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Goûter le marché du vin chinois
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Chaque jour, des Chinois viennent apprendre l'œnologie à La Cava de Laoma. |
RAFAEL VALDEZ, membre de la rédaction
Depuis son arrivée à Beijing en 2011, le Chilien Mariano Larraín a commencé à prendre goût au marché du vin chinois, plein d'opportunités. Il y a trois ans, ce natif de Santiago a ouvert à Beijing la vinothèque La Cava de Laoma, où il enseigne aussi l'art de la dégustation.
Pour Mariano Larraín, conquérir les consommateurs chinois ressemble à une dégustation de vin. Il faut passer par trois phases : observation (de la couleur, qu'on appelle la robe), puis perception olfactive (c'est le nez) et enfin la dégustation à proprement parler. C'est par ces trois actions que l'œnologue évalue la qualité d'un vin. Un peu comme Mariano, 32 ans, qui rêvait depuis longtemps de découvrir ce grand pays asiatique. Sa deuxième phase a été son arrivée en Chine : apprentissage du chinois, immersion culturelle, le sac au dos. Pour lui, ç'a été comme « flairer » et se demander quoi faire et comment faire en Chine. Il se trouve aujourd'hui dans sa troisième phase. Le jeune homme dont le grand-père a commencé d'exploiter un vignoble dans la vallée de Colchagua voici 100 ans déguste maintenant le marché chinois du vin.
Observer de loin
Pour goûter, il faut d'abord enlever le bouchon, en flairer le liège, avant de verser un peu de vin dans un verre. On préférera prendre le verre par le pied, de manière à éviter d'échauffer le vin. Incliner le verre à 45 degrés, l'examiner sur un fond blanc, comme par exemple une feuille de papier. Observer la couleur pour évaluer l'âge du vin. En règle générale, une couleur vive et brillante, rouge cerise, suggère un vin jeune ; en vieillissant, il va progressivement virer au grenat ou au rouge sombre.
La densité du vin indique à quel point il est concentré et sa teneur d'alcool élevée. En agitant légèrement le verre, on peut voir des jambages liquides couler sur la paroi. Un écoulement plus lent signifie une densité plus grande et une teneur en alcool plus élevée.
Goûter le vin, c'est un rituel, et Mariano vit ce rite à sa manière sur le marché du vin chinois. S'il est ici, c'est par un effet de la crise des subprimes aux États-Unis qui a débordé sur les pays européens. « J'ai d'abord étudié l'histoire, puis j'ai travaillé dans un fonds d'investissement à Santiago du Chili, avant de venir en Chine. Tout le monde surnommait la Chine la ''bouée de sauvetage'' parce que les autres pays voyaient leur économie s'effondrer. C'est alors que j'ai décidé de venir visiter le pays. Je voulais y rester au moins deux ans, sans disposer encore d'un plan précis. »
De ce point de vue éloigné, il a commencé à étudier le modèle économique chinois et le secret de son développement économique fulgurant. On croirait le voir examiner en détail un verre de vin lorsqu'il analyse les opportunités que peut lui offrir la Chine. C'était le bon moment pour le secteur du vin en Chine, les services publics achetaient du vin en grandes quantités pour les banquets.
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Mariano Larraín. |
L'odeur du marché
La deuxième phase, il l'a lancée en février 2011. Au cours d'une dégustation de vin, il convient de plonger son nez dans le verre pour déterminer la qualité du vin, premièrement et avant tout pour déterminer le parfum du raisin. Puis il convient d'agiter doucement le verre pour oxygéner le vin et faire ressortir ses arômes.
Il a lui aussi « tendu son nez » à Beijing, en étudiant le chinois au début à l'université Tsinghua qui est parmi les plus prestigieuses du pays. Après cinq mois d'études, il s'est aperçu que son chinois restait très embryonnaire, et que cela découlait du fait que tous ses amis étudiants étaient des étrangers ne parlant pas chinois. Il a alors décidé de quitter l'université pour intégrer un institut de recherche où il aurait un tuteur chinois et 8 heures de cours par jour.
Il n'a pas tout de suite eu le coup de foudre pour Beijing. « Les différences culturelles et les difficultés linguistiques vous ennuient et vous avez besoin de vous arrêter un peu pour souffler. » Chaque week-end, il visitait un lieu différent, ce qui a fait progressivement évoluer sa vision du pays.
Découvrant Shanghai, il s'est dit que Beijing était finalement très intéressante. « Beijing est exceptionnel, la ville est pleine de caractère. Cependant d'un point de vue commercial, j'hésitais à rester ici, tant Beijing reste en arrière sur Shanghai pour l'économie. Certes, la ville richement dotée en traditions chinoises, mais les produits que je vends n'ont aucun rapport avec cette culture. J'ai compris qu'il serait difficile de développer mon affaire à Beijing. Shanghai est différent, les jeunes y ont un mode de vie exubérant. Les gens sont plus économes à Beijing. »
Malgré tous les avantages que propose Shanghai, il a fini par céder aux charmes de la capitale. En 2013, c'est ici qu'il a finalement ouvert sa vinothèque La cava de Laoma, à Sanlitun, un quartier animé de Beijing.
Goûter
La troisième étape consiste à goûter. Quand le vin parvient dans la bouche, on a une première perception qui s'appelle le « choc ». La langue perçoit, par ses papilles disposées tout autour, quatre goûts de base : salé, sucré, acide, amer. Un bon vin est un vin qui réalise un équilibre parfait entre ces quatre goûts.
On parle ensuite du toucher de la langue, qui doit ressembler à une caresse sur la soie, un effleurement de velours ou de satin. Un liquide lisse et souple est la marque d'un vin de qualité.
On analyse ensuite le goût par les fosses nasales. Tout en buvant, il s'agit d'expirer par le nez. Un arôme qui reste inchangé pendant un moment, c'est un vin « qui a du nez ».
Les affaires de Mariano ont eu quelque peine à décoller les trois premières années, qui ont été en dents de scie.
Il explique que la campagne de lutte contre la corruption menée le gouvernement chinois a entraîné une forte baisse des achats de vin dans le secteur public. Bien qu'un nombre de jeunes employés de plus en plus important se soit mis à apprécier le vin à la maison ou au restaurant, Mariano a vu baisser sensiblement ses commandes. Même si cette situation paraît peu favorable, il reste optimiste sur l'avenir du vin en Chine. « Le développement économique de la Chine reste positif sur le long terme, notamment grâce à l'émergence de la classe moyenne qui a les moyens et l'envie de consommer. De nombreux entrepreneurs se focalisent sur les super-riches. Je pense de mon côté qu'il s'agit de consommateurs très difficilement approchables. Pour moi, il est essentiel de cibler les jeunes désireux d'améliorer leur niveau de vie. »
Parlant des préférences des Chinois, Mariano affirme : « Dans les rouges, le Pinot Noir gagne en popularité pour son goût fruité. Le Cabernet Sauvignon reste la valeur sûre. Les Chinois apprécient aussi les vins blancs doux, car ils s'accordent bien avec la cuisine chinoise et en particulier les mets épicés. »
L'arrière-goût du vin est très important, et une fois de plus on peut filer la métaphore avec le monde des affaires. À la fin du processus de dégustation, il faut savoir décrire le goût perçu, qui peut être âcre, acide, incertain, ou même désagréable. La durée de cet arrière-goût permet de dire si l'on a affaire à un vin court en bouche (moins de deux secondes), moyen ou long, voire très long (de 9 à 12 secondes).
C'est cette étape que Mariano compare à ses affaires, dont il ne connaît pas encore la conclusion. « La Chine est immense, mais le marché n'y est pas homogène. Ce qui échoue à Qingdao peut réussir à Jinan (deux villes de la même province). Quel autre pays au monde compte tant de personnes qui parlent la même langue, un système de logistique qui fonctionne bien et des prix raisonnables ? » conclut-t-il.
La Chine au présent
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