CHINAHOY

7-December-2013

Pouvoir chinois : développement pacifique et bénéfices mutuels

 

GU XUEWU

Suite à la 3e session plénière du XVIIIème Comité central du Parti communiste chinois, la Chine va rentrer dans une ère de réformes sans précédent. Il est clair que la nouvelle administration a fait le choix d'approfondir la réforme, et des mesures seront prises, depuis les fondations jusqu'à la superstructure de l'économie nationale. Un plan de réforme « cinq en un », couvrant presque tous les aspects du développement chinois va être lancé. Comme l'a souligné Yu Zhengsheng, membre du Comité permanent du Bureau politique du Comité central du PCC et président du Comité national de la CCPPC, l'étendue et la "force" de ces réformes sera sans précédent.

Un appel à des réformes sans précédent demande une diplomatie sans précédent. Un bond en avant de cette importance a besoin d'un environnement international harmonieux. Sans cette précondition, il sera difficile pour le gouvernement chinois de mener à bien ces réformes avec succès. La réalisation ou non du rêve chinois dépendra de la capacité de la Chine à créer un environnement optimal, et de sa lecture des tendances géopolitiques actuelles et futures. Ce qui déterminera si cette lecture est pertinente ou non sont les facteurs externes – existants ou potentiels – qui auront un impact sur la réforme chinoise. Et la justesse de cette lecture dépend de si la Chine comprend les stratégies et les intérêts des principaux pays en concurrence avec elle. En comprenant leurs stratégies et leurs intérêts, la Chine pourra trouver des convergences et rechercher des coopérations gagnant-gagnant. Dans ce cas-là, la Chine pourra créer un environnement adéquat pour mener ses réformes.

Dans la situation mondiale actuelle, les États-Unis sont le seul pays capable de faire obstruction au chemin de la Chine vers sa réforme. Malgré ses problèmes internes, comme son déclin économique, ses luttes de pouvoir et son endettement colossal, la seule superpuissance mondiale est toujours la première économie mondiale et le pays le plus innovateur au monde. Grâce à sa puissance militaire et à ses bases militaires dans le monde entier, les États-Unis sont le seul pays ayant une capacité de combat globale ; le fait que 70 % des actifs et 80 % des produits mondiaux soient achetés en dollars américains montre que cette devise gardera selon toute vraisemblance sa position dominante dans le futur.

Par le biais de l'OTAN et des alliances militaires avec le Japon, la Corée du Sud et l'Australie, les États-Unis ont liés 90 % des pays développés à ses propres intérêts sécuritaires ; son contrôle militaire et ses capacités en termes de renseignement sont sans égal. Pour créer un environnement favorable à son développement intérieur, la Chine doit tracer son chemin autour des États-Unis, un volcan à la puissance immense. Si les relations sino-américaines sont bonnes, l'environnement international sera favorable à la réforme aussi ; dans le cas contraire, la réforme fera face à de grandes difficultés et à de gros risques. Il est donc primordial de mettre l'accent sur les relations sino-américaines dans le cadre de la montée en puissance de la Chine.

Alors quel type de stratégie la Chine doit-elle adopter ? Théoriquement, Beijing a deux options : un retour à la guerre froide, ou s'en éloigner. Les personnes préconisant un retour à la guerre froide pensent que, dans les dix prochaines années, la Chine et les États-Unis deviendront les deux pôles en matière de politique international, et que la Chine devrait abandonner sa politique de non-alliances militaire et former des alliances pour pouvoir concurrencer les États-Unis et remplacer les valeurs américaines de liberté, démocratie et droits de l'homme par celles d'équité, de justice et de civilisation. L'antagonisme entre les alliances politiques et militaires menées par la Chine, d'un côté, et par les États-Unis, de l'autre, avec le soutien du Japon, de la Corée du Sud et de l'Australie, diviseraient la politique mondiale en deux camps. Bien qu'il soit possible que cette situation bipolaire finisse par s'apaiser, la nature de ce type de situation est la confrontation, et l'expression de la confrontation est soit une "guerre chaude", soir une "guerre froide".

En tant qu'acteur et bénéficiaire de la mondialisation, la Chine devrait encourager l'intégration économique et politique mondiale au lieu de former de tels blocs. Même si la Chine arrivait à former une alliance avec 50 % des pays du globe, elle perdrait alors l'autre moitié. La division du monde est-elle nécessaire à la montée en puissance de la Chine ? Si la réponse est positive, ce serait un désastre pour le monde.

Je pense que si Beijing veut avoir la situation en main, il faut sortir de cet état d'esprit "guerre froide". Ce qui veut dire se débarrasser des systèmes politico-militaires hérités de la guerre froide, par exemple l'OTAN et les alliances entre les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud et l'Australie. En fait, ces deux alliances militaires sont la base de la position de superpuissance mondiale des États-Unis. La Chine devrait diviser, puis briser ces systèmes. Saper le statut de superpuissance des États-Unis, petit à petit, et de manière non conflictuelle, par des moyens non militaires.

Dans la région Asie-Pacifique, ce processus aura un impact plus bénéfique s'il est poussé par une stratégie globale. Pourquoi ne pas rechercher de points de convergence avec les États-Unis en termes d'intérêts globaux ? Si Beijing et Washington arrivent à atteindre un nouveau consensus stratégique pour leurs intérêts globaux et régionaux, de nombreux mécanismes et accords paraîtront redondants et même oppressifs. Bien-sûr, la concrétisation d'un tel consensus devra être stable et solide pour renverser l'alliance militaire États-Unis-Japon, par une perte d'intérêt des États-Unis pour un Japon marginalisé. Dans ce cas-là, les États-Unis réaliseront qu'une coopération avec la Chine est moins coûteuse, moins risquée et comportant plus d'avantages pour ses intérêts propres.

Bien-entendu, certaines personnes considéreront cette option comme naïve et comme un vœu pieux : Comment une superpuissance pourrait réellement coopérer avec la Chine ? Je dois vous rappeler que c'est Washington qui a proposé le concept stratégique de G2, il y a 5 ans, et que c'est la Chine qui l'a refusé il y a 3 ans. Certaines personnes diront que ce refus était la bonne décision car les États-Unis voulaient utiliser la Chine comme leur larbin. Les gens qui pensent ainsi tombent dans l'une des catégories suivantes : soit ils manquent de confiance et d'informations sur la situation de grave dépendance des États-Unis envers la Chine ; ou alors ils sont si aveuglément confiants qu'ils pensent que la Chine pourra atteindre ses buts par elle-même ; ou encore, non familiers avec les mécanismes de coopération international, ne veulent pas partager une partie de leurs intérêts avec un partenaire – et ils seront forcés d'avaler une pilule amère pour leur refus, et payer alors un prix bien plus important.

GU XUEWU est directeur du Centre d'études globales, université du Rhin Friedrich-Wilhelms, Bonn

 

La Chine au présent

 

Le rêve chinois et le développement pacifique

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