CHINAHOY

3-November-2014

La zone de libre-échange Chine-Corée du Sud, un point de départ de celle en Asie-Pacifique

 

Le 15 août 2014, la zone économique et commerciale Chine-Corée du Sud est officiellement établie dans la nouvelle zone de Huangdao à Qingdao. Le porte-conteneurs sud-coréen Jakarta amarré au port de Qingdao. (CNSPHOTO)

 

YU YINGLI*

Lors de la visite du président chinois en Corée du Sud en juillet dernier, les deux pays ont exprimé le vœux sincère d'achever les négociations sur la zone de libre-échange sino-sud-coréenne avant la fin de l'année. Analyse de ce projet.

Depuis l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Corée du Sud il y a un peu plus de 20 ans, les échanges commerciaux bilatéraux ont enregistré une moyenne annuelle de croissance de 23 %. En 2012, le volume du commerce bilatéral s'est élevé à 256,3 milliards de dollars, un record historique.

Actuellement, la Chine est le premier partenaire commercial et marché d'exportation de la Corée du Sud, cette dernière étant le troisième partenaire de la Chine. Dans ce contexte, l'établissement de la zone de libre-échange sino-sud-coréenne va permettre de promouvoir davantage le commerce extérieur entre les deux parties. On estime que les exportations de la Corée du Sud vers la Chine enregistront désormais une augmentation annuelle de 27,76 millards de dollars et que le montant du commerce bilatéral atteindra 300 milliards de dollars en 2015. Ce qui consolidera encore l'assise des relations politiques et économiques entre les deux pays.

Une idée de longue date

Depuis quelques années, la Chine et la Corée du Sud ont envisagé d'établir une zone de libre-échange, qui est une étape importante de l'intégration économique de l'Asie de l'Est.

En 2005, le premier ministre chinois d'alors Wen Jiabao avait rencontré le premier ministre sud-coréen Lee Hai-chan, et indiqué qu'il fallait entamer les négociations sur la zone de libre-échange sino-sud-coréenne le plus tôt possible.

En mai 2008, lors de la visite du président sud- coréen Lee Myung-bak en Chine, les deux pays avaient annoncé l'établissement d'un partenariat stratégique. En octobre 2009, la Chine et la Corée du Sud avaient signé le Rapport du plan de développement à long et moyen terme sur la coopération économique et commerciale sino-sud-coréenne, et proposé de promouvoir l'établissement de la zone de libre-échange bilatérale et de discuter de la signature de l'accord de libre-échange selon le principe du bénéfice réciproque.

En 2010, le président Hu Jintao avait rencontré son homologue sud-coréen Lee Myung-bak lors du quatrième sommet du G20 tenu à Toronto. Les deux parties avaient encore une fois proposé d'entreprendre le plus rapidement possible les négociations sur l'établissement de la zone de libre-échange afin de faciliter la coopération bilatérale économique et commerciale.

Enfin, en mai 2012, à l'occasion du 20e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, la Chine et la Corée du Sud avaient déclaré à Beijing que les négociations sur la zone de libre-échange avaient été amorcées officiellement et souhaité qu'elle eussent pu être achevées dans un délai de deux ans. Après douze cycles d'âpres négociations, l'accord de libre-échange sino-sud-coréen va finalement voir le jour.

Mieux équilibrer le commerce bilatéral

Cet accord de libre-échange contribuera à mieux équilibrer le commerce bilatéral. Dans le commerce avec la Corée du Sud, la Chine a toujours enregistré un déficit très élevé, représentant même 30 % du volume total du commerce bilatéral. Selon des statistiques des douanes sud-coréennes, en 2013, l'excédent commercial sud-coréen vis-à-vis de la Chine atteignait 62,82 millards de dollars. Cela est lié aux structures d'investissement de la Corée du Sud et aux mesures protectionnistes prises par celle-ci dans certains secteurs. Ainsi, sur la base du principe de « l'équilibre des intérêts dans la plupart des industries », l'accord de libre-échange sino-sud-coréen permettra de rationaliser et de rééquilibrer le commerce bilatéral.

Un contenu au caractère pionnier

Le contenu de l'accord de libre-échange est très vaste. Il concerne non seulement le commerce de marchandises, mais couvre aussi des secteurs comme le commerce de services, les droits de propriété intellectuelle, la finance et l'investissement. C'est la première fois que la Chine mène des négociations strictes pour établir une zone de libre-échange de haut niveau. La Chine espère aussi, par ces négociations standardisées, établir sa propre stratégie de libre-échange et mettre en place un réseau planétaire de libre-échange de haut niveau.

Dans cet accord de libre-échange, les deux parties ont pleinement pris en considération les secteurs bilatéraux stratégiques, dont l'agriculture de la Corée du Sud, l'électronique et la mécanique de la Chine, etc. Cela a aidé à accumuler des expériences utiles et les futures négociations sur la zone de libre-échange pourront en tirer profit.

D'ailleurs, la création de la zone de libre-échange Chine-Corée du Sud aide à élargir la carte des « territoires économiques » de la Corée du Sud. Cette dernière a déjà créé un « super-axe » des zones de libre-échange. À travers les zones de libre-échange avec des entités économiques comme les États-Unis, l'UE, l'ASEAN et l'Inde, la part du PIB de la Corée du Sud et de ceux de ses partenaires de libre-échange, à savoir le PIB total de ses « territoires économiques », représente déjà 60 % du PIB global. Par l'accord de libre-échange signé avec la Chine, la part du PIB total des « territoires économiques » de la Corée du Sud s'élèvera à 70 % du PIB mondial.

Un enjeu politique

La planification et les négociations des deux zones de libre-échange Chine-Corée du Sud et Chine-Japon-Corée du Sud sont toujours accompagnées d'un jeu de concurrence et de coopération, et représentent finalement un jeu de forces économiques et politiques entre les trois pays.

L'idée de la zone de libre-échange Chine-Japon-Corée du Sud a été avancée plus tôt que celle de la zone de libre-échange Chine-Corée du Sud. C'est lors du sommet Chine-Japon-Corée du Sud tenu en 2002 que la zone de libre-échange tripartite a été proposée. Au cours des recherches préliminaires, les éventuels intérêts apportés par cette zone de libre-échange trilatérale ont été étudiés à plusieurs reprises par les établissements de recherche de trois pays.

Selon des études menées en 2003 par un groupe de recherche des trois pays auprès des sociétés introduites en Bourse et d'autres entreprises, 85,4 % des entreprises chinoises, 78,7 % des entreprises japonaises et 70,9 % des entreprises sud-coréennes manifestent une attitude positive à propos de l'établissement d'une zone de libre-échange entre les trois pays. D'après le Rapport sur la Coopération Chine-Japon-Corée du Sud (1999-2012) publié par le ministère chinois des Affaires étrangères, ces trois pays représentent un marché de 1,5 milliard de personnes, et le volume du commerce extérieur des trois pays atteignait 690 milliards de dollars en 2011.

La Chine est le plus important partenaire du Japon et de la Corée du Sud depuis longtemps. Le PIB de ces trois pays représente 75 % du total de l'Asie de l'Est, 19,6 % de celui de la planète, et occupe le troisième rang mondial après l'UE et les États-Unis. Selon les analyses du Mitsubishi Research Institute, après l'établissement de la zone de libre-échange entre les trois pays, le PIB chinois, japonais et sud-coréen devrait augmenter respectivement de 1,63 %, 0,23 % et 1,84 %.

Lors du 5e sommet Chine-Japon-Corée du Sud tenu en mai 2012, les dirigeants de trois pays avaient convenu d'entamer les négociations de la zone de libre-échange et signé l'accord de la promotion, de la facilitation et de la protection des investissements Chine-Japon-Corée du Sud. Lors du sommet de l'ASEAN en novembre de la même année, ils avaient également officiellement déclaré entreprendre les négociations de la zone de libre-échange. Selon les idées initiales du Japon, le Japon et la Corée du Sud devaient procéder aux premières négociations de libre-échange, puis la Chine se serait intégrée en temps opportun. Mais la zone de libre-échange Chine-Corée du Sud a pris le devant, et le Japon a perdu peu à peu son initiative dans les négociations de la zone de libre-échange tripartite.

Du sable dans les engrenages

Ce revirement de situation s'explique par plusieurs raisons. La première est que la Chine et le Japon se disputent toujours la domination de l'intégration économique de l'Asie de l'Est. Les deux parties considèrent les négociations de la zone de libre-échange comme une poursuite de la confrontation politique régionale.

En 1998, lors de la crise financière asiatique qui a fait débuter l'intégration économique régionale en Asie de l'Est, la Chine, par son comportement, a gagné l'éloge des pays de l'Asie de l'Est. Pendant la première décennie du XXIe siècle, la stagnation du Japon et l'essor de la Chine ont marqué l'économie de l'Asie de l'Est. Le Japon se sent menacé.

Après la signature de l'accord de libre-échange entre la Chine et l'ASEAN, le Japon a également accéléré le processus de la signature de son accord de libre-échange avec les pays de l'Asie de l'Est. Face à la promotion de la zone de libre-échange Chine-Japon-Corée du Sud, le Japon fait preuve d'une hésitation irrationnelle dans la crainte de perdre la prépondérance dans ce processus.

La seconde est que les négociations de la zone de libre-échange sont menées par les gouvernements. Comme les relations entre la Chine et le Japon se dégradent à cause du conflit sur les îles Diaoyu et les problèmes historiques, les négociations de la zone de libre-échange ne se font pas dans un climat favorable.

La raison suivante est que les États-Unis, en lançant le Partenariat transpacifique (l'accord du partenariat transpacifique) dans le contexte de leur stratégie de retour en Asie-Pacifique, désolidarisent les négociations de l'établissement de la zone de libre-échange Chine-Japon-Corée du Sud.

En juillet 2013, le Japon rejoignait officiellement les négociations du Partenariat transpacifique, devenant un facteur clé économique pour contenir la Chine. Dans ce cas-là, le Japon ne peut plus promouvoir activement les négociations de la zone de libre-échange Chine-Japon-Corée du Sud.

Enfin, le déséquilibre de sa balance commerciale oblige le Japon à se révéler plus prudent en ce qui concerne l'établissement de la zone de libre-échange entre les trois pays. En 2011, le commerce extérieur japonais enregistrait pour la première fois depuis 31 ans un déficit. Dans le commerce sino-japonais, le déficit du Japon par rapport à la Chine était de 21,7 milliards de dollars. Élément qui aggrave l'inquiétude du Japon vis-à-vis de l'ouverture élargie de son marché à la Chine.

Selon des estimations, si la zone de libre-échange Chine-Corée du Sud est créée, la part des exportations japonaises évaluée à 5,3 milliards de dollars sera reprise par la Corée du Sud. Cela sera peut-être un moteur pour pousser le Japon à retourner sur la table des négociations. Sur le long terme, l'établissement de la zone de libre-échange Chine-Corée du Sud contribuera à accélérer les négociations sur la zone de libre-échange Chine-Japon-Corée du Sud. Mais l'ambiance politique entre la Chine et le Japon ne connaîtra pas d'éclaircie à court terme et le Japon est envieux de l'établissement d'une zone de libre-échange entre la Chine et la Corée du Sud. Par conséquent, il est très possible que les négociations tripartites ne fassent pas de progrès.

Point de départ de la future zone de libre-échange Asie-Pacifique

Lors de la réunion des ministres du Commerce de l'APEC tenu à Qingdao en mai dernier, la Chine a encore une fois proposé d'effectuer des recherches de faisabilité pour l'établissement d'une zone de libre-échange Asie-Pacifique à une plus large échelle. Une proposition a été approuvée à l'unanimité par les ministres du Commerce et les représentants des 21 membres présents à la réunion. Avancée depuis 2006, la zone de libre-échange est toujours l'objectif majeur de l'APEC. Comme les membres de l'APEC sont nombreux et se trouvent à des niveaux de développement différents, peu de résultats concrets avaient été enregistrés pendant les 8 ans de discussion.

Les zones de libre-échange actuellement existantes en Asie-Pacifique comprennent celle du Partenariat transpacifique, le RCEP (Partenariat économique intégral régional) et d'autres zones de libre-échange bilatérales ou multilatérales. Ces zones très diversifiées possèdent chacune des normes d'accès et ont mis en place des règlements différents. L'établissement de la zone de libre-échange de la région Asie-Pacifique doit impliquer la coordination des accords de libre-échange actuels.

Il faut également tenir compte des moyens de l'intégration. Après la proposition de création du Partenariat transpacifique par les États-Unis, certains envisageaient de le connecter avec le RCEP. Pour l'heure, le Partenariat transpacifique est dominé par les États-Unis et les normes d'intégration sont strictes. Le RCEP a été initié par les pays de l'ASEAN et la Chine en est l'un des membres capitaux. Les critères d'accès au RCEP restent souples. Les deux pourraient êtré associés par l'adhésion de la Chine au Partenariat transpacifique ou par l'intégration des États-Unis dans le RCEP.

Mais un autre avis estime que le Partenariat transpacifique et le RCEP sont deux systèmes très différents, et qu'il n'y a donc pas d'espace de fusion entre eux. Basé sur les intérêts du commerce libre traditionnel, le RCEP abaisse les droits de douane et démentèle les barrières douanières, renforce la connexion, et préconise d'appliquer le traitement national après établissement des affaires et les facilités de l'investissement. Le Partenariat transpacifique, lui, pousuit non seulement des intérêts commerciaux mais aussi des intérêts économiques découlant de la mondialisation et pratique des mesures intégrées basées sur celle-ci. Il vise la libéralisation du commerce de services, et préconise de faciliter les investissements en s'appuyant sur le traitement national avant établissement des affaires. Il est ainsi difficile de fusionner ces deux systèmes différents.

En effet, la Chine s'active à effectuer des essais en cherchant à s'intégrer à des systèmes aux normes très élevées. La zone pilote de libre-échange de Shanghai est en cela une démarche très importante pour répondre à la nouvelle tendance économique et commerciale mondiale. Les négociations sino-américaines sur l'accord bilatéral d'investissement et de commerce ont aussi pris le « traitement national avant établissement des affaires + la liste négative » pour modèle.

Les négociations sur l'établissement de la zone de libre-échange sino-sud-coréenne couvrent aussi des secteurs tels que le commerce de services, les droits de propriété intellectuelle, la finance et l'investissement. Ainsi, dans ce sens-là, l'établissement de la zone de libre-échange Chine-Corée du Sud n'est pas seulement un encouragement pour le commerce bilatéral, mais aussi un point de départ d'une zone de libre-échange en Asie-Pacifique voire même de niveau global.

 

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