CHINAHOY

28-December-2016

Des petites enveloppes rouges qui en disent long

 

Les Chinois ont l'habitude de s'offrir un hongbao contenant de l'argent, mais les professeurs de l'école Congtai, à Handan (Hebei), y ont mis des vœux se rapportant aux particularités de chaque élève, leur souhaitant de faire des progrès pendant la nouvelle année.

 

LINDSAY PRADELLE, membre de la rédaction

 

Qui ne s'est pas déjà demandé quel est tout ce tapage autour de ces petites enveloppes rouges ? Quand on vit en Chine depuis un certain temps ou que l'on est invité à un événement de la vie dont les protagonistes sont Chinois, on aura forcément côtoyé la tradition d'offrir un hongbao, qui en réalité, est tout un art.

 

Origines du hongbao

 

Peu sont les Chinois qui aujourd'hui connaissent encore les origines du hongbao, dont la traduction, comme vous l'aurez compris, est « enveloppe rouge ». En réalité, il y a différentes versions de l'histoire, mettant pour la plupart en scène un mauvais esprit s'attaquant aux enfants la nuit du réveillon de la nouvelle année chinoise.

 

Dans l'ancien temps, un esprit appelé Sui, entièrement noir en dehors de ses mains qui étaient blanches, apparaissait chaque veille du Nouvel An chinois et venait toucher le front des enfants endormis. Il s'ensuivait alors une forte fièvre et des séquelles mentaux irréversibles conduisant parfois à la mort. Ainsi naquit la tradition de Shousui, qui signifie « attendre Sui », impliquant que l'on reste éveillé toute la nuit à veiller sur les enfants.

 

Mais un jour, selon une première version, une famille de Jiaxing dans le Jiangsu, composée de parents assez âgés, s'évertuaient à garder leur très jeune fils éveillé en l'amusant avec de petites pièces métalliques enveloppées dans du papier rouge, couleur symbolisant la chance. La nuit avançait et l'enfant, puis les parents, ne purent résister au sommeil et s'endormirent, laissant les petites pièces enveloppées dans le papier rouge près de l'oreiller de l'enfant. À peine endormis, Sui arriva et, au moment d'apposer sa main sur le front de l'enfant, il fut effrayé par une lumière dorée jaillissant des pièces dans le papier rouge et il partit. La nouvelle se répandit dans le village et chaque foyer commença à envelopper une pièce dans du papier rouge afin de protéger ses enfants. Cet argent contenu dans le papier rouge s'appelle Ya Sui Qian, dont les caractères originaux signifiaient « l'argent qui élimine le mal » et maintient les enfants en sécurité tout au long de cette nouvelle année, a aujourd'hui gardé la même prononciation mais a subi la modification d'un caractère, prenant le sens de « l'argent qui protège de la vieillesse », en guise de souhait de santé et d'une vie prospère. Au fil des générations, le hongbao a perdu son rôle de protection contre les mauvais esprits, il est progressivement devenu le symbole du don des meilleurs vœux pour les enfants.

 

Une autre version de ce récit conte qu'un couple, apeuré de ce démon qui s'en prend à ses enfants, aurait prié son dieu d'apporter protection à sa famille. Ce dernier aurait répondu à l'appel en envoyant huit fées pour protéger leur nouveau-né du démon Sui. Afin de tromper le mauvais esprit, les fées se sont changées en pièces et se sont placées sous l'oreiller de l'enfant. À l'approche du démon, les huit pièces se sont mises à briller tellement fort que Sui n'y vit plus rien. Effrayé, le mauvais esprit ne revint pas. 

 

Enfin, nous pouvons évoquer la légende du démon redoutable qui terrorisait le village Chang-Chieu à l'époque de la dynastie des Song (960-1279). Les guerriers les plus courageux avaient essayé de le vaincre, en vain. Un jour, un jeune homme de passage dans le village rencontra le démon. Il brandit un sabre magique dont il avait hérité de ses ancêtres et se battit vaillamment avec le démon, qu'il finit par terrasser. Heureux, les anciens du village pensèrent qu'ils avaient été bénis par la présence de ce jeune homme et lui présentèrent en cadeau un paquet rouge rempli d'or comme témoignage de leur gratitude. En donnant ce cadeau au jeune homme, lui aussi serait béni.

 

La tradition et les utilisations actuelles

 

Le hongbao est donné par les adultes mariés aux enfants et aux adolescents, mais aussi aux jeunes adultes non mariés, puisqu'en Chine le statut d'adulte n'est pas déterminé par l'âge mais plutôt par le statut marital.

 

À l'intérieur, on préfère y glisser des billets neufs. L'enveloppe est toujours fermée afin que la personne qui le reçoit ne sache pas ce qu'elle contient. À ce propos, il est considéré comme impoli d'ouvrir un hongbao devant la personne qui l'a offerte, à l'opposé de la tradition occidentale lorsque l'on reçoit un cadeau. On pourrait croire que l'attrait de l'argent est plus important que la signification de bons vœux qu'il exprime. Plus facile de glisser des sous dans une enveloppe que de se casser la tête à trouver des idées de cadeaux, me direz-vous. Mais détrompez-vous...

 

Originellement réservé aux célébrations d'accueil de la nouvelle année lunaire, le hongbao est aujourd'hui présent dans la plupart des fêtes, telles que les naissances, les cent jours des bébés et plus largement les anniversaires, les fêtes d'obtention d'un diplôme, les bonus des employés ou encore les mariages. Le caractère obligatoire de ce don semble atténuer sa signification traditionnelle. L'esprit du hongbao est peu à peu converti d'un vœu puissant en un intérêt pour l'argent en lui-même, et justement, c'est sur ce point que se joue l'art du don de hongbao. Comment savoir combien mettre dans la petite enveloppe rouge ?

 

En fait, cela relève, d'une part, d'une stratégie plus ou moins réfléchie, et d'autre part, du seul respect de quelques coutumes bien implantées telles l'évitement du chiffre quatre qui se prononce comme le caractère de la mort en chinois ou encore du nombre 250 qui est couramment associé à la stupidité. Les chiffres impairs, n'étant pas divisibles par deux, sont, eux, réservés aux enterrements. Les nombres comprenant le chiffre huit, symbole du bonheur, sont les valeurs les plus sûres. C'est donc sur les réflexions stratégiques que les choses se corsent.

 

Le montant du don représente le statut social du généreux donateur, une notion très importante en Chine, mais aussi la force, le degré de proximité de leur relation, en ce sens que plus on est proche, plus la somme sera conséquente. Dans le passé, cette petite enveloppe rouge a même servi des actes de corruption, visant à offrir ses vœux à une personne ayant un pouvoir dont on avait besoin, dans le but de s'attirer ses faveurs. C'est pourquoi, à titre d'exemple, on peut voir aujourd'hui dans certains hôpitaux des écriteaux indiquant que les médecins de l'hôpital en question n'acceptent pas de hongbao. Lorsqu'il s'agit d'événements tels que les mariages, le montant est déterminé par les attentes sociales et ajusté en étudiant combien les autres donnent, sachant que l'argent récolté est censé couvrir les frais de réception. Normalement, une personne invitée, même si elle n'assiste pas à la cérémonie, n'échappe pas au devoir de donner un hongbao aux jeunes mariés. Tous les noms sont ainsi inscrits sur une liste conservée durant toute sa vie par le couple, qui devra reverser la même somme à chaque donneur le jour de son mariage. En conclusion, pour les novices que nous sommes, le don d'un hongbao a un caractère embarrassant car il faut juger de manière appropriée la relation actuelle et souhaitée. Donner trop pourrait insinuer que nous voulons quelque chose, donner trop peu pourrait faire reculer d'un pas la relation car la personne ne se sentirait pas importante, pas proche. Ainsi, la somme en dit plus long qu'on ne le pense et est dépourvue de carte pour l'accompagner et dire ainsi quelques mots qui clarifieraient la relation avec la personne, comme c'est le cas en Occident.

 

En réalité, le hongbao peut désormais représenter un réel fardeau. Le prix des marchandises et donc la somme placée dans le hongbao grimpent chaque année, mais ce n'est pas forcément le cas du salaire. En Chine, il peut atteindre plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'euros ! Pour échapper à toutes ces réflexions et à tous ces devoirs, à la venue de la fête du Printemps, certains choisissent désormais de s'échapper en vacances, loin !

 

Les hongbao restent, la culture originale s'éloigne

 

Ne pas être sur place n'est désormais plus un argument suffisant pour échapper à cette puissante tradition qui a traversé tant de siècles. Si vous ne pouvez venir sur place, les messageries instantanées chinoises largement répandues proposent un service d'envoi d'enveloppes rouges électroniques.

 

La nouvelle année est en effet le théâtre d'une guerre entre les grandes plate-formes de messagerie mobile, qui provoque une déferlante de recherches de hongbao à recevoir. À l'occasion de la nouvelle année en 2015, Weibo et Alipay ont lancé conjointement leur première campagne de hongbao à gagner. En se rendant sur Weibo Hongbao, les consommateurs peuvent non seulement gagner de l'argent virtuel qui sera directement transformé en argent réel sur la plateforme de paiement en ligne Alipay, mais aussi se joindre aux groupes de fans pour offrir un hongbao signé de leurs noms à leur idole. Le fameux programme national du Nouvel An retransmis en direct à la télévision chinoise a choisi WeChat pour distribuer ses quelque 80 millions de dollars offerts par des sponsors sous la forme de hongbao.

 

Lors du réveillon de l'année du singe en 2016, 8 milliards de hongbao ont été envoyés par 420 millions d'utilisateurs de WeChat.

 

À l'heure où les géants tels Tencent ou Alibaba sont en train de rendre possibles à exécuter en ligne chaque action du quotidien, les Chinois s'habituent très vite à recevoir ou offrir des hongbao de cette façon. Envoyer des hongbao est devenu une sorte de jeu entre amis sur les réseaux sociaux qui les rend plus proches. Par conséquent, il est clair que l'on s'éloigne de plus en plus de l'utilisation originale et que l'enveloppe rouge n'est plus seulement réservée aux enfants et au Nouvel An chinois.

 

 

La Chine au présent

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