CHINAHOY

23-January-2017

La maison de porcelaine chinoise

 

La China House à Tianjin (YU JIE)

 

La China House de Tianjin : une passion communicative et des collections incroyables.

 

ZHANG DAOZHENG*

 

La maison située au N° 72 de la rue Chifeng à Tianjin n'est pas une maison ordinaire. On s'en aperçoit de loin, cette construction n'a pas son pareil au monde. Construite dans le style français des années 1920, elle a servi de résidence au diplomate chinois Huang Rongliang. Mais c'est Zhang Lianzhi, président du groupe Yueweixian, qui lui a donné son caractère unique. Depuis 2002, date à laquelle il a signé le contrat qui faisait de lui le propriétaire de la maison et jusqu'à aujourd'hui, il a déployé une énergie inépuisable pour la décorer à sa façon. Recouverte de la collection de porcelaine de M. Zhang, cette maison est désormais surnommée le « musée de porcelaines antiques de la Chine ». Sa valeur est inestimable.

 

Belles porcelaines pour une maison merveilleuse

 

« À l'étranger, la porcelaine est une sorte de symbole de la Chine, c'est pourquoi elle nous est chère », souligne M. Zhang qui cumule les casquettes de vice-président de la Chambre du commerce des Chinois d'outre-mer de Tianjin et de conservateur du Musée de la China House. Et d'ajouter : « La Chine est le pays qui a inventé la porcelaine et ainsi apporté une grande contribution à la civilisation mondiale. Si ma maison est recouverte de porcelaine, c'est pour affirmer cette culture chinoise et la partager avec le monde. »

 

La China House a été à l'honneur le 19 novembre dernier lors de la Nuit culturelle chinoise des diplomates globaux qui se tenait à Beijing. Des représentants de l'ONU et d'autres organisations internationales en résidence en Chine côtoyaient des entrepreneurs chinois et étrangers ainsi que des représentants d'une centaine de pays et territoires étaient présents, se délectant de spectacles liés à la culture traditionnelle chinoise organisés à leur intention. Tout cela visant bien entendu à diffuser la voix de la Chine.

 

À cette occasion, la China House a elle aussi reçu les ambassadeurs et conseillers culturels d'une centaine de pays étrangers comme le Cambodge, le Brunei, les Maldives, le Sri Lanka, le Libéria ou le Tchad. Diplomates et conseillers culturels ont été invités à devenir conseillers afin que ces personnes influentes contribuent à diffuser la culture traditionnelle chinoise, mais aussi tout simplement pour leur permettre d'approfondir leur perception de la Chine au travers de ce symbole de la culture chinoise qu'est la China House.

 

La valeur esthétique remarquable de la China House lui a valu le prix du « Bâtiment culturel du monde », décerné par l'ambassadeur de Barbade en Chine au nom de l'Organisation internationale des diplomates de Beijing.

 

Dans son discours de remerciement, Zhang Lianzhi fut intarissable sur sa maison qu'il qualifia notamment d'élément clé pour la protection et la transmission des civilisations humaines. Un pont qui relie le passé, le présent et l'avenir, elle joue aussi un rôle particulier dans la promotion des échanges et d'enrichissement mutuel des cultures différentes. Fidèle à sa mission historique, celle-ci est aussi la protectrice et témoigne de l'histoire et de la culture chinoises.

 

Zhang Lianzhi présente des porcelaines. (ZHANG DAOZHENG)

 

« Les diplomates sont des messagers qui servent d'intermédiaire entre la Chine et le monde. Nous souhaitons leur montrer une autre Chine en faisant entrer une dimension culturelle dans leur champ de vision », a-t-il par ailleurs souligné.

 

Mohamed Faisal, ambassadeur des Maldives, a accepté avec effusion une porcelaine traditionnelle chinoise que lui offrait la China House. Il a déclaré : « La porcelaine est le symbole de la Chine. Par la China House, j'ai découvert une nouvelle facette de la Chine et de la ville de Tianjin que je ne connaissais pas. »

 

Chaque jour, de nombreux touristes sont attirés par la réputation de ce manoir et font la queue pour le visiter. Parmi eux, de nombreux touristes étrangers. « C'est une architecture vraiment géniale », s'exclame un couple d'Américains en caressant les éclats de porcelaine qui recouvrent un mur. « Des témoins de l'histoire, de la culture chinoise », commente l'homme.

 

Même s'il a séjourné à l'étranger pendant de nombreuses années, Zhang Lianzhi reste viscéralement attaché à sa patrie. Suite à l'achat de la maison en 2002, il a lancé son chantier d'aménagement. Pas moins de 700 millions de morceaux de porcelaine antique, 13 000 vases, plats et bols en porcelaine, plus de 300 statues en pierre datant de différentes dynasties, depuis celle des Wei du Nord (386-534), des Qi du Nord (550-577) et des Tang (618-907), 300 lions sculptés en marbre, 300 oreillers en porcelaine en forme de chat typiques des périodes des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911), une vingtaine de tonnes de cristaux et d'agates... Personne ne se risque à estimer la valeur de la China House.

 

Lorsqu'elle fut pour la première fois présentée au public, en 2007, une cinquantaine d'envoyés et de conseillers étrangers accompagnés de leurs époux et épouses se pressaient pour adresser leurs félicitations à l'heureux propriétaire. « Un vrai miracle, une merveille du monde », s'est exclamé l'ambassadeur égyptien, tandis qu'un haut fonctionnaire de l'ambassade du Nigéria renchérissait : « C'est magnifique, une œuvre artistique extraordinaire ! »

 

Selon Feng Jicai, consultant au Bureau des conseillers dépendant du Conseil des affaires d'État, vice-président de la Fédération des hommes de lettres et des artistes de Chine, Tianjin est surnommé le « Musée des édifices universels ». Mais désormais, un édifice nouveau s'y est ajouté, créé par un Tianjinais, qui ne pourra jamais être reproduit ailleurs dans le monde et qui symbolise la culture de cette ville. Personnalité du milieu de la culture et originaire de Tianjin, M. Feng a calligraphié le nom de la China House en plus d'une expression signifiant « Belles porcelaines pour une maison merveilleuse ».

 

Hommage à la culture de la porcelaine chinoise

 

Zhang Lianzhi se passionne pour la collection et il est devenu une légende nationale, bardé d'une vingtaine de titres honorifiques : il est un célèbre entrepreneur, collectionneur de bibelots, conservateur de musée privé, professeur invité, acteur occasionnel, détenteur d'un record Guinness, contributeur charitable, entre autres distinctions.

 

Né en 1957, Zhang Lianzhi est issu d'une famille de commerçants et d'intellectuels qui vivait dans la concession italienne de Tianjin. L'atmosphère sereine et cultivée d'une famille aisée, une éducation familiale stricte, ont fondé les bases de sa vie future. Ses parents sont aussi attachés à la collection, de ce fait, sa réflexion sur l'art prend son origine dans la tradition et finit par y retourner.

 

« Petit, j'appréciais l'art, en particulier la danse et le théâtre », se rappelle-t-il. « À cette époque, je fréquentais tout ce qui mélangeait le chinois et l'occidental, comme par exemple le violon, la musique occidentale, mais aussi les manifestations de culture nationale. J'adorais les bibelots. » Une ambiance stimulante qui a donné à Zhang Lianzhi son esprit débordant d'ardeur et son goût oriental pour la discrétion.

 

Pendant la Révolution culturelle (1966-1976), Zhang Lianzhi a vu de ses propres yeux les antiquités de sa famille confisquées, un événement qui l'a profondément choqué. Enrichi dans les affaires, il a dépensé des sommes colossales pour racheter des antiquités familiales perdues, aussi bien en Chine qu'à l'étranger.

 

« C'est difficile, c'est compliqué, mais j'y trouve du plaisir » affirme-t-il. Ses collections ont commencé à remplir des entrepôts entiers et il a commencé à manquer d'espace. Des objets se perdaient, tandis que le propriétaire de ses entrepôts s'offrait une voiture de luxe. Zhang Lianzhi essayait de ne pas trop prendre tout cela à cœur, mais il ne pouvait se défendre d'un sentiment d'insécurité. Et finalement, l'idée lui est venue d'utiliser ces antiquités pour décorer sa maison. « Ainsi incrustés, personne ne pourra plus les emporter. »

 

« C'est un essai pour moi : je deviens un artiste. L'idée que je poursuis est de communiquer avec les gens du monde, en toute franchise, à travers l'architecture. » Zhang Lianzhi est l'auteur d'une maison couverte de morceaux de porcelaine et poursuit son rêve d'enfance. Alors que des visiteurs comparent à un serpent les longues ondulations de mosaïque en porcelaine qui surmontent les murs d'enceinte, il explique, souriant, qu'il s'agit en fait d'une imitation des objets que tricotait sa mère. Lorsqu'on lui demande quel plan il a suivi pour décorer sa maison, il répond franchement : « Je colle ces objets où je vois un espace libre, ma création artistique ne tarit jamais. »

 

Un comportement frénétique qui en a surpris plus d'un. Mais lorsque quelqu'un exprime des doutes sur la valeur artistique de la China House, Zhang Lianzhi ne s'offusque pas : « Ce sont là des propos de profanes qui n'y connaissent rien. » Il se refuse à toute estimation de prix : «  Depuis le début de ma création, je n'ai jamais songé à l'argent. » Il ajoute : « Je ne me soucie pas de disputer et d'argumenter. Je suis heureux si ma maison fait découvrir la culture de la porcelaine chinoise à un nombre sans cesse croissant de Chinois. »

 

Il ne cesse de le répéter, la Chine est la patrie de la porcelaine. Pourtant, il regrette que la perception du public soit si souvent superficielle, viciée par l'importance attachée à la valeur monétaire des objets anciens plutôt qu'à la culture qu'elles renferment. « Une vision à combattre impitoyablement », insiste-t-il.

 

Feng Jicai a de son côté attribué l'origine et la réalisation de la China House à l'imagination quasiment fanatique du collectionneur. Autant de personnes, autant d'avis. « L'art peut et doit faire l'objet de discussions. Plus on en discute, plus il est précieux. Cette époque est vraiment étrange, parce que nous voyons des idées se concrétiser en dépit de leur étrangeté. La China House est un objet d'art contemporain, quelque chose que l'on n'a jamais vu dans le passé en Chine. Son concepteur aimait tant la porcelaine qu'il a trouvé ce moyen audacieux pour partager sa collection avec le public », explique M. Feng.

 

« Il s'agit de ma propre création, mais aussi d'une richesse culturelle qui appartient à toute la société. » Pour Zhang Lianzhi, l'aménagement de cette maison, né de son amour pour la culture traditionnelle chinoise, représente également une lettre d'amour écrite sur des morceaux de porcelaine pour le monde entier.

 

En tant que représentant des entrepreneurs chinois outre-mer et membre du Comité municipal de la CCPPC de Tianjin, Zhang Lianzhi, très sociable, a des amis dans toutes les couches de la société, que ce soit dans les milieux culturel, artistique, médiatique, politique ou même de la haute couture. Il ne peut s'empêcher de mentionner la China House dans chaque conversation. C'est sa maison qui a valu à Zhang Lianzhi un grand nombre d'amitiés nouvelles.

 

Pour lui, la China House illustre un idéal artistique et incarne son caractère audacieux. Recouvrir une ancienne maison de morceaux de porcelaine antique, y ajouter un souffle créateur qui lui donne une nouvelle vie et un nouveau sens, c'est un enrichissement de son ancienne activité de collectionneur d'antiquités. Le respect qu'il porte à l'histoire et à la culture de la porcelaine chinoise n'en est en rien diminué.

 

« Chaque morceau de porcelaine comporte à la fois des souvenirs de mon enfance à Tianjin et une parcelle de la splendeur de l'histoire chinoise cinq fois millénaire », affirme Zhang Lianzhi. Aujourd'hui, la China House est un monument emblématique du tourisme culturel à Tianjin, elle accueille tous les jours des milliers de touristes. À l'occasion des fêtes et jours fériés, on a même parfois dépassé dix mille visiteurs quotidiens.

 

Pour terminer l'interview, Zhang Lianzhi nous dévoile son projet de musée qui doit bientôt voir le jour et sera baptisé La Nouvelle Route de la Soie. Administré par la China House, il sera largement ouvert au public. Une fois de plus, des objets de l'antiquité chinoise, la plupart en porcelaine, dévoileront leurs charmes au monde d'une manière nouvelle.  

 

*ZHANG DAOZHENG est directeur de la rédaction centrale du Bureau de Tianjin de l'Agence de presse Nouvelles de Chine.

 

La Chine au présent

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