CHINAHOY

3-May-2016

Du rififi en mer de Chine méridionale

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois... Petit florilège.

CHRISTOPHE TRONTIN, membre de la rédaction

Jusqu'à récemment, les pays d'Asie du Sud-Est avaient d'autres chats à fouetter que de relever les vides juridiques, les incohérences et les contradictions du droit international concernant les territoires marins et les îlots déserts qui avaient été tantôt inoccupés, tantôt occupés illégalement, tantôt fait l'objet d'opérations militaires ou de tractations secrètes au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Tout a changé avec le tournant du millénaire. Depuis quelques années, une véritable guerre de position (médiatique) s'enflamme. La Chine « dégaine des missiles en mer de Chine méridionale » titrait récemment Libération, tandis qu'elle « avance ses pions » pour Le Monde, et que la Fondation Gabriel Péri qui organisait un colloque sur ce thème en mai 2015 annonçait avec gourmandise « Nouvelles tensions en mer de Chine méridionale ». Le Figaro se passionne aussi pour ce sujet et lance des salves alarmistes : « Mer de Chine méridionale : la tension monte entre Washington et Pékin » ; « Washington exige l'arrêt immédiat des constructions d'îles » ; « Manille et Hanoï fond un pied de nez à Pékin. »

« L'isolement de Hanoï » titre au contraire Claude Leblanc dans l'Opinion, qui explique « face aux revendications chinoises, le gouvernement vietnamien n'a pas réussi à convaincre ses partenaires de l'ASEAN de le soutenir ». En 2015, il prenait la défense des Philippines en titrant « Les Philippines s'alarment de l'expansionnisme » chinois. On en oublierait presque que tous les pays riverains de la mer de Chine méridionale rivalisent de projets de construction d'infrastructures, qu'il s'agisse d'aéroports, d'installations touristiques, de radars ou de plates-formes pétrolières, sur les quelques 250 îles, îlots et récifs longtemps désertés de la zone. Philippines, Vietnam, Indonésie, chacun s'active, et pourtant seule la Chine et ses installations sont pointées du doigt, à grand renfort de photos satellite et de titres ronflants.

« Les actions de la Chine accroissent considérablement les chances de conflit », s'inquiète le Courrier du Vietnam. Pour le lecteur occidental non averti, l'affaire est claire : la Chine menace ses voisins et veut profiter de sa supériorité militaire pour occuper des îles, îlots et récifs situés dans des eaux internationales. L'unanimité orchestrée de la presse internationale laisse peu de place aux arguments chinois pourtant assez solides. Jugez-en vous mêmes.

Une première catégorie d'arguments est d'ordre historique : les îles, îlots et récifs en question sont cités dans les archives et les poésies chinoises depuis le IVe siècle av. J.-C. Sous la dynastie Qin (221-206 av. J.-C.) on parlait des « trois archipels mystérieux », qui ont été renommés au fil des siècles pour finalement prendre sous la dynastie Qing (1644-1911) leur nom chinois actuel : Xisha (Paracels), Nansha (Spratly) et Zhongsha (Macclesfield). Une souveraineté qui fut exprimée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par la Chine, puis reprise par la République populaire de Chine (1951) sans soulever à l'époque de protestations véhémentes.

L'autre argument est d'ordre géographique : la mer de Chine méridionale s'étend pour sa plus grande partie sur le plateau continental chinois, d'où une revendication du territoire « en forme de U » qui s'étend jusqu'aux mers territoriales des autres pays riverains. Un argument avancé par de nombreux autres pays dans des cas similaires mais qui se prête à des interprétations divergentes.

La situation n'est pas aussi dangereuse que le voudrait la presse mondiale, puisque la diplomatie des pays intéressés travaille en coulisse. Le 20 juillet 2011, à l'issue d'une concertation officielle, ils sont parvenus à un accord préliminaire sur les ressources halieutiques et pétrolières. Un accord incomplet, mais qui pourrait conduire progressivement à une résolution des différends.

Dès lors où est l'urgence, pourquoi ces manchettes alarmistes ?

Un élément de réponse se trouve dans le point commun entre presque tous ces articles. D'une façon ou d'une autre, il y est toujours question d'une politique ou d'actions de la Chine « défiant les États-Unis ». On est en droit de se demander ce qu'ils viennent faire dans cette galère alors qu'ils ne sont ni riverains, ni même signataires de la convention de l'ONU sur le droit de la mer. Pourquoi l'Oncle Sam vient-il avec aplomb distribuer les bons et les mauvais points, appelant, c'est un comble, les uns et les autres au respect du droit international ?

Toujours friande de tensions potentiellement exploitables à son profit, l'hyperpuissance fait miroiter aux uns et aux autres des territoires qui ne leur appartiennent pas, se créant des alliés de circonstance pour arbitrer le débat.

L'amiral américain Harris explique pourquoi son pays doit absolument prendre le contrôle de la région. « La mer de Chine méridionale voit transiter chaque année pour 5 300 milliards de dollars de marchandises dont 1 000 milliards destinées aux États-Unis, et abrite également de nombreux câbles de communication sous-marins. » Un argument qui sonne creux : ce commerce et ces infrastructures sont vitaux pour la Chine qui n'a bien entendu ni intérêt ni intention de les restreindre...

Tout le contraire de ses rivaux stratégiques qui poursuivent une opération d'encerclement naval et médiatique de la Chine.

 

 

La Chine au présent

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