CHINAHOY

17-February-2013

Rétablissement naturel de l’écosystème

 

LI YUAN, membre de la rédaction

 

La Chine est l’un des pays les plus touchés par la désertification. À la fin de 2009, les terres désertifiées et les terres ensablées représentaient respectivement 27,33 % et 18,03 % du territoire chinois. Un bon nombre d’initiatives ont été formulées et mises en place pour s’attaquer à ce problème, lesquelles ont donné des résultats encourageants. Parmi elles, on compte un programme lancé par Jiang Gaoming, chercheur à l’Institut botanique de l’Académie des Sciences de Chine. Ses études sur la lutte contre la désertification à Otindag, dans la Région autonome de la Mongolie intérieure, ont été reprises dans les manuels universitaires américains et largement couvertes par les médias chinois et étrangers.

En 2000, M. Jiang et son équipe ont établi une enclave au cœur d’Otindag, pour faire des expérimentations en faveur de la restauration écologique. Après douze années d’efforts, la bande de terre gravement désertifiée d’hier est devenue un vert pâturage aujourd’hui.

 

Du reboisement au rétablissement de l’écosystème

Pour lutter contre les tempêtes de sable qui frappaient Beijing et Tianjin, la Chine a lancé en 2000 un projet contre la dégradation écologique dans les zones où celles-ci se forment. La même année, l’Académie des sciences de Chine a initié également un projet pour restaurer l’écosystème détérioré dans les zones où s’entremêlent cultures et pâturages à Otindag et dans les régions du nord de Beijing. Jiang Gaoming était en charge d’une zone de 26,8 km2 à Bayinhushuo Gacha.

Otindag est l’une des quatre plus grandes terres de sable en Chine, avec Horqin, Mu-Us et Hulun Buir, toutes situées dans la région autonome de Mongolie intérieure, dans le Nord de la Chine. Couvrant une superficie de 53 000 km2, Otindag se trouve à moins de 200 km au nord de Beijing à vol d’oiseau. Dans les années 1960, ce terrain était recouvert de hautes herbes qui montaient jusqu’aux genoux. Pourtant, le surpâturage a conduit à une érosion sévère du sol. En 2000, les sables mouvants ont augmenté de 2 % dans les années 1960 à 70 % du territoire local, phénomène constituant l’une des causes des tempêtes de sable à Beijing.

Pour le gouvernement chinois et le milieu scientifique, le reboisement occupe une place primordiale dans la reconstruction écologique. Au printemps 2001, M. Jiang et son équipe ont planté des arbres à Bayinhushuo Gacha pour former des bandes de protection contre le vent, mais une grande partie d’entre eux sont morts l’année suivante, sous le coup de la sécheresse.

Pour lutter contre l’ensablement, des habitants locaux lui ont suggéré : « Si la zone est fermée, les herbes vont pousser en abondance. » Cette idée a inspiré M. Jiang. Mais une question s’est immédiatement posée : où les éleveurs allaient-ils faire paître leurs troupeaux si la zone était entourée ?

M. Jiang a délimité un terrain de 1 000 mu (1 mu = 1/15 hectare) pour s’en servir comme zone d’expérimentation, soit 2,5 % du territoire local. Là, avec son équipe, ils ont creusé des puits, mis en place des lignes électriques, construit des routes et planté des espèces à haut rendement, afin de satisfaire les besoins en fourrage des éleveurs. Le reste du territoire, soit 97,5 %, a été clôturé et interdit au pâturage en vue du rétablissement.

En 2008, la couverture végétale dans la zone d’expérimentation a atteint une moyenne de 60 % : elle était de 100 % pour quelques parcelles. La renaissance de la flore a été accompagnée par une renaissance de la faune. Cohabitent aujourd’hui dans la steppe loups, renards, lapins et nombre d’oiseaux sauvages, comme les cygnes et les grues cendrées.

 

Le défi du développement durable

La « restauration naturelle spontanée » n’est pas un concept nouveau. On le retrouve dans la philosophie chinoise qui recommande « gouverner dans le respect de la nature », ainsi que dans l’idée commune d’« interdire l’accès aux montagnes pour y planter des arbres ». Les Alpes en Europe, les zones arides dans l’Ouest des États-Unis et la vallée de Jiuzhaigou en Chine sont de bons exemples de « restauration spontanée ».

Jiang Gaoming, quant à lui, possède deux sources d’inspiration. La première est son professeur M. Bradshaw à l’Université de Liverpool, un expert de renommée internationale dans le domaine de la restauration écologique. Il avait indiqué à M. Jiang qu’il était parfois possible de rétablir l’écosystème sans rien faire, dès lors que la nature pouvait s’en charger. La seconde est la population locale de Otindag. Celle-ci avait mentionné que fermer une zone de pâturage permettrait aux herbes de pousser spontanément, mais que cette solution poserait un problème pour nourrir leurs bêtes.

Selon M. Jiang, le principe de la « restauration naturelle » est assez facile en théorie, bien plus compliqué en pratique. Le problème principal réside dans le fait qu’il faille garantir les revenus des habitants locaux au cours de cette lutte contre la désertification. La dégradation de l’environnement écologique découle de la surexploitation des ressources naturelles. Pour mener à bien une « restauration spontanée », il fallait fermer une zone spécifique. Mais comme les intérêts économiques des paysans et des éleveurs locaux en seraient affectés, ceux-ci s’opposaient à ce programme.

Pour trouver une solution à cette question, M. Jiang et ses collègues ont travaillé en liens étroits avec les autorités locales, afin d’amener les éleveurs locaux à adapter la composition de leur bétail.

Ils ont suggéré aux villageois d’augmenter leurs revenus en élevant des vaches laitières à haut rendement. Ils ont aussi proposé aux habitants de cultiver du maïs à haut rendement, développé par l’Institut de génétique et de biologie du développement de l’Académie des sciences de Chine, afin de fournir suffisamment de fourrage au bétail. Ce maïs, en plus des herbes qui poussent dans les pâturages appartenant aux éleveurs, pourra répondre à l’alimentation du bétail en hiver, et même au printemps suivant.

En 2007, M. Jiang et son équipe ont proposé d’élever des poules et poulets dans les prairies, parce que ce type d’animaux inflige peu de dégâts et contribuent à l’élimination des maladies des plantes et des insectes nuisibles. De cette façon, jouissant d’un meilleur environnement, leur viande sera plus tendre et plus savoureuse, et cela apportera plus d’avantages économiques. Le concept qui consiste à privilégier l’élevage de volaille plutôt que celui du bétail promeut non seulement la restauration écologique, mais crée aussi des opportunités d’emploi pour les habitants locaux.

Après cinq années d’efforts, la désertification des terres de 130 000 mu à Bayinhushuo Gacha a été un franc succès. Le revenu annuel des pasteurs locaux est passé de 315 à 460 dollars et bien que le vent ait gardé la même force, les tempêtes de sable ne constituent plus une menace dans cette région.

 

La gestion est cruciale

Encore aujourd’hui, Jiang Gaoming se rend à Otindag plusieurs fois par an. Depuis douze ans que son programme est mis en œuvre, la tâche principale de la restauration écologique s’est transformée en celle du développement de l’« industrie des prairies ». Sous ce terme, il faut comprendre la plantation des herbes, l’élevage, la culture des légumes verts et des fruits, celle des aliments biologiques, l’industrie biopharmaceutique, les bioénergies, le tourisme écologique, etc. Le but ultime est de générer des avantages économiques à travers le modèle de la « restauration naturelle ».

« Beaucoup pensent qu’il est difficile de donner une nouvelle vie aux terres ensablées, a expliqué M. Jiang. Mais en fait, le plus important, c’est la gestion. » Il estime que le PIB vert devrait être choisi comme indicateur pour évaluer les résultats obtenus par les fonctionnaires et un mécanisme de compensation écologique devrait être établi. Il préconise également la promotion de l’éducation à l’écologie, encourageant les gens ordinaires à contribuer à la protection de l’éco-environnement.

 

Aujourd’hui, ce concept de « restauration naturelle » attire de plus en plus l’attention et devient un modèle largement copié pour rétablir l’environnement dégradé. La communauté internationale regarde aussi ce concept avec intérêt. En juillet 2007, Dennis Normile, un éminent journaliste pour le magazine américain Science, a rédigé un article sur les résultats obtenus par M. Jiang dans le contrôle des tempêtes de sable à Otindag. Il affirme que si l’expérience de Bayinhushuo peut être appliquée à travers les vastes steppes jadis dominées par Gengis Khan, les tempêtes de sable devraient diminuer.

En 2010, la réédition du manuel universitaire américain Geology and the Environment a exposé l’expérience de Jiang sur la restauration écologique à Otindag. Le livre soutient qu’il faut remplacer les arbres par des herbes, car les arbres dépendent des eaux souterraines tandis que les herbes peuvent survivre simplement grâce à la pluie.

L’expérience de Jiang a également attiré l’attention d’autres pays en proie à la désertification. En septembre 2007, des scientifiques venus de onze pays, dont l’Égypte, l’Iran, la Jordanie, le Pakistan, la Tunisie et l’Ouzbékistan, sont partis à Bayinhushuo pour examiner les effets de la restauration écologique. En 2008, le département de biologie et de géographie de l’UNESCO a présenté le succès de Jiang lors de la Convention sur la lutte contre la désertification tenue au siège de l’ONU. En 2012, le gouvernement pakistanais a introduit et mis en œuvre la technique de M. Jiang consistant à élever de la volaille dans les prairies. Par ailleurs, les gouvernements du Burkina Faso en Afrique et de la Bolivie en Amérique du Sud ont manifesté leurs intérêts à l’égard de l’expérience réussie de la Chine en matière de restauration écologique.

 

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