CHINAHOY

2-September-2016

Cette catastrophe qui n’en finit pas d’arriver...

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

À en croire les gros titres, depuis le début de la « nouvelle normalité », on assisterait à l'effondrement de l'économie chinoise ! On le prédit, on l'anticipe, on en décrit les inéluctables raisons et les immanquables conséquences... « La transition économique chinoise risque de déstabiliser l'économie mondiale », affirme Le Point qui pointe le « risque d'un ajustement désordonné ». Une catastrophe qui n'en finit pas d'arriver !

Boursorama nous assène « Cinq scénarios envisageables pour l'économie chinoise », le plus probable étant un ralentissement de l'économie et une dévaluation du yuan, voire une crise financière généralisée... Capital voit un Net coup de frein sur l'économie chinoise et suggère que « le géant chinois s'essouffle ». Selon Le Figaro, « l'économie chinoise inquiète le FMI » et pour L'Observateur de l'OCDE, « Le chemin est encore long » pour l'économie chinoise qui « a encore beaucoup à faire pour assurer une croissance rapide » et à construire un système « de plus en plus apparenté à une économie de marché ». Le titre d'Easybourse nous laisse entrevoir Un atterrissage brutal en 2018 ? en raison d'une « détérioration du marché du travail qui se fera ressentir sur la consommation », tandis qu'un autre article intitulé Le vrai scénario cataclysmique pour l'économie chinoise souligne ces « déséquilibres nombreux qui ne cessent de se creuser ». Le Point affirme en titre que La Chine refuse le rôle de sauveur de l'économie mondiale », alors que l'article cite en réalité Li Keqiang rappelant que « la Chine ne pourra pas à elle seule entraîner l'économie mondiale ».

La palme d'or de toutes catégories du catastrophisme revient à un certain David Stockman qui affirme sans rire dans un article intitulé Chine : l'effondrement d'une économie Potemkine publié par La chronique Agora : « le Ponzi chinois est en train de tout détruire », « La Chine n'est qu'une monumentale usine à fiasco », « une économie morte-vivante ». N'en jetez plus !

Le problème de ces gros titres, c'est la réalité ! Tous cherchent à présenter sous un aspect catastrophique le chiffre de 6,9 % de croissance qui objectivement reste extrêmement élevé. « Parmi les autres chiffres publiés, la production industrielle a augmenté de 6 % sur un an en juillet, contre +6,2 % en juin ; le ralentissement de la croissance des ventes au détail a également été plus prononcé que prévu en juillet, avec une hausse de 10,2 %, contre 10,6 % en juin », rapporte Capital, avec tous les qualificatifs d'usage pour décrire une grosse contre-performance. Des chiffres trop flatteurs que l'on ne peut que mettre en doute, même s'ils sont acceptés par le FMI et la Banque mondiale : Le Parisien titre Doutes grandissants sur la fiabilité des chiffres officiels et parle de « chiffres du PIB fabriqués artisanalement ». Concluons ce tour d'horizon sur RFI qui cite avec délectation Les handicaps majeurs de l'économie chinoise en pointant les mêmes vieilles lunes, corruption, contestation, baisse de la croissance, chômage etc. Et, bien sûr, la croissance de 6,9 % « la plus basse depuis un quart de siècle ».

Il est drôle de comparer ces titres avec ceux, dithyrambiques, qui dans Le Monde saluent la performance économique de l'Allemagne : « Les économistes tablaient sur 0,2 %. Finalement, l'économie allemande a crû de 0,4 % au deuxième trimestre. C'est mieux que le chiffre enregistré dans la zone euro (0,3 %) ou en France (0 %) sur la même période : du jamais-vu depuis cinq ans. Berlin confirme, une fois de plus, son rôle moteur pour la croissance européenne. »

La réalité, bien sûr, c'est que l'insolent dynamisme de l'économie chinoise continue de défier l'orthodoxie occidentale. Sa croissance en 2015 est restée très supérieure à celle que l'on constatait dans les pays occidentaux (1,9 % pour la zone Euro et 2,4 % aux États-Unis, 0,5 % au Japon). Parmi les BRICS, elle reste seule avec l'Inde à afficher un fort taux de croissance, tandis que celui de l'Afrique du Sud tombe à 1,3 % et que la Russie et le Brésil connaissent une forte récession avec -3,7 %.

Ne dépassent « le taux de croissance le plus faible depuis 25 ans » chinois que l'Inde (mais avec un PIB par habitant deux fois et demie inférieur) et toute une série de pays africains qui semblent enfin amorcer leur décollage industriel (éthiopie 9,6 %, 8,9 % pour la Côte d'Ivoire, 7,6 % au Mali). Soit dit en passant, c'est en partie grâce au transfert de capacités de production chinoises orchestré dans le cadre de la « nouvelle normalité ».

Ce qu'il faut donc constater en réalité, c'est l'étonnante stabilité de la machine économique chinoise, qui amorce son atterrissage en douceur, avec une croissance moindre et de meilleure qualité. Une économie qui continue de croître fortement, même si elle dit adieu aux taux de 10 % annuels qu'elle a connus ces dernières décennies, contribuant toujours plus à la croissance de l'économie mondiale, en particulier dans les zones Asie et Afrique qui connaissent un fort rattrapage économique.

Les prévisions du FMI pour 2016 suggèrent environ 2,1 % de croissance dans les pays développés pris dans leur ensemble, mais seulement 1,7 % pour la zone Euro, contre 6,3 % pour la Chine. En langage de la presse libre, il faudra donc titrer « son plus bas taux de croissance depuis vingt-six ans ».

 

 

La Chine au présent

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