CHINAHOY

1-September-2017

Les échanges entre les jeunes :préparation aux futures innovations

 

MA HUIYUAN, membre de la rédaction

 

    Après leur victoire à un concours sino-français de mathématiques, une cinquantaine de jeunes ont eu l’opportunité de partir à l’étranger et d’interagir avec l’autre pays. Un événement rappelant l’importance des échanges éducatifs, qui donnent à la nouvelle génération les clés pour bâtir conjointement l’avenir.

    

    Le 15 juillet dernier, 52 lycéens français et chinois se sont rassemblés à Beijing, au centre de recherche de Huawei, pour venir recevoir leur certificat de réussite des mains de Jean-Maurice Ripert, nouvel ambassadeur de France en Chine (il avait pris ses fonctions une semaine plus tôt) et Mme Chen Lifang, membre du conseil d’administration et directrice de la communication et des relations publiques du groupe Huawei qui sponsorisait l’événement. La semaine suivante, ils ont eu l’opportunité de partir en France ou en Chine, selon leur nationalité, pour découvrir ces grandes nations expertes en mathématiques.

    

    Ces 52 jeunes sont les grands gagnants du concours sino-français de mathématiques « Compter avec l’autre », qui pour sa 2e édition, mettait en compétition 21 000 élèves de seconde issus de 52 lycées de France et de Chine. Ce concours s’inscrit dans le cadre du dialogue de haut niveau sur les échanges humains mis en place entre les deux pays et dont la dernière session s’est tenue à Paris le 30 juin 2016. Tout comme les nombreux autres événements bilatéraux organisés dans ce cadre, tels que les rencontres autour de la littérature, de la musique, du théâtre, du sport et du tourisme, il vise à approfondir les contacts culturels sino-français.

    

    Jean-Maurice Ripert (4e à gauche) et Chen Lifang (1re à droite)
ont assisté à la cérémonie de remise des prix du concours
de mathématiques « Compter avec l’autre ».

    

Des élèves « transportés » par les mathématiques

 

    « L’histoire de ce concours franco-chinois de mathématiques remonte à 2014. Cette année-là, nous avons célébré le cinquantenaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. Nous réfléchissions avec la Chine à la création d’un événement éducatif s’adressant aux élèves de lycée. Notre partenaire pour ce programme était l’Association d’éducation chinoise pour les échanges internationaux (CEAIE). Ensemble, très vite, nous avons trouvé cette idée de concours de mathématiques », nous a expliqué Fabrice Rousseau, conseiller adjoint du Service de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France en Chine. Notons que pour les 50 ans des relations diplomatiques, lors de la 1re édition du concours, 50 lauréats (25 Français et 25 Chinois) avaient été retenus ; cette année, pour la 2e édition, ce chiffre a symboliquement été porté à 52 lauréats (soit 26 Français et 26 Chinois).

    

    La procédure d’examen est assez simple : les élèves prennent part à un test d’évaluation commun, rédigé conjointement par la partie française et la partie chinoise, qui se compose d’un volet QCM et d’un volet écrit. Le concours est organisé au mois de mai, le même jour et à la même heure, dans les 26 lycées chinois et les 26 lycées français participants. Celui qui obtient le meilleur score dans son lycée rejoint le club des gagnants. Claire, 15 ans, inscrite au lycée Louis le Grand à Paris, a eu cette chance. Elle nous a révélé : « J’ai trouvé ce test bien plus ludique que les contrôles classiques du lycée. Personnellement, ça m’a beaucoup plus amusée et fait cogiter que d’habitude. » 

    

    Et le prix à décrocher dans cette compétition était un voyage à l’autre bout du globe. Les lauréats français comme Claire ont eu l’occasion de partir à Beijing du 14 au 21 juillet et de visiter les sites emblématiques de la culture chinoise : la Grande Muraille, la Cité interdite et le temple du Ciel, mais aussi le musée Baigongfang consacré à l’art traditionnel chinois. Ils ont également participé à des activités culturelles pour découvrir l’artisanat chinois. Parallèlement, les lauréats chinois ont sillonné les rues de Paris du 16 au 22 juillet, explorant notamment le Musée des arts et métiers ainsi que la Cité des sciences et de l’industrie. Ils étaient, en plus, logés à la prestigieuse École polytechnique, réputée pour former l’élite des ingénieurs.

    

    À vrai dire, ce n’était pas la première fois que Claire foulait le territoire chinois, mais elle a constaté de profonds changements dans le pays depuis sa dernière visite. « J’étais vraiment ravie d’y retourner après 7 ans. Et la Chine semble avoir beaucoup progressé, en particulier dans les technologies, qui ont révolutionné le quotidien. » 

    

    Les lauréats français s’essaient à l’imprimerie
traditionnelle dans une école chinoise.
    

    La France et la Chine : pôles d’excellence mathématique

    

    Selon M. Rousseau, les deux pays sont riches d’une longue tradition mathématique, révélant toutefois des mérites très différents. Il y avait donc une volonté, lors de la création du test d’évaluation, de trouver un dénominateur commun pour permettre aux élèves des deux pays de réussir. « En général, les étudiants chinois sont capables d’effectuer rapidement des calculs très complexes, mais n’ont pas l’habitude de rédiger des phrases pour expliquer la logique suivie. En comparaison, les élèves français calculent un peu moins vite, mais sont plus accoutumés à décrire leur raisonnement par écrit. » Cependant, M. Rousseau a rappelé que, de toute façon, cette différence ne posait aucun problème dans le cadre du concours, puisqu’un gagnant est sélectionné par lycée. De fait, Chinois et Français n’étaient pas en concurrence.

    

    Chacune pôle d’excellence mathématique, la Chine et la France comptent parmi les pays les plus attractifs au regard de leurs performances dans les technologies innovantes et dans la formation des ingénieurs. « Les deux pays affichent une supériorité sur le plan des mathématiques qui découle de leur longue tradition d’enseignement universitaire et de leur système scolaire hautement développé. En outre, en France comme en Chine, l’enseignement des mathématiques occupe une place très importante dans les programmes, notamment dans l’enseignement secondaire », a décrypté M. le conseiller adjoint.

    

    La France a donné naissance à des mathématiciens de classe mondiale. Citons par exemple René Descartes, Blaise Pascal, Évariste Galois, Joseph Fourier… Rappelons que 15 médaillés Fields, considérés comme des Nobels de mathématiques, sont de nationalité française. De même, la Chine est un pays doué pour les mathématiques depuis les temps anciens. Des ouvrages chinois traitant des mathématiques ont été rédigés il y a des milliers d’années, comme Le Classique d’arithmétique du gnomon des Zhou et Les Mathématiques en neuf chapitres. Hua Luogeng, connu comme le « père des mathématiques modernes en Chine », jouit d’un haut prestige international. Il a été élu parmi les 88 grands mathématiciens du monde par le Musée des sciences et de l’industrie (MSI) de Chicago. Ajoutons que plusieurs théorèmes et autres résultats de recherches mathématiques portent encore aujourd’hui le nom de leur inventeur chinois.

    

    De nos jours, la méthode d’apprentissage des multiplications à la chinoise est de plus en plus utilisée en classe par les enseignants étrangers. Au Salon du livre de Londres en 2017, la maison d’édition HarperCollins Publishers a signé un accord avec Shanghai Century Publishing Group pour pouvoir faire traduire des manuels chinois de mathématiques en anglais et les imprimer au Royaume-Uni. Bientôt, les écoliers britanniques apprendront les bases du calcul avec les mêmes livres qu’en Chine.

    

    Xu Wenwei, membre permanent du conseil d’administration et président de la stratégie marketing chez Huawei, a déclaré : « La discipline des mathématiques ouvre toutes les portes. La transformation de Fourier, par exemple, est à la base du développement des communications modernes. La recherche mathématique conduit à de nouvelles percées, notamment dans le secteur des communications. » Huawei, important mécène des célébrations qui ont été organisées pour le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques en 2014, a apporté un grand soutien aux deux éditions du concours « Compter avec l’autre ».

    

    Les lauréates françaises visitent la Grande Muraille en compagnie des élèves chinoises.

    

Une relation bilatérale nourrie par les échanges éducatifs

    

    « Ce que nous espérons, c’est qu’après ce premier échange, les lauréats du concours auront envie de s’engager dans des recherches mathématiques ou scientifiques en lien avec l’autre pays, nous a indiqué M. Rousseau. La France et la Chine sont aussi deux grandes puissances en matière de recherche et d’innovation, des secteurs qui nécessitent des compétences mathématiques. Aujourd’hui, en 2017, les échanges entre les deux pays sont essentiellement orientés vers l’innovation. » Les deux gouvernements attachent effectivement une importance majeure aux échanges éducatifs. Preuve en est que les ministères de l’Éducation français et chinois sont partenaires de ce concours.

    

    Les 26 lauréats chinois de ce concours ont été accueillis au sein de l’École polytechnique pour passer une semaine en France. Sur le campus de l’école d’ingénieurs la plus prestigieuse de France règne une atmosphère très studieuse, avec dans chaque recoin des laboratoires de recherche de pointe, des centres d’innovation et des start-ups. De leur côté, les lauréats français comme Claire ont pu observer, avec grand intérêt, la capacité d’innovation de la Chine. « C’est en quelque sorte un concours qui vise à préparer les futurs échanges scientifiques, en donnant aux jeunes les plus brillants l’envie de travailler avec l’autre pays », a analysé M. le conseiller adjoint.

    

    Au-delà de ce concours de mathématiques, une série de projets d’échanges tournés vers l’enseignement a été organisée dans le cadre du dialogue sino-français de haut niveau sur les échanges humains, pour le plus grand bonheur des élèves et de leurs parents. M. Rousseau a expliqué : « Nous avons mis en place le programme ‘‘Mille stagiaires’’ permettant aux jeunes Français et Chinois qui poursuivent leurs études universitaires ou qui viennent tout juste de les terminer de réaliser un stage de six mois maximum dans l’autre pays. Pour eux, c’est l’occasion de découvrir le marché du travail à l’étranger, puis de revenir dans leur pays dotés d’une expérience qui constituera un vrai plus sur leur CV au cours de leur recherche d’emploi. »

    

    Dans les échanges éducatifs, la dimension linguistique représente aussi une part non négligeable. Les instituts Confucius enseignent la langue de Confucius en France, tandis que les Alliances Françaises enseignent la langue de Molière en Chine, deux écoles au réseau étendu qui attirent nombre d’apprenants. M. Rousseau a ajouté : « En plus, le chinois est la quatrième langue la plus enseignée en France dans le milieu scolaire. 50 000 Français dans les établissements scolaires étudient le mandarin. En Chine aussi, de plus en plus de lycéens, de collégiens et d’écoliers même se mettent à apprendre le français. Majoritairement dans les lycées en langue étrangère, mais aussi dans les sections pilotes de langue française que nous avons mises en place dans 12 lycées chinois en 2014. »

    

    M. Rousseau a souligné un autre projet phare favorisant les échanges éducatifs : la création de lycées franco-chinois dans la capitale chinoise.  « Notre partenariat vise à laisser le choix aux familles. Les élèves, une fois leurs études secondaires accomplies, pourront décider de continuer leurs études en Chine, en France ou ailleurs. Nous ne souhaitons pas pousser les jeunes Chinois à quitter trop tôt leur foyer pour partir étudier outre-mer. C’est pourquoi nous préférons amener un peu de l’étranger directement dans leur école, en proposant des cours de français et l’enseignement d’autres disciplines en français. Les élèves chinois pourront ainsi parvenir à maîtriser cette langue tout en restant dans le cocon familial, puis opter par la suite de s’envoler, ou pas, vers l’étranger. »

    

    

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