avec les pays de l'Alliance du Pacifique (Colombie, Pérou, Chili et Mexique) pour créer et promouvoir une offre touristique conjointe.

 

 

 

La Chine au présent : Quels sont les objectifs que vous voulez atteindre d'ici la fin de votre mandat d'ambassadeur en Chine ?

 

Oscar Rueda : Je suis un nouveau venu dans cette fonction et je suis si heureux d'être à ce poste que je ne souhaite pas parler de l'issue de mon mandat [rires]. Mais, bien évidemment, je me fixe des objectifs. Les relations entre la Colombie et la Chine sont au beau fixe en ce moment et nous devons en profiter pour encourager la croissance.

 

Il nous faut augmenter le commerce, tout en réduisant le grand déficit commercial que nous avons avec la Chine. La Colombie doit exporter davantage de produits vers la Chine, et la Chine doit investir plus en Colombie. Notons toutefois que l'écart est en train de se réduire, mais nous devons encore combler le fossé restant par le biais des investissements et du tourisme. Tel est le défi à relever.

 

 

 

La Chine au présent : Dans un article publié sur le journal El Tiempo en 2005, vous avez rédigé : « La première surprise qui vous attend à votre arrivée à Beijing n'est pas les merveilleuses pagodes ni les toits aux angles recourbés, mais la ville en elle-même : une métropole composée de larges avenues et de hauts immeubles ». La Chine vous a-t-elle à nouveau surpris cette fois-ci ?

 

Oscar Rueda : J'avais oublié cet article que j'avais composé au cours de mon premier voyage en Chine [rires]. Après ce premier séjour, j'ai eu la chance de pouvoir venir ici quasiment tous les ans, et chaque fois, la Chine me réservait des surprises. Le pays ne perd pas cette faculté à fasciner.

 

Au-delà des surprises liées au tourisme, au développement et à l'architecture, cette mission en tant qu'ambassadeur me donne l'opportunité de découvrir la Chine sous un autre angle : du point de vue de sa politique et de son mode de développement unique qu'on appelle « socialisme à la chinoise ».

 

 

 

La Chine au présent : Et qu'est-ce qui vous a le plus étonné à ce niveau-là ?

 

Oscar Rueda : La planification chinoise. J'admire à quel point la planification apporte une réelle valeur ajoutée en Chine. Lorsque vous avez l'opportunité de discuter avec des hauts fonctionnaires chinois, vous vous rendez compte que leurs divers programmes sont réglés sur une direction et un objectif (en finir avec la pauvreté, par exemple). C'est quelque chose qui nous unit. Nous souffrons de problèmes communs et par conséquent, nous avons beaucoup à partager et à apprendre l'un de l'autre.

 

 

La Chine au présent

 

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