CHINAHOY

28-September-2017

Quand la Chine investit en Europe

 

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

 

Le choix des termes est tantôt militaire, on parle alors d'« offensive », d'« invasion », de « débarquement » ou encore de « déferlement ». Ou alors la métaphore se fait médicale, et on compare le phénomène à un cancer généralisé : « ils essaiment de partout », « ils investissent tous les secteurs de l'économie ». L'objet de cet émoi ? Les investissements chinois directs à l'étranger.

 

« Les tycoons chinois arrivent chez nous, chéquier en main, pour rafler hôtels, vignobles, clubs de foot, terres agricoles… », explique Capital, sous le titre Peut-on faire confiance aux investisseurs chinois ? Selon La Croix, les entreprises chinoises « ne cachent plus leurs ambitions » et Économie Matin met en garde : « Certaines de ces prises de participation inquiètent les autorités françaises ».

 

Certains font du sensationnalisme : « Il n'y a pas de réciprocité », indique ainsi Capital, précisant que « les entreprises européennes ne peuvent pas faire leur marché en Chine ». C'est faux : le total des participations françaises en Chine est six fois plus important que celui des participations chinoises en France. Vous avez dit réciprocité ?

 

Le fait est que la Chine est un nouveau venu sur le marché des investissements directs étrangers (IDE). Après la crise de 2007-2008, les investisseurs chinois ont compris qu'acheter des bons du Trésor américain ne servait plus à rien avec des taux d'intérêt approchant de zéro, et qu'il valait mieux préparer l'avenir en rachetant des actifs, des technologies et des accès aux marchés étrangers.

 

Cela dit, la Chine qui multiplie ses emplettes stratégiques reste très loin derrière les autres investisseurs majeurs, en particulier les États-Unis. Ces derniers possèdent un quart des IDE, le Japon en détient 6 %, tandis que la part chinoise ne dépasse qu'à peine 2 % des 750 milliards de dollars de participations étrangères dans notre économie. Curieux, non ? Toute la presse s'est émue de voir le Club Med ou une partie du capital de Peugeot passer sous pavillon chinois, alors que le dépeçage d'Alstom, un des leaders mondiaux dans le domaine des turbines à vapeur, au profit de l'américain General Electric n'a choqué personne.

 

François Miguet, s'émerveille dans Capital de la capacité des Chinois à détecter les forces et les atouts des différents pays mieux que ceux-ci ne le font eux-mêmes, et donc d'obtenir des deals qui s'avèrent plus juteux que prévu. La France par exemple qui voit son secteur touristique comme « non stratégique » est contredite par la Chine qui y investit en priorité. Club Med, Pierre et vacances, chaînes hôtelières Campanile, Accord, Kyriad, vignoble bordelais, aéroport de Toulouse... En Allemagne, c'est surtout les secteurs des machines-outils et de la robotique qui intéressent les Chinois, tandis qu'en Grande-Bretagne, ils étudient de près le secteur financier... Partout on pousse le même cri : « Les Chinois arrivent ! Ils rachètent tout ! »

 

En réalité, la question n'est pas de savoir si les investissements étrangers sont chinois ou non. Ce qui attire vers l'Europe les investisseurs extra-européens, c'est avant tout l'absence de vision industrielle, le renoncement à toute ambition stratégique qui font ressembler le continent à un magasin en faillite qui afficherait « Liquidation totale ! ».

 

Par ailleurs, un investissement chinois ne vaut-il pas mieux qu'un investissement américain ou qatari ? Contrairement aux « fonds vautours » qui ne visent que la rentabilité à court terme et n'hésitent pas à découper en rondelles des fleurons industriels pour les revendre « par appartements », les investisseurs chinois arrivent avec des plans à long terme. Ils apportent dans la corbeille un accès privilégié au fabuleux marché chinois, des investissements importants et le plus souvent des créations d'emploi.

 

Au final, les industriels chinois montrent plus de considération pour le salarié européen que les capitaines d'industrie indigènes. Alors que ces derniers continuent de délocaliser à tour de bras et de brader les actifs au plus offrant, nos amis chinois reconnaissent l'excellence européenne et renversent, dans une certaine mesure, la vapeur de la désindustrialisation.  

 

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