CHINAHOY

29-June-2017

Le retrait américain n’infléchira pas la tendance du bas carbone

 

Le 1er juin 2017, le président américain Donald Trump quitte la conférence de presse à la Maison Blanche après l'annonce du retrait des États-Unis de l'Accord de Paris.

 

LI RUIXIN*

 

Le 1er juin 2017, dans une conférence de presse à la Maison Blanche, le président américain Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l'Accord de Paris sur le climat. Immédiatement après, cette décision a été condamnée sévèrement par l'ensemble des parties. Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a commenté publiquement que cette sortie américaine de l'Accord de Paris était « une immense déception » vis-à-vis de tous les efforts mondiaux déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour favoriser la sécurité mondiale.

 

En réponse à cette décision de M. Trump, les gouverneurs des États de Californie, de New York et de Washington ont conjointement lancé la United States Climate Alliance, en vertu de laquelle ils s'engagent à continuer de respecter l'Accord de Paris. D'autres gouverneurs, y compris les gouverneurs républicains des États du Massachusetts et du Vermont, l'un après l'autre, ont rejoint cette alliance.

 

Les milieux d'affaires américains n'ont également pas tardé à réagir, exprimant leur vive déception. Michael Bloomberg, fondateur du groupe Bloomberg LP et ancien maire de New York, a déclaré que son organisme caritatif Bloomberg Philanthropies et ses partenaires feraient un don de 15 millions de dollars à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques pour compenser la quote-part (désormais perdue) dont devaient s'acquitter les États-Unis. Les géants, tels que Facebook, General Electric, Microsoft et Google ont tous réaffirmé leur soutien à l'Accord de Paris, s'engageant à réaliser au plus vite l'objectif d'une consommation labellisée « 100 % énergies renouvelables ».

 

La communauté internationale a tenu des propos fermes à l'annonce de M. Trump. Les chefs d'État français, allemand et italien ont publié une déclaration conjointe pour exprimer leur regret face à cette décision, soulignant que les trois pays s'efforceraient de mettre en application les mesures stipulées dans l'Accord de Paris et encourageant les autres nations à accélérer leurs actions en faveur de la préservation de notre planète. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a aussi manifesté sa déception à l'égard de ce choix des états-Unis et s'est promis de lutter contre le changement climatique et de soutenir l'économie verte. Quant au président français Emmanuel Macron, il a prononcé un discours, pour la première fois en version bilingue, proclamant que Donald Trump a pris la mauvaise décision. Il a rappelé que, sur la question du climat, « il n'y a pas de plan B, car il n'y a pas de planète B » et a invité les scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs et citoyens américains engagés pour l'environnement à venir vivre et à travailler en France.

 

L'importance de l'Accord de Paris

 

Si la décision de Donald Trump a provoqué un tollé général, c'est notamment parce que l'Accord de Paris est le premier accord sur le climat ratifié à l'échelle mondiale. Il est le fruit des efforts conjoints des 195 pays signataires de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC). Cet accord témoigne des progrès difficiles mais permanents dans la gouvernance mondiale sur le changement climatique : du sauvetage des négociations multilatérales dans l'impasse, à la refondation de la confiance mutuelle politique, suivie de la reconstruction du mécanisme. Avec la signature de cet accord, les concertations sur le climat, qui étaient au creux de la vague depuis l'échec du Sommet de Copenhague en 2009, ont de nouveau été élevées au rang de priorités dans l'agenda politique global.

 

L'Accord de Paris a le mérite d'avoir fixé un objectif mondial clair sur le climat : le texte propose de contenir le réchauffement climatique bien en-deçà de 2 °C et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C. Cet objectif incarne le consensus et la détermination de toutes les parties à lutter contre le changement climatique, tout en émettant au monde un message fort : l'avenir sera marqué par une économie sans carbone.

 

En outre, l'Accord de Paris est le reflet d'une approche de travail dite « ascendante », qui a commencé à prendre forme au Sommet de Durban en 2011 : les pays avancent eux-mêmes les objectifs qu'ils comptent atteindre dans la lutte contre le changement climatique ; puis, tous les cinq ans, la CCNUCC fait le point sur les mesures prises par chacun et stimuler les engagements des pays afin de réduire le fossé entre l'accomplissement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'objectif inachevé de limiter la hausse de la température à 1,5 °C.

 

En 2015, les États-Unis ont soumis au secrétariat de la CCNUCC leur plan d'action sur le climat (désigné « Contribution prévue déterminée au niveau national »), dans lequel ils s'engageaient à réduire d'ici 2025 leurs émissions de gaz à effet de serre de 26 % par rapport à celle de 2005 et à s'efforcer de réaliser une réduction de l'ordre de 28 %. Les États-Unis étant le deuxième pays émetteur d'émissions de gaz à effet de serre au monde, le retrait américain de l'Accord de Paris risque de porter préjudice à la confiance mutuelle politique et à l'implication mondiale dans la lutte contre le changement climatique, obtenues après de nombreux efforts et de longues années.

 

Des enfants, représentant les 197 pays signataires, célèbrent la ratification de l'Accord de Paris à la cérémonie de signature, le 22 avril 2016.

 

Quelle influence aux États-Unis et ailleurs ?

 

Sur le plan intérieur, la sortie de l'Accord de Paris aura une incidence sur le processus américain de réduction des émissions. Lors de sa campagne à l'élection présidentielle, Donald Trump avait qualifié le changement climatique de « canular ». Après son entrée en fonction, il a nommé le climatosceptique Scott Pruitt directeur de l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA). Le nouveau président a aussi effectué des coupes massives dans le budget de l'EPA et a signé un décret portant sur l'« indépendance énergétique ».

 

À vrai dire, Donald Trump envisage de relancer l'économie américaine en puisant, comme autrefois, dans les énergies fossiles. Mais tout ne va pas comme il l'entend. En 2014, la Maison Blanche a publié un rapport d'évaluation signalant que le changement climatique induit par les activités humaines a eu de sérieuses conséquences sur les États-Unis. Le nord du pays est aujourd'hui menacé par la montée des océans, de violentes tempêtes et des inondations, tandis que le sud souffre d'une grave pénurie d'eau. En 2012, les catastrophes liées au réchauffement climatique ont engendré une perte économique de plus de 100 milliards de dollars pour l'Oncle Sam. Si les États-Unis continuent de compter sur les énergies fossiles, le pays accueillera de nouvelles pertes économiques colossales, et non pas le redressement économique visé.

 

De plus, d'après les estimations de l'EPA, si la politique environnementale du Clean Power Plan, est mise en œuvre comme prévu par l'administration Obama, plus de 3 600 décès prématurés causés par la pollution atmosphérique pourront être évités chaque année. Malheureusement, le président Trump a demandé de « suspendre, réviser ou annuler » ce plan. Par conséquent, du point de vue de la santé publique, sa politique de ressusciter l'industrie des combustibles fossiles ira à l'encontre de son engagement de « rendre sa grandeur à l'Amérique ».

 

Le fait que le mécanisme de réduction des émissions tourne au ralenti aux États-Unis aura nécessairement une incidence sur la mise en œuvre globale de l'Accord de Paris. Selon l'évaluation des Nations Unies sur les engagements présentés par les pays, même si tous les pays tiennent leurs promesses, l'objectif phare de contenir le réchauffement climatique en-deçà de 2 °C ne pourra être atteint. Réduire la distance qui nous sépare de cet objectif est un des plus grands enjeux de l'Accord de Paris. Le fait que le deuxième plus grand pays émetteur d'émissions de dioxyde de carbone au monde refuse de respecter son engagement aura un impact direct sur l'action mondiale de lutte contre le changement climatique.

 

Par ailleurs, le gouvernement fédéral américain ne prévoit pas de lancer des initiatives concrètes dans le domaine de la gouvernance climatique avant quatre années au moins et il n'honorera pas sa parole de soutenir financièrement les pays en voie de développement pour que ceux-ci s'engagent sur la voie du développement durable. Cette attitude risque d'affaiblir la volonté politique des pays à moitié convaincus et de rendre les pays les moins avancées plus vulnérables encore aux menaces climatiques.

 

La position ferme de la Chine

 

La « volte-face » opérée par les États-Unis dans leur politique environnementale accentuera la difficulté des autres pays, y compris la Chine, à réaliser leurs objectifs pour le climat. Néanmoins, ce coup de théâtre ne changera pas la tendance en matière de développement durable sur la scène mondiale. Le monde a désormais les yeux rivés sur la Chine, espérant qu'elle devienne un nouveau chef de file dans l'action climatique. Suite à la décision de Trump, le gouvernement chinois a fait savoir qu'elle remplira consciencieusement ses obligations en vertu de l'Accord de Paris et qu'elle renforcera sa démarche de la lutte contre le changement climatique, nonobstant la position des autres pays.

 

En 2016, dans son XIIIe Plan quinquennal, la Chine a décidé de limiter sa consommation d'énergie totale à cinq milliards de tonnes équivalent charbon d'ici 2020, tout en réduisant fortement ses émissions de CO2 et sa consommation d'énergie par unité de PIB. En somme, des objectifs clairs pour assurer le développement bas carbone et la transition énergétique du pays. En outre, la Chine a les moyens aujourd'hui de faire entendre sa voix au sein de la communauté internationale sur le dossier climatique. Afin de promouvoir le processus de gouvernance climatique mondiale et de soutenir les autres pays en voie de développement dans leurs actions de lutte, la Chine a entrepris en 2011 une coopération Sud-Sud qui a permis de renforcer amplement la confiance et la capacité des pays concernés à faire face au changement climatique. Depuis le XIIe Plan quinquennal, le gouvernement chinois a investi un total de 580 millions de yuans pour soutenir les pays en développement sur cette question. En 2015, il a pris l'engagement de créer un Fonds de coopération Sud-Sud sur le climat, totalisant 20 milliards de yuans.

 

Lors du Forum « la Ceinture et la Route » pour la coopération internationale qui s'est clôturé en mai dernier, la Chine a promis d'élargir le Fonds de la Route de la Soie et le Fonds d'aide dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Elle a aussi proposé d'établir l'Alliance internationale de « la Ceinture et la Route » pour le développement vert, afin de prêter main fort aux pays concernés à cet égard. Le concept des « Nouvelles Routes de la Soie vertes » vise à favoriser dans ces pays les coopérations sur l'énergie, la protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique, tout en stimulant l'économie et en multipliant les infrastructures.

 

L'expérience de la Chine est une source directe d'inspiration pour les autres pays qui, comme elle, sont encore en voie de développement. Dans le cadre des Nouvelles Route de la Soie et de la coopération Sud-Sud, d'une part, la Chine cherche à faire valoir le potentiel des marchés ainsi que les milieux industriels et commerciaux. De par son expertise et ses technologies, elle aide parallèlement les autres pays en développement à résoudre concrètement certains de leurs problèmes. D'autre part, la Chine clame haut et fort sa décision de travailler main dans la main avec chacun, pour promouvoir la mise en place d'un processus multilatéral de gouvernance climatique mondiale et pour augmenter la transparence des politiques décidées dans la coopération internationale, afin que la lutte contre le changement climatique soit un défi relevé conjointement.

 

 

*LI RUIXIN est chargé de projet Greenovation Hub, une ONG.

 

 

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