CHINAHOY

29-July-2013

La nouvelle allure de la diplomatie chinoise

 

 

Le président Xi Jinping et son homologue américain Barack Obama, à la propriété de Sunnylands le 8 juin dernier

 

SHEN DINGLI*

Depuis leur entrée en fonction en mars dernier, les nouveaux dirigeants du gouvernement chinois ont insufflé un nouvel élan à la diplomatie chinoise en prenant de nouvelles initiatives. Les visites officielles du chef d’État et du chef de gouvernement se révèlent plus personnalisées, plus souples, et témoignent de plus de confiance.

Les nouvelles initiatives s’articulent autour d’une politique d’équilibre plus affirmée dans un contexte où le rapport actuel des forces permet d’aller de l’avant. Pour ce qui est des intérêts vitaux tels que l’intégrité territoriale et la stabilité des régions limitrophes, la Chine et le Vietnam sont parvenus à un consensus : les deux pays font des patrouilles communes dans les régions maritimes et continentales dont les frontières sont déjà délimitées et décident de faire preuve de retenue sur les mers dont la souveraineté est contestée. Sur le problème de la souveraineté du récif Ren’ai, la Chine montre une ferme volonté tout en cherchant à résoudre le problème par la voie pacifique. Malgré la tension qui planait sur la péninsule coréenne en mars et en avril, la Chine a tout de même proposé de recourir au dialogue et à la coopération, et les positions du chef d’État et du chef de gouvernement sont claires. En coordination et en coopération avec les autres grandes puissances, elle a réussi à susciter le dialogue entre différents pays.

La nouvelle approche diplomatique transparaît aussi dans le programme de visite des dirigeants chinois. Les deux visites du président Xi Jinping montrent les priorités de la diplomatie du nouveau gouvernement. Il s’est ainsi d’abord rendu dans les grandes puissances que sont la Russie et les États-Unis. Deuxièmement, la Chine accorde de l’importance aux pays en développement. La première visite officielle de Xi Jinping, outre la Russie, avait pour destination trois pays africains. Lors de sa deuxième visite présidentielle en juin dernier dans quatre pays d’Amérique, avant les États-Unis, Xi a visité trois pays en développement. Troisièmement, les pays voisins ont la priorité. La Russie est voisine de la Chine, l’Inde et le Pakistan où s’est rendu Li Keqiang sont aussi des pays voisins.

Il est à noter que les pays émergents, surtout les pays du BRICS, sont également des partenaires auxquels la Chine accorde une importance particulière. Par exemple, la Russie, l’Inde et l’Afrique du Sud sont membres des BRICS. Les pays de l’Asie du Sud-Est que le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a visités sont aussi des voisins importants de la Chine. Cela montre que les dirigeants chinois pratiquent une stratégie d’équilibre entre les grandes puissances, les pays en développement et les pays voisins. Les grandes puissances figurent en tête, mais les pays en développement occupent une place de plus en plus importante.

La diplomatie chinoise se montre plus souple et plus confiante. Elle souligne le rôle du dialogue pour renforcer la compréhension et éliminer la méfiance. La Chine se révèle plus pragmatique, s’efforçant de diversifier les canaux diplomatiques au niveau des hauts dirigeants. En tant que pays possédant une civilisation ancienne qui apprécie les rites, la Chine met l’accent sur le protocole lors des visites présidentielles de son chef d’État et elle accorde la même importance aux rites lorsqu’elle reçoit des chefs d’État étrangers. Mais ces derniers temps, la Chine prend des mesures plus pratiques en fonction des situations concrètes où le contenu et la forme des échanges internationaux sont associés de façon souple. Le sommet sino-américain, qui a attiré l’attention du monde entier, révèle que la Chine prend en considération le fonds et moins la forme des entretiens.

Cette visite d’État a fourni aux dirigeants chinois et américains une bonne occasion d’échanger leurs points de vue. Les deux pays pensent que l’important est d’avoir des discussions de qualité et de parvenir à un consensus sur certains problèmes. Lors du sommet à la propriété de Sunnylands en Californie, le dialogue au plus haut niveau entre la Chine et les États-Unis a fait montre de souplesse, tout comme la rencontre entre l’ancien président chinois Jiang Zemin et George W. Bush dans sa ferme privée à Crawford au Texas onze ans auparavant. Quel que soit le niveau des rencontres, le principe diplomatique est le même : les deux pays cherchent, par les discussions sur les problèmes bilatéraux, multilatéraux et mondiaux, à trouver des possibilités d’élargir les coopérations bilatérales, ainsi qu’à contrôler et à régler les divergences qui apparaissent fréquemment entre les deux parties.

D’une part, la nouvelle diplomatie chinoise est pragmatique et vise des résultats concrets, d’autre part, l’objectif de la nouvelle diplomatie est de promouvoir la coopération et de régler les différends. Les parties concernées se soucient plus du contenu. Les sujets des discussions reflètent les problèmes auxquels les nouveaux dirigeants chinois accordent de l’attention. Pour ce qui est des intérêts importants concernant la souveraineté, états-Unis et Chine parlent des intentions américaines sur la politique de rééquilibrage dans la région Asie-Pacifique et des doutes de la Chine qui en résultent. En matière de problèmes régionaux et sous-régionaux, les sujets dont se soucient les deux pays sont vastes : la stabilité de la péninsule coréenne, les relations Chine–Japon–États-Unis, les affaires de la mer de Chine méridionale, le problème nucléaire en Iran et le problème en Syrie. En matière de gouvernance planétaire, certains sujets tels que le maintien de l’équilibre économique, commercial et financier ou le changement climatique sont également incontournables.

Ces derniers temps, la Chine a proposé de construire un nouveau modèle de relations entre les grandes puissances. Le sommet de Californie est parvenu à un certain concensus sur le sujet. Selon le point de vue dominant aux États-Unis, si la Chine respecte le droit international et ne défie pas l’ordre international dominé par les États-Unis, il est possible que ces derniers acceptent le développement pacifique de la Chine. Selon cette logique, les États-Unis et la Chine doivent discuter dans le cadre des règles internationales et sur base de la stabilité de l’hégémonie américaine, sur les intentions et la conduite de la Chine en ce qui concerne les trois sujets suivants. Les États-Unis portent encore un grand intérêt à ces trois sujets même après la rencontre à Sunnylands.

Le premier sujet concerne la stratégie de sécurité informatique. Puisque la Chine a affirmé qu’elle n’avait jamais organisé de cyberattaques contre les États-Unis, sera-t-elle prête à négocier avec les États-Unis des règles internationales sur la cybersécurité ? Le deuxième concerne la stratégie spatiale de la Chine. La Chine s’oppose à la militarisation de l’espace par les États-Unis, peut-elle garantir que sa propre stratégie en la matière soit transparente ? Le troisième concerne la stratégie maritime de la Chine. Du point de vue de la Chine, ses intérêts vitaux en mer de Chine méridionale comprennent les îles et les eaux adjacentes, peut-elle définir ce qu’elle entend par « adjacentes » ? Dans la dispute avec le Japon sur les îles en mer de Chine orientale, la Chine peut-elle trouver un moyen gagnant-gagnant pour réduire les risques d’un conflit sino-américain ?

Aux soucis des États-Unis font échos en Chine d’autres inquiétudes. Alors que les États-Unis s’interrogent sur l’orientation du redressement de la Chine, la Chine s’inquiète des intentions de la stratégie américaine à son égard. En matière de cyberespionage, les techniques américaines arrivent largement en tête dans le monde. Le programme Prism révélé par l’ancien employé de la NSA Edward Snowden dévoile la menace que font peser les États-Unis sur la sécurité des réseaux informatiques des autres pays. De plus, tout le monde sait bien ce que signifie la politique du « rééquilibrage» annoncée par la Maison blanche en matière de stratégie maritime. Alors même que se déploie la stratégie américaine de « retour en Asie-Paficique », la droite japonaise a le vent en poupe et même le premier ministre Abe a prétendu que la notion d’« invasion » devait être rediscutée. Ces actes mettent les États-Unis dans l’embarras. Tous ces problèmes doivent être négociés et être pris en considération par les États-Unis pour qu’ils puissent élaborer une politique à l’égard de la région Asie-Pacifique qui soit à la hauteur de leurs responsabilités. Cela sera favorable à la paix de cette région.

La personnalité des dirigeants chinois attire aussi l’attention du monde et est bien appréciée. Lors de sa visite en Inde, le premier ministre Li Keqiang a parlé anglais dans différentes occasions et a ainsi facilité la communication. Il a évoqué la bonne impression que lui avait faite ce pays lors de sa visite 27 ans auparavant. Ses paroles sont gentilles et touchent le public indien. Son discours a été un succès exemplaire.

*SHEN DINGLI est directeur adjoint et professeur à l’institut des études internationales de l’université Fudan.

 

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