CHINAHOY

28-February-2014

Yu Hong : Montrer le temps qui passe dans ses peintures

 

Yu Hong.

 

JON BURRIS*

La carrière de Yu Hong en tant qu'artiste est remarquable à plus d'un titre, étant partie prenante du développement du mouvement de l'art contemporain dans la Chine de l'après Révolution culturelle. Née en 1966, elle fait partie de ceux qui seront connus plus tard comme la nouvelle génération d'artistes qui étudièrent à l'Académie centrale des beaux-Arts de Chine en 1984. Elle fut donc témoin du mouvement de la Nouvelle Vague en 1985 et de la controversée « Exposition de l'Avant-Garde chinoise » de 1989. Au début des années 90, son mari, le peintre Liu Xiaodong, et elle étaient camarades de classes, et amis avec des réalisateurs de film de la sixième génération comme Wang Xiaoshuai qui les a filmés dans son documentaire Vie d'hiver et de printemps qui montre les difficultés de deux étudiants en art. Immédiatement après avoir été diplômée, en 1995, les créations de Hong ont été largement exposées et elle a rapidement été identifiée comme une des peintres du mouvement Nouveau Réalisme alors que d'autres artistes de sa génération en étaient encore à expérimenter dans les genres réalisme cynique et pop art politique. Peut-être plus important encore, elle est devenue professeure à l'Académie centrale des beaux-arts et ses caractéristiques et son talent ont été représentatifs d'une nouvelle génération de professeurs qui ont fait évoluer l'orientation portée depuis de longues années sur l'idéologie réaliste socialiste vers une peinture plus détendue laissant place à une grande interprétation personnelle.

Dans les œuvres de Yu Hong, on peut voir une lente mais certaine maturation de son travail que les autres artistes de son âge ne semblent pas avoir eue. Essayant d'avoir une idée sur la place qu'elle pense avoir sur la scène de l'art contemporain chinois, je lui ai récemment demandé comment elle jugeait l'évolution de ses travaux depuis notre première rencontre à l'Académie centrale des beaux-arts en 1995. « Au début, le thème de mes peintures était la découverte de moi-même. Mon style n'a pas évolué tant que ça au cours des 15 dernières années mais l'histoire a changée. Je suis maintenant plus intéressée par la vie des gens autour de moi. Mon art a été une réponse à tout ce dont j'ai fait l'expérience jour après jour, et mon jugement sur ce qui est important a changé en vieillissant. J'immortalise ma vie au fur et à mesure de son déroulement et cela inclut ma famille et mes amis. » L'art de Yu Hong traite de la simplicité et de l'honnêteté de la vie quotidienne. Néanmoins, ses peintures ne sont pas des stéréotypes. Le développement de son esthétisme a été une catharsis. Ses premières peintures avaient comme sujet sa vie, elles représentaient son mariage, sa grossesse, et sa fille qui est née en 1994. Depuis cette époque, elle peint un autoportrait et un portrait de sa fille tous les ans pour montrer le temps qui passe.

 

Ladder to the sky, œuvre réalisée en 2008.

 

Entre 1999 et 2008, elle a créé une série très forte de 50 « peintures liées » qui montrait le contraste entre sa propre enfance et adolescence et celle de sa fille, complétée par des images et des photographies d'époque pour construire un récit narratif de l'époque à laquelle elle a vécu. En 2008, Hong a commencé à travailler sur deux séries monumentales de toiles se référant à l'art traditionnel chinois ainsi qu'à des travaux religieux classiques. Pour Ladder to the Sky, réalisée en 2008, elle s'est inspirée de Ladder of Divine Ascent, une icône du XIIe siècle du monastère Sainte Catherine, sur le Mont Sinaï, (en Egypte) représentant des moines accédant au Paradis. Pour Romance of Spring, réalisée en 2008, son modèle a été le tableau de la dynastie des Tang The Court Ladies Preparing Newly Woven Silk. Ces deux tableaux ont été revisités en représentant des amis à la place des figures historiques d'origine. À propos de ces travaux-là, Hong dit « dans ces peintures, je combine le traditionnel et le moderne de manière stylistique. Ma façon de voir les choses est asiatique mais la condition humaine est universelle, donc mes thèmes sont universels. C'est naturel de comprendre cela avec le temps. » Je pense que Hong est en train de créer un Nouveau Classicisme avec ses travaux. Le temps nous le dira.

*JON BURRIS, photographe et auteur de renom, a écrit sept livres à propos de la photographie et de l'art contemporain. Ses propres photographies font partie de collections privées et institutionnelles dans le monde entier.

 

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