CHINAHOY

28-June-2016

Chen Jiashun, le cadre 24/24, 7/7

 

Chen Jiashun apprend aux personnes âgées isolées à se servir d'un téléphone mobile.

 

DANG XIAOFEI, membre de la rédaction

 

Avant de prendre les fonctions du directeur général adjoint du bureau des ressources humaines et de la sécurité sociale de la ville de Qujing dans le Yunnan, Chen Jiashun, a à plusieurs reprises essayé de travailler dans les entreprises à titre de travailleur migrant. Il a travaillé dans des entrepôts, été magasinier, et même éleveur de cochons. Il s'occupait de trouver des emplois pour les paysans travailleurs, eux aussi venus de Qujing, et de résoudre les litiges entre eux et leur employeur.

 

Vivre l'expérience personnellement

 

« Travailleur migrant ce n'est pas une profession, et ce n'est pas non plus une passion », commence par nous confier Chen Jiashun.

 

Au début des années 2000, en raison du chômage dans la région, le district de Zhanyi dépendant de la ville de Qujing a vu dans l'exportation de la main-d'œuvre le pilier de l'économie locale. Directeur adjoint du bureau des ressources humaines et de la sécurité sociale du district d'alors, Chen Jiashun a mené sept groupes de travailleurs dans la région de Guangzhou pour y travailler. Pourtant, 80 % d'entre eux sont retournés dans leur région natale par la suite. Pour bien connaître les conditions de travail et de vie des travailleurs migrants, Chen Jiashun s'est fait engagé dans cinq entreprises différentes.

 

En septembre 2008, il a postulé dans la plus grande société d'élevage porcin de Yiwu, dans le Zhejiang. Il a été affecté au poste le plus dur et le plus sale de la ferme : celui de s'occuper des cochons malades. Tous les jours, il commençait par nettoyer le fumier de cochon, puis enlever les cochons morts.

 

Même avec un masque il avait toujours l'impression d'être intoxiqué par l'odeur des cadavres morts qui l'écœuraient souvent au point d'en vomir et d'en perdre l'appétit. Mais il n'a pas renoncé ni reculé : « Au bout d'un moment, je me suis rendu compte que cette tâche n'était pas très longue ni fatiguante et que le revenu était plutôt stable. Parfait pour des travailleurs migrants âgés, sans qualification, mais désireux d'avoir un revenu stable. » C'est ainsi qu'il a recommandé 14 couples âgés à cette ferme.

 

En cinq ans, il a visité et pris contact avec plus de 680 entreprises pour y envoyer près de 10 000 travailleurs migrants. Le taux de non-retour dans les campagnes est passé à moins de 5 % contre 20 % initialement.

 

Défenseur des intérêts des travailleurs migrants

 

Pendant son séjour à Yiwu auprès des travailleurs migrants, Chen Jiashun les a aidés à résoudre un millier de litiges, et à éviter la perte d'environ deux millions de yuans au total. À l'époque, à Yiwu, « si tu as un problème, va chercher Chen Jiashun » était devenue une expression parmi les travailleurs migrants. « 24h/24, 7jours/7 » était la devise de Chen Jia-shun.

 

Une fois, des villageoises du district de Zhanyi, Feng Shui'e et Ding Donghua, ont démissionné de leurs postes dans une fabrique de confection de Yiwu trois mois après leur embauche. L'usine ne voulait pas payer leur salaire en entier. Chen Jia-shun est alors allé à l'usine et a trouvé le directeur. Mais ce dernier avait fait venir une bande de cerbères pour l'intimider. Chen Jiashun a réussi à les convaincre grâce à des arguments défiant toute contestation : « Ce salaire est la contrepartie de leurs efforts fournis. Elles doivent être payées. » Finalement, l'usine a payé leurs salaires : 3700 yuans tout rond.

 

Hu Jiajiang, un villageois de Niujiezi relevant du canton de Dapo, avait été blessé par mégarde à la main gauche par une machine quand il travaillait dans son poste. Reconnu victime d'un accident du travail, la réparation des dommages ne lui a toujours pas été versée. Informé des tenants et des aboutissants, Chen Jiashun a communiqué à deux reprises avec le responsable de l'entreprise, et a même appelé au téléphone le patron de l'entreprise alors que celui-ci était en mission aux États-Unis. À l'issue de négociations âpres, un accord a pu être trouvé.

 

Après avoir été promu au bureau des ressources humaines et de la sécurité sociale de la ville de Qujing, Chen Jiashun est toujours sur le pont pour défendre les droits des travailleurs migrants. « Notre jurisdiction ne s'étend pas aux autres régions, c'est donc très difficile de collecter des preuves et on rencontre beaucoup d'obstacles quand on veut faire appliquer la loi dans une autre région », avoue Chen Jiashun.

 

Pour résoudre ce problème, sous son impulsion, la ville de Qujing a signé un accord de coopération sur la protection des droits et intérêts légitimes des travailleurs migrants avec les services de six autres localités et y a affecté des agents de collecte d'informations. Après enquête, ces agents font des rapports au département local des ressources humaines et de la sécurité sociale pour coordonner les affaires liées à la défense des droits. Chaque année, à la fin de l'année, ils font une tournée spéciale à cet effet. « Maintenant, avec quelques coups de fil, nous sommes à même de résoudre les problèmes que les travailleurs migrants de Qujing rencontrent », déclare Chen Jiashun.

 

À la chasse aux investisseurs

 

En février 2013, Chen Jiashun est parti à Suzhou pour s'occuper du bureau de liaison du gouvernement de Qujing à Suzhou en qualité de directeur adjoint du sous-bureau de promotion des investissements de Qujing dans la région du delta du Yangtsé. À l'inverse de son ancien poste d'ange gardien des travailleurs migrants, ce travail consistait à trouver des investisseurs pour investir à Qujing.

 

Au cours de son travail à Suzhou, il a visité une soixantaine d'entreprises. Cela lui a permis de voir que le secteur privé rencontrait de nombreuses difficultés. « Aujourd'hui, quand je réfléchis à la solution d'un problème, je m'efforce davantage de trouver un équilibre entre l'entreprise et les travailleurs migrants, pour défendre les intérêts des deux parties », explique-t-il.

 

Son parcours au sous-bureau de promotion des investissements l'a éveillé à l'introduction des capitaux par les services. Il espère que davantage d'habitants de Qujing pourront trouver du travail localement afin de leur permettre de s'occuper de leur famille sans avoir à travailler hors de leur région.

 

Deux entreprises ont accepté d'investir à Qujing : la Nantong Great Electric Co., Ltd (Jiangsu), qui y a créé près de 200 emplois, et une entreprise de Shenzhen spécialisée dans la culture maraîchère et la pisciculture, qui embauche près de 150 femmes, principalement en haute saison.

 

D'après Chen Jiashun, son travail cette année se concentrera surtout sur la lutte contre la pauvreté. « En ce moment, nous sommes en train de mettre en œuvre le plan de transfert de la main-d'œuvre rurale et de soutien aux démunis par l'emploi. Nous projetons de transférer d'ici cinq ans, 600 000 ouvriers en dessous du seuil de la pauvreté », dévoile-t-il.

 

Défenseur des vulnérables

 

Tous les mois, Dong Ya, écolière en 3e année à l'école primaire de Baishapo attend la visite de Chen Jiashun. « "Oncle Chen" vient souvent nous rendre visite à l'école. Souvent il nous amène des fournitures de bureau et des aliments, et aussi des gâteaux de la Lune à l'occasion de la fête de la Mi-Automne ».

 

Les parents de Dong Ya travaillent dans le Zhejiang et ne reviennent la voir qu'une fois par an pour le Nouvel An. Elle et son frère aîné en 6e année sont donc seuls au village. Dong Ya pense souvent à ses parents, et les appelle régulièrement au téléphone ou leur parle en vidéo. « Dans mon école il y a une salle réservée pour appeler nos parents. Les numéros de téléphone des parents migrants sont imprimés sur une feuille affichée au mur. La communication est gratuite. Nous pouvons appeler nos parents à midi ou après la classe le soir, explique la jeune fille. L'école est équipée de deux ordinateurs et nous pouvons aussi parler avec nos parents en vidéo. »

 

Tout cela a été financé par le gouvernement grâce à l'intervention de Chen Jiashun. « Les jeunes vont travailler hors de la région. Il faut bien que des gens s'occupent des enfants et des personnes âgées restés au village », nous explique Chen Jiashun. Dès qu'il a été muté à Qujing, il a proposé d'instituer un mécanisme de suivi des personnes âgées et des enfants restés en zone rurale par le gouvernement. Il a choisi deux sites pilotes les plus représentatifs dans la ville de Qujing.

 

D'ailleurs, Chen Jiashun sollicite aussi l'aide auprès des acteurs sociaux en faveur des enfants restés seuls en zone rurale. Il s'est associé avec L'Amour à la source de la rivière des Perles, une association caritative pour faire des donations en livres et vêtements à l'école primaire de Baishapo. En outre, par le biais de bénévoles, il invite des psychologues pour faire un suivi psychologique des enfants.

 

Nous avons visité le village de Jiaonika avec Chen Jiashun. Celui-ci est rempli de nouvelles maisons fraîchement construites. « Elles coûtent un peu plus de 200 000 yuans. Les jeunes couples qui travaillent à l'extérieur gagnent en général 60 000 yuans par an », explique Chen Jiashun.

 

Bien que la situation financière des familles s'améliore, les personnes âgées restées isolées sont de plus en plus nombreuses. Le village, qui regroupe une vingtaine de familles dénombre neuf familles dans ce cas. L'an dernier, Chen Jiashun a réussi à collecter 800 000 yuans au profit de ces personnes.

 

Les enfants de Pan Chaojin, 69 ans, travaillent tous dans le Zhejiang et ne reviennent au village qu'une fois par an. « Chen Jiashun se préoccupe beaucoup de notre village. Il nous amène des denrées alimentaires, des téléphones mobiles et aussi des auto-cuiseurs. »

 

En 2014, Chen Jiashun a réussi à équiper chaque foyer de personnes âgées isolées d'un téléphone mobile avec 300 yuans de crédit, cela, pour leur faciliter le contact avec leurs enfants. Il a aussi désigné des agents de liaison dans chaque village pour prendre soin de ces personnes âgées.

 

 

La Chine au présent

 

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