CHINAHOY

2-September-2016

Les JO, au-delà des médailles d’or

 

Le 5 août 2016, la flamme olympique lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Rio de Janeiro.

 

ZHENG RUOLIN*

Les Jeux olympiques de Rio me rappellent Souvenirs, souvenirs, la célèbre chanson de Johnny Hallyday :

« Souvenir, souvenirs

Je vous retrouve dans mon cœur

Et vous faites refleurir

Tous mes rêves de bonheur ».

Johnny Hallyday parle d'amour, et de mon côté, je me souviens des JO de Beijing en 2008, un événement inoubliable pour de nombreux Chinois. La Chine était à l'époque le premier pays en voie de développement à organiser les JO. Tous les JO précédents ou presque avaient eu lieu dans les pays développés. Le pays hôte doit en effet être équipé des infrastructures nécessaires pour organiser une manifestation sportive de cette ampleur. Aujourd'hui, un autre membre des BRICS, le Brésil, a organisé à son tour les JO. Cela fait des JO une compétition sportive véritablement internationale. Quel progrès !

Pendant les JO de Beijing, la tendance à politiser les Jeux est restée forte. À ce moment-là, toutes sortes de voix contre les JO de Beijing ont été émises dans les pays développés, en particulier en France. Le relais de la Flamme olympique à Paris a été perturbé par une manifestation anti-chinoise organisée par Robert Ménard, fondateur de l'organisation Reporters sans frontières et aujourd'hui homme politique d'extrême-droite. Pire encore, la porteuse de la flamme, l'athlète paralympique Jin Jing, a été victime d'une agression, ce qui a suscité de vives réactions dans le monde, notamment en Chine. Ménard, à lui seul, a presque ruiné l'amitié particulière qui unissait la Chine et la France depuis plus d'un demi-siècle, établie par le général de Gaulle. Même à notre époque, de nombreux jeunes Chinois ont du mal à pardonner. Pourquoi une rencontre sportive grandiose telle que les JO s'est-elle trouvée ainsi politisée ? Cela a montré qu'alors que les Chinois s'attendaient à réaliser leur slogan « Un monde, un rêve », d'autres continuaient à faire une distinction claire entre « eux » et « nous » pour des raisons idéologiques.

Cette fois, de grands changements ont eu lieu pour les JO de Rio. Les médias occidentaux se sont montrés beaucoup plus amicaux envers Rio qu'envers Beijing, en dépit de certaines critiques, notamment sur l'aménagement insatisfaisant du Village olympique des athlètes, des terrains de sport, ou encore de l'insécurité, après que l'athlète chinois Shi Dongpeng, coureur du 110 m haies, s'est fait voler l'ensemble de ses affaires en arrivant à Rio. Bien sûr, le phénomène de politisation des JO n'a pas tout à fait disparu, sinon, comment pourrions-nous expliquer ce qui est arrivé aux athlètes russes ? Punir toute l'équipe russe pour les erreurs de certains athlètes fait ressentir en tout temps l'existence de facteurs politiques.

Bien que les JO se déroulent cette année en Amérique latine, l'influence chinoise est visible. De nombreux projets à Rio ont été construits grâce à la participation de la Chine. Le plus célèbre d'entre eux est le « métro olympique » produit par la Chine. Le stade principal, où s'est tenue la cérémonie d'ouverture, est équipé d'un système de climatisation de la marque chinoise GREE. Les entreprises chinoises Nuctech Company Limited et Dahua Technology ont alimenté plus de 200 équipements de contrôles de sécurité sur les différents sites de compétition, tandis que Sany, XCMG et Zoomlion ont fourni des équipements mécaniques pour la construction du Village olympique. En fait, 80 % des machines de levage et de manutention utilisées au Brésil sont fabriquées en Chine. Les deux mascottes Vinicius et Tom, les insignes commémoratifs, les vêtements et les appareils des arbitres le sont aussi.

La devise olympique « Plus rapide, plus haut, plus fort » illustre l'esprit de compétition entre nations en temps de paix. La puissance globale et l'esprit national d'un pays se manifestent souvent lors des JO. La Chine a obtenu 51 médailles d'or, arrivant en tête du classement lors des JO de Beijing en 2008, grâce à ses avantages géographiques et humains. En 2012, les athlètes chinois ont ramené 38 médailles d'or, juste derrière les États-Unis. Cette année, ils ont remporté 26 médailles d'or, et se sont classés à la 3e place. J'attache peut-être une trop grande importance aux médailles d'or, parce qu'aux JO, c'est la participation qui compte. Cependant, si l'on ne vise pas les médailles d'or, mieux vaut aller faire du camping !

Lors des JO de Beijing, certains ont émis des doutes sur le grand nombre de médailles d'or remportées par les athlètes chinois, en raison du financement public du développement du sport. Dans leur esprit, comme c'est le gouvernement qui finance le secteur pour former spécialement les athlètes, le nombre de médailles d'or de la Chine ne correspond pas au développement des sports dans la population. De toute évidence, ils manquent de connaissances fondamentales sur la Chine, où pratiquer toutes sortes d'exercices physiques, comme le jogging, la marche, le taï chi, la natation, l'alpinisme et des jeux de ballon, constitue le moyen principal de garder la santé pour les Chinois. Une particularité des villes chinoises est que tous les quartiers résidentiels sont équipés d'installations sportives grâce au financement du gouvernement, et l'accès y est gratuit pour tous. Ces équipements étaient présents partout avant même les JO de Beijing en 2008. En France, à l'occasion de la réparation de l'avenue George Bernard Shaw en 2010, où j'ai vécu une dizaine d'années, quelques équipements sportifs ont été installés à la disposition des habitants dans les jardins du quartier. Cela était sans doute inspiré de la Chine.

Il y a trois ans, je me suis installé en Chine et j'ai constaté de mes propres yeux le développement des sports dans tous les milieux de la société. Je cite mon fils en exemple : il a pris l'habitude de faire de la course et de nager tout au long de l'année, en plus de faire de la musculation. Récemment, il a commencé à apprendre la boxe. Il n'est pas un cas isolé. Presque tous les citadins chinois pratiquent plusieurs exercices physiques. C'est sur cette base de sport pour tous que le niveau de compétition s'est considérablement amélioré en Chine.

Certes, on ne peut pas nier que le mode de développement du sport aux frais de l'État ait un effet positif sur la réussite de la Chine au tableau des médailles d'or. Lors des JO de Beijing, Jacques Attali a publié un article sur son blog, publié sur L'Express en comparant la situation sportive et les perspectives de développement de la Chine avec celles de l'Inde. Selon lui, pour que le sport se développe dans un pays, il faut que deux conditions soient réunies. D'une part, le sport doit constituer, pour les jeunes de la classe moyenne, une voie d'accès à l'université ou au moins à l'argent ou à la gloire. D'autre part, il faut qu'existe une organisation administrative exceptionnelle, depuis le recrutement jusqu'à l'entraînement. Les États-Unis remplissent la première condition. La France la seconde. La Chine remplit les deux, ce qui explique son grand succès aux JO.

Selon lui, depuis 1900, à part huit médailles d'or en hockey, l'Inde n'a brillé dans aucun sport olympique, que ce soit l'athlétisme ou le football. Elle n'a remporté qu'une médaille de bronze aux JO d'Athènes. Pendant les JO de 2008, l'Inde a envoyé à Beijing 42 entraîneurs pour 56 athlètes et a remporté, au concours de tir de carabine à 10 mètres, sa première médaille d'or individuelle depuis le début des JO il y a un siècle, recevant à son retour le vainqueur comme un héros national. Cela fut incroyable pour l'Inde, un grand pays d'Asie.

Pourtant, l'Inde devrait être depuis longtemps une grande nation sportive avec plus d'un milliard d'habitants et un colonisateur ayant inventé l'essentiel des sports aujourd'hui pratiqués sur toute la planète. Les succès de toutes les autres anciennes colonies britanniques, de la Jamaïque à l'Australie, confirment que rien n'empêche, en principe, l'Inde de briller en sport. Selon Jacques Attali, l'Inde ne remplit aucune condition susmentionnée, ce qui explique en grande partie son échec.

Cela revêt à ses yeux une signification historique profonde. Le succès dans d'autres secteurs d'un pays peut être rapproché au milieu sportif. Les deux conditions susmentionnées s'imposent également. L'effort d'un individu apporte un voeu de succès, auquel s'ajoutent l'appui et le financement du gouvernement, ce qui permet de promouvoir le développement national. Beaucoup de pays ne remplissent qu'une des deux conditions. Cependant, la Chine remplit les deux conditions depuis plus d'une trentaine d'années. En ce sens, le succès économique chinois est le fruit d'une combinaison de ces deux moteurs. En comparant la Chine et l'Inde pendant les JO de Beijing, Attali a conclu que les perspectives de développement de l'Inde, faute des deux conditions, ne plaident pas forcément en faveur d'une vision optimiste. « Alors que tout laisse à penser que l'Inde est pleine de promesses, que la croissance économique y est plus forte que jamais, que les entreprises de haute technologie commencent à rivaliser avec les meilleures du monde… Ces deux faiblesses vont rendre très difficile la tenue des promesses que tant de gens mettent en elle », avait-il déclaré. En Inde, le système des castes empêche la découverte et la promotion de talents, et la bureaucratie démocratique fait fonctionner lentement les organes administratifs. Tout cela constitue des obstacles au développement rapide de l'Inde.

De mon côté, je ne suis pas si pessimiste à l'égard de l'Inde. Les JO de Rio sont l'occasion pour ce membre des BRICS de prouver au monde que l'Inde aura aussi un jour son heure de gloire.

Après avoir admiré les JO de Rio, je ne peux m'empêcher de penser aux JO d'hiver de 2022. La Chine organisera pour la première fois les JO d'hiver. Des JO d'été de 2008 aux JO d'hiver de 2022, elle poursuivra son objectif « Un monde, un rêve ». J'espère que le monde de 2022 sera meilleur que celui d'aujourd'hui !

 

*ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai et l'auteur du livre Les Chinois sont des hommes comme les autres aux éditions Denoel.

 

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