CHINAHOY

2-August-2017

Un voyage culturel exceptionnel dans la ville du cerf

 

LI DONGBIN*

 

Lorsqu’on prépare un voyage dans la région autonome de la Mongolie intérieure, on ne peut s’empêcher de penser à la traditionnelle balade à cheval ou aux chants dans la prairie. Pourtant, c’est plutôt grâce à la formidable visite des lamaseries Meidai et Wudang de Baotou que j’ai pu véritablement découvrir les particularités culturelles des ethnies minoritaires qui vivent dans la prairie.

 

 

Baoketu : là où il y a des cerfs

 

Baotou, située sur les rives du fleuve Jaune, le cinquième plus long fleuve du monde et le fleuve mère de la Chine, est la plus grande ville de Mongolie intérieure. Baotou est la translittération du mongol « Baoketu ». Selon la légende, au cours d’une expédition vers l’ouest en passant par Chilechuan, l’actuel mont Jiufeng, Gengis Khan (1162-1227) et son armée rencontrèrent un troupeau de cerfs qui gambadaient au bord de l’eau. Il tira une flèche et frappa leur chef. Mais au lieu de succomber, celui-ci prit la fuite vers l’ouest malgré la flèche enfoncée dans son flanc. Gengis Khan le poursuivit avec son armée. Quand ils arrivèrent au district de Jiuyuan, l’actuelle cité antique de Machi à Baotou, le cerf s’effondra soudainement et disparut. Gengis Khan scruta les alentours et aperçut un grand saule devant lui. Très perplexe, il demanda à ses subalternes de déterrer le saule. Ils creusèrent un trou de 10 m avant d’atteindre les racines qui rappelaient la forme d’un cerf. Gengis Khan fut tellement surpris qu’il prononça sans réfléchir le mot « Baoketu », avant de se prosterner, imité par ses hommes, devant ce grand saule, le considérant comme un objet sacré.

 

Le mot mongol « Baoketu » signifie en chinois « le lieu où il y a des cerfs ». La ville fut donc baptisée Baotou et reçut le surnom poétique de « ville du cerf ». Gengis Khan quitta ensuite Chilechuan en direction de l’ouest et finit par conquérir le continent eurasiatique. Après lui, sa descendance commença à accomplir des exploits sur les terres de Chilechuan. C’est dans cette « ville du cerf » que se trouvent les lamaseries Meidai (Maitreya en anglais) et Wudang (saule en mongol) ; une ville du nord de la Chine qui a décroché le Prix d’Honneur d’Habitat de l’ONU.

 

 

Une activité bouddhiste au 3e Festival touristique et culturel de la lamaserie Wudang, en 2013

 

La lamaserie Meidai : capitale du royaume de Jin

 

Depuis la ville de Baotou, on atteint la lamaserie Meidai en roulant 30 minutes vers l’est. Meidai est une cité royale mongole, bâtie par Altan Khan (1507-1582), descendant de la 17e génération de Gengis Khan. Au début, elle portait le nom du temple Lingjue puis, plus tard, l’empereur Kangxi des Qing (1644-1911) lui octroya le nom de Shouling. La lamaserie Meidai, seule cité des Ming (1368-1644) encore en bon état au nord de la Grande Muraille, permet d’appréhender une particularité culturelle : l’unité entre la ville et le temple.

 

Altan Khan fut un homme politique et un expert militaire hors du commun dans la prairie mongole. En 1539, il fit construire la cité royale qui devint en 1565 la capitale du royaume de Jin. À force d’élargir son territoire, Altan Khan entra en contact avec le bouddhisme tibétain. Sa décision de révoquer le chamanisme et de se convertir au bouddhisme tibétain marqua le début d’échanges culturels entre les ethnies mongoles et tibétaines. Il construisit, au milieu de la cité royale, le premier temple de Gelugpa, les Bonnets jaunes, dans la prairie mongole. En 1606, le royaume de Jin déplaça sa capitale à Hohhot et des travaux de transformation et d’agrandissement donnèrent à la lamaserie Meidai sa particularité actuelle, unique dans le pays, d’ «unité entre la ville et le temple, et entre l’homme et le Bouddha ». Elle fut non seulement le centre politique, économique, culturel, militaire et religieux des Mongols sous les Ming, mais aussi le centre de rayonnement du bouddhisme tibétain dans la prairie mongole.

 

Après l’unification de la prairie mongole, Altan Khan inaugura les échanges commerciaux avec le gouvernement de la dynastie des Ming. Les Mongols, peuple nomade à l’origine, s’inspirèrent, pour édifier leur cité, des moyens de construction des villages peuplés par les Han ayant migré depuis la Plaine centrale, et se transformèrent en agriculteurs. Vivant en paix pendant quatre décennies, les Han et les Mongols purent cohabiter et procéder à des échanges. De nos jours, la pagode d’Altan Khan se dresse encore sur le mont Yinshan, preuve qu’en dépit des centaines d’années qui se sont écoulées, son image de héros est toujours vivante aux yeux des habitants.

 

Depuis les remparts de la cité, on peut apercevoir de vieilles maisons chatoyantes disposées de manière désordonnée mais construites avec goût. Le palais principal et le palais vernissé se dressent au centre de la vieille cité. À l’intérieur comme à l’extérieur de ces deux bâtiments, des colonnes gigantesques faites de blocs de pins conservent les traces du passé. Une paire de vieux pins datant de la dynastie des Ming, plantée par Altan Khan et son épouse et baptisée « couple de pins », domine la cité. Autour de ces deux palais, on trouve d’autres palais tels que le palais Naiqiong et le temple Taihou.

 

Dès l’entrée des palais, on peut admirer des fresques qui ont fait de la lamaserie Meidai un lieu de renommée mondiale. Hautement significatives, ce sont les plus anciennes, les plus riches et les mieux conservées de Mongolie intérieure. Le temple abrite actuellement 1 650 m2 de fresques en parfait état de conservation qui datent des Ming, ce qui lui a valu le titre de « Musée de l’art mural ». Ces fresques sont les histoires d’une grande valeur car elles renseignent sur l’histoire mongole, bouddhique, architecturale et artistique de la dynastie des Ming.

 

Wudang : une vieille lamaserie sur le mont Yinshan

 

La lamaserie Wudang, le palais du Potala et le monastère Ta’er sont les trois grands temples du bouddhisme tibétain. Si vous envisagez votre voyage comme une quête spirituelle, il vous faut visiter la lamaserie Wudang, située à Baotou en Mongolie intérieure. En effet, le palais du Potala au Tibet et le monastère Ta’er dans la province du Qinghai, très reculés, sont trop animés.

 

La visite de la lamaserie Wudang peut se résumer en quatre expériences uniques : découvrir la richesse des savoirs sur le bouddhisme tibétain renfermés dans ce temple ; comprendre le style architectural de cette lamaserie qui intègre la culture multiethnique au bouddhisme tibétain ; apprécier la beauté des thangkas, des fresques et des statues de Bouddha, et enfin faire l’expérience des préceptes de Bouddha, profonds, mystérieux et merveilleux.

 

Wudang, surnommée « le Petit Potala », est la seule lamaserie de la dynastie des Qing bien préservée à l’heure actuelle en Mongolie intérieure. Elle fut une célèbre école du bouddhisme tibétain, particulièrement réputée en Mongolie, dans le Qinghai et au Tibet pour l’enseignement solide qui y était dispensé et la rigueur avec laquelle on y suit les préceptes. Depuis sa construction, de l’encens y brûle en permanence et les adeptes s’y rassemblent en nombre. Pendant sa période la plus prospère, plus de 1 200 lamas vivaient dans la lamaserie Wudang qui jouissait d’un grand prestige dans les régions mongole et tibétaine.

 

Le style architectural purement tibétain de la lamaserie Wudang est tout à fait fascinant. Incarnant la fusion des cultures et religions mongole et tibétaine, il est doté d’une grande valeur artistique, ce qui en fait un monument précieux pour le patrimoine culturel. Située sur la montagne Jihuluntu, à 50 km au nord-est de Baotou, cette lamaserie blanche adossée à la montagne est recouverte d’un toit carré de style tangout. Magnifique, éblouissante, elle s’inspire fortement du monastère de Tashilhunpo au Tibet. Les palais et pavillons se nichent harmonieusement parmi les pins et les cyprès, et les reflets du ciel bleu et des nuages blancs sur les façades donnent l’impression d’une fusion avec le paysage. Les décorations sont extrêmement raffinées.

 

La vieille lamaserie Wudang sur le mont Yinshan est un célèbre temple sacré du bouddhisme tibétain en Chine. Elle est unique en son genre en Mongolie intérieure tant par son influence religieuse que par son envergure. Elle renferme d’ailleurs le plus grand nombre de thangkas de Mongolie intérieure, qui sont également les plus beaux. Les touristes peuvent facilement accéder au site et venir admirer le raffinement de ces 2 000 thangkas.

 

Tous les ans, du 24 juillet au 1er août du calendrier lunaire se tient dans la lamaserie Wudang une activité bouddhiste au cours de laquelle un thangka géant de 20 m de haut et de 16,8 m de large représentant Bouddha est porté sur la plate-forme d’ensoleillement de Bouddha. Les lamas récitent des prières sans s’arrêter pendant sept jours et sept nuits, tandis que des milliers d’adeptes du lamaïsme viennent des quatre coins du pays avec des fruits et du beurre qu’ils produisent eux-mêmes pour exprimer leur fidélité à Bouddha.

 

L’atmosphère religieuse et solennelle de la lamaserie Wudang captive les visiteurs et apaise les esprits agités.

 

*LI DONGBIN est directeur du service de communication internationale du Bureau de l’information du gouvernement municipal de Baotou.

 

La Chine au présent

 

Liens