CHINAHOY

18-January-2013

Dali, la ville qu’on ne veut plus quitter !

WANG YING*

 

Relevant de la province du Yunnan, le département autonome bai de Dali comprend son chef-lieu du même nom et onze districts dont trois, peuplés d’ethnies minoritaires, bénéficient d’un certain degré d’autonomie. En 2011, la ville de Dali a été classée parmi « les 200 villes les plus charmantes du monde ».

 

Dans la ville de Dali habitent de nombreuses personnalités célèbres—un ancien éditeur reconverti en pigiste ou d’anciens concepteurs, avocats ou ingénieurs qui ont ouvert leur propre auberge ou leur maison d’hôtes. Dans la rue, les promeneurs qui bavardent étaient peut-être des cols blancs venus d’une grande ville. Tous peuvent témoigner des charmes de Dali.

 

Xi Zhinong : une Dali naturelle, traditionnelle et tolérante

 

Né dans le district de Weishan dans le département de Dali, Xi Zhinong est l’un des photographes d’animaux sauvages les plus influents en Chine. Il a fondé le studio « La Chine sauvage ». En 2009, sa famille a quitté Beijing pour revenir au Yunnan et s’établir à Dali. Il y tient avec sa femme une bibliothèque intitulée Petit Dinosaure, où l’on raconte des histoires et où l’on projette des films pour les enfants. L’association de photographes au sujet de protection de l’environnement au pied du mont Cangshan est aussi leur maison.

 

Ses premières impressions sur Dali datent des vacances d’été qu’il avait passées chez sa tante en 1974. Dali était à l’époque un lieu ancien et serein. En 1983, Xi Zhinong retourne à Dali. Cette fois, il fait partie de l’équipe ornithologique envoyée par l’université du Yunnan pour filmer le documentaire Le Paradis des Oiseaux. C’était la première fois qu’il était si proche du mont Cangshan et du lac Erhai.

 

Entre 1984 et 1986, Xi Zhinong revient dans le district de Weishan à plusieurs reprises pour étudier la migration des oiseaux. Sous son initiative, le Centre national des bagues pour oiseaux a ouvert un poste dans ce district. C’est le seul poste créé grâce aux efforts de personnalités issues de la société civile. Au cours des trois ans qui ont suivi 1992, il s’est rendu plusieurs fois dans la réserve des montagnes enneigées Baimang pour filmer les rhinopithèques. Chaque fois, il passait par Dali. En 1999, il a créé avec sa femme ‘Le Plateau vert’, une organisation non gouvernementale dont le but est de promouvoir la protection de l’environnement au Yunnan.

 

Xi Zhinong n’a jamais cessé son travail dans l’ouest du Yunnan. En 2009, il a décidé d’abandonner sa vie à Beijing pour retourner dans son pays natal. « Ici, je connais tout : le dialecte, et même les montagnes et les eaux », raconte-t-il.

 

Au début, ils ont déménagé plusieurs fois. Ils ont même habité chez un ami. Sur la terrasse du deuxième étage, on pouvait voir les bateaux qui sillonnent quotidiennement le lac Erhai et le mont Cangshan enveloppé de nuages. Chaque fois qu’il voyait cette scène, il se demandait comment il pourrait introduire la pratique de la voile, un sport non polluant, à Dali.

 

Dans cet endroit, on peut se retrouver dans la nature dès qu’on sort de chez lui. Quand il est libre, Xi Zhinong photographie les animaux sauvages.  Les gens ordinaires négligent souvent ceux-ci. Avant la fête du Printemps 2012, il avait fait de ses photos des calendriers pour la nouvelle année et les avait distribués gratuitement pour sensibiliser les gens à la protection et à la préservation de la zone humide naturelle autour du lac Erhai.

 

Xi Zhinong a beaucoup voyagé en Chine et à l’étranger, et il pense que « Dali représente le meilleur de la Chine. Que ce soit pour ses paysages naturels, son climat, ses traditions culturelles, l’attitude ouverte du gouvernement local ou l’ambiance tolérante créée par les Bai, aucun autre endroit ne lui est comparable ».

 

Adam Kritzer : jouir d’une vie sereine

 

Adam est un Américain. En 2008, il a créé un club de sports de plein air à Dali. Il pratique des sports comme l’escalade, la randonnée, le canoë et le vélo avec les membres de son club dans la banlieue de Dali. Sa femme est originaire de la province du Hunan. Leur fils a trois ans. Sa famille loue une maison dans une ruelle qui donne sur la rue Renmin. Récemment, il y a loué une deuxième maison pour y installer son club et ouvrir un restaurant de cuisine occidentale.

 

Adam roule à vélo et porte un panier au dos comme les locaux. Il met son vélo devant la maison. La porte est toujours ouverte s’il y a quelqu’un à l’intérieur. A l’entrée, il a déposé toutes sortes d’équipements de sports de plein air et une poussette. Les murs de la salle se sont transformés en murs d’escalade, le sol est couvert de coussins. Adam fait 1 mètre 90, pas vraiment l’alpiniste type, plutôt petit. Il reste à Dali surtout parce qu’il peut y faire de l’escalade.

 

En 2004, participant à un programme d’échange étudiant, Adam était venu des États-Unis à Shanghai pour apprendre le chinois pendant un semestre. Puis, après ses études universitaires, il était entré dans une société financière à New York. Dès la première journée de travail, il avait compris qu’il n’aimerait jamais ce métier. Il voudra toujours trouver une montagne et une ville à son pied. Et ce sera à cet endroit qu’il devra passer sa vie. Après avoir lu dans la presse un reportage sur Dali, il est venu s’y installer en 2007, emportant toutes ses affaires avec lui.

 

Au départ, il habitait dans une auberge. Très vite, trois mois ont passé. Il a grimpé le mont Cangshan et a contourné le lac Erhai à vélo. Lorsqu’il réfléchissait à ce qu’il devrait faire pour rester, il pensait à gérer un club de sports en plein air. Il a appris l’escalade à Yangshuo, ville réputée en Chine pour ce sport, et il a aussi appris comment gérer un business de ce type. Un mois avant son retour à Dali, il a rencontré une fille originaire du Hunan qui travaillait au Guangdong et il est tombé amoureux d’elle. En 2008, il est revenu à Dali avec la jeune femme. Ils se sont mariés et leur fils est né. Depuis, ils n’ont plus quitté Dali.

 

Les touristes étrangers qui viennent au Yunnan vont presque tous faire de la randonnée dans les monts Meli Xueshan ou dans les gorges du Saut du Tigre. Adam leur donne l’occasion de découvrir aussi le mont Cangshan et le lac Erhai. Il peut deviner le caractère d’une personne selon qu’elle s’enthousiasme pour Dali, Lijiang ou Shangri-la. Lijiang attire ceux qui aiment la mode et l’animation. Shangri-la, les amoureux de la nature primitive. Quant à Dali, elle est au milieu, on peut y mener une vie à la fois confortable et calme.

Pour Adam d’ailleurs, l’attrait de Dali tient surtout à son calme. Pourtant, depuis les JO de Beijing, les touristes affluent. Il raconte que la plupart des étrangers partent après un certain temps. Aussi, un couple de retraités allemand qui avait acheté une maison et avait ouvert une boulangerie, a revendu sa maison lorsque Dali a commencé à perdre sa sérénité, et est parti s’installer à Shaxi, bourgade plus tranquille.

Adam ne sait pas quand lui et sa femme vont partir. Le bail de location de sa maison est de sept ans. Ils sont déjà là depuis trois ans et demi. Le loyer est passé de 1 600 yuans à 1 800. Il n’aime pas aller au bar pour nouer connaissance avec les autres étrangers. Il dit qu’il habite à Dali pour mener une vie ordinaire. Autrefois, la rue où il habitait était très calme. Il pouvait ranger gratuitement ses équipements sportifs dans la maison des voisins. Maintenant, le loyer est cher. La commercialisation de Dali est inévitable.

Il est plus important de se soucier de l’éducation de son fils. Beaucoup de familles venues de l’extérieur sont obligées de partir lorsque leurs enfants ont l’âge d’entrer à l’école maternelle. Le patron de l’auberge Bonbon du chat, Chen Gang, a fondé une école maternelle dont la devise est « happy education ». Une vingtaine d’enfants apprend tout en s’amusant. Ils sont très contents. Adam raconte qu’il a aussi passé son enfance dans une école maternelle américaine qui mettait l’accent sur un enseignement joyeux. La Chine suit l’exemple des États-Unis pour l’éducation des enfants. Mais les Américains cherchent aussi souvent de leur côté à s’inspirer des méthodes chinoises d’enseignement, car les étudiants chinois qui étudient aux États-Unis sont excellents. Sa femme n’est pas d’accord avec lui. Elle espère que leur fils pourra recevoir l’éducation américaine. Comme beaucoup de mères chinoises, elle entretient des doutes sur l’environnement de l’éducation chinois.

 

Adam manifeste à la fois de la confiance et des inquiétudes quant à l’avenir de Dali. Selon lui, aux États-Unis, les endroits comme Dali seraient transformés en jardins pour riches, en lieux de villégiature, où les habitants seraient confrontés à des coûts prohibitifs. Actuellement, cette inquiétude semble loin d’être une réalité à Dali, mais dans la Chine d’aujourd’hui, tout est possible.

 

Liu Li : un confort de vie à bon prix

Autrefois, Liu Li vivait à Beijing. En 2011, après avoir entendu parler de Dali, sa famille (le couple et leur enfant) avait pris la décision de s’y rendre en voiture.

 

A Dali, en parcourant la rue Renmin, ils s’étaient étonnés de la beauté de la ville et des bas prix qu’on y pratiquait. « 100 yuans permettent de passer une journée confortable. A Beijing, ce n’est que le prix d’un repas », se rappelle Liu Li. Le plus important, c’est qu’on peut mener là-bas une vie détendue. Après un séjour d’une semaine, ils ont commencé à envisager de rester là.

Mais ils ne savaient pas comment ils pourraient gagner leur vie. Ils avaient donc continué leur voyage. Ils avaient visité Lassa, le but final de leur voyage, avant de rentrer à Beijing. Le couple repensait toujours aux avantages de Dali comme si cette bourgade était déjà devenue leur foyer.

Finalement, ils ont franchi le pas et sont retournés à Dali. Le mari de Liu Li avait passé seize ans à Beijing pour faire des études et travailler. Liu Li y avait également passé onze ans. A Beijing, ils étaient accablés par le rythme de vie effréné. Leur enfant né à Beijing allait entrer à l’école maternelle. Ils voulaient lui permettre d’avoir une vie tranquille avant de commencer l’école primaire.

 

Au début ils ne voulaient qu’une maison à cour pour eux même ; finalement, ils décidaient d’en faire aussi une auberge.

 

Au début, ils n’avaient pas d’amis. Plus tard, ils ont appris que les patrons des auberges et les tenanciers des petites boutiques de la rue Renmin étaient pour la plupart venus de l’extérieur. Tous étaient venus ici offrir à leurs corps fourbus un répit après la vie stressante des grandes villes ou pour garantir à leurs enfants un environnement meilleur.

 

Mais Liu Li ne s’était pas attendue aux difficultés que lui réserverait la gestion d’une auberge. Elle s’est rendue compte de ce qu’il en coûte d’abandonner la vie luxueuse et les jolis vêtements et de mener une vie simple. Son enfant, lui, est content. Chaque jour, il se rend à l’école maternelle. Dans l’auberge, Liu Li s’occupe de tout. Elle a fait la connaissance de beaucoup de personnes venues des quatre coins du pays. De sa cour au centre de la petite ville de Dali, la perspective est pourrait-on dire plus large qu’à Beijing !

 

L’enfant de Liu Li va à l’école maternelle de Chen Gang. Liu Li est satisfaite de cet établissement situé au pied du mont Cangshan. Des arbres fruitiers poussent le long des ruisseaux alentours. Les frais de scolarité mensuels ne sont que de 1 500 yuans ; à Beijing, on ne trouve pas de jardin d’enfants si bon marché.

 

Cependant, dans deux ans, son enfant va entrer à l’école primaire. Liu Li et les autres parents ne peuvent s’empêcher d’être inquiets. Si dans le futur, les enfants peuvent participer à l’examen national d’entrée à l’université dans n’importe quel endroit, son enfant peut rester à Dali. Au moins, ici, la distance entre la maison et l’école n’est pas si longue qu’à Beijing. Et les relations entre les gens sont simples. Le coût de la vie aussi est moins élevé. Mais pour l’instant, la législation sur l’examen national d’entrée à l’université ne le permet pas. En tant que mère, elle n’ose pas parier sur le destin de son enfant.

 

D’un côté, une vie agréable dans une belle ville, moins chère de surcroît, et de l’autre, l’avenir de l’enfant, voilà le choix auquel les familles venant de l’extérieur doivent faire face à Dali.

 

Dali, une ville qui a encore de l’espace.

 

*WANG YING est pigiste.

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