CHINAHOY

1-September-2017

Gaozu des Han (202–195 av. J.-C.)

 

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

 

Si l’ascenseur n’est pas une invention chinoise, les Chinois ont inventé l’ascenseur social, tel qu’en témoigne l’histoire peu commune de l’empereur Gaozu, fondateur de la dynastie Han (202 av. J.-C.–220).

 

Alors que la dynastie Qin (221–207 av. J.-C.) s’enfonçait dans le chaos et que les révoltes régionales se multipliaient, un certain Liu Bang se faisait tirer les oreilles par son père dans le village de Feiyu situé au nord de l’actuel Jiangsu. Si cet adolescent jovial et charismatique, qui n’avait pas sa langue dans sa poche, faisait le désespoir de ses parents, c’est qu’il n’avait aucun goût pour le travail manuel et qu’il faisait fréquemment l’école buissonnière, d’où ce surnom familial de « petit sagouin » qui lui collait à la peau. Pour tout arranger, Liu Bang avait de mauvaises fréquentations et se livrait à toute sortes de trafics illégaux qui lui valurent de nombreux démêlés avec les représentants de l’ordre public. En langage moderne, on dirait que ce « jeune » était « défavorablement connu des services de police ». Heureusement pour lui, il se lia d’amitié avec un magistrat devant lequel il dut comparaître à la suite d’une de ses frasques. Le juge Zhang Er voulut lui donner une chance de s’amender et l’accueillit dans sa demeure.

C’est ainsi que le paysan Liu Bang fit son entrée dans le milieu de la bourgeoisie où son effronterie et son sens de la répartie allaient rapidement lui valoir une certaine renommée. Un jour qu’il se présentait à la fête donnée par un notable local qui avait annoncé qu’il ne recevrait que ceux qui lui feraient un don d’au moins 1 000 sapèques, il rétorqua qu’il apportait un cadeau d’une valeur de 10 000 sapèques. Estomaqué, le vigile laissa entrer Liu Bang qui se dirigea droit vers le maître de maison auquel il raconta sans vergogne son coup de bluff. Le notable local fut si impressionné par la prestance de ce jeune arriviste qu’il lui proposa sa fille en mariage ! Cette dernière devait devenir l’impératrice Lü.

De fil en aiguille, Liu Bang allait accéder au grade d’officier dans l’administration locale, où il fut chargé de l’escorte et du transport de prisonniers de droit commun. Un jour, alors qu’il emmenait un convoi pénitentiaire, une grande partie de ses prisonniers parvinrent à s’échapper. Liu Bang comprenait parfaitement que cette étourderie allait lui coûter cher. Refusant de se résigner à un sort misérable, il décida de prendre les devants et d’entrer dans la clandestinité. Il se révolta à la tête d’une petite bande composée des prisonniers restants et des paysans.

En ces temps troublés, ces bandes étaient nombreuses et se faisaient une concurrence féroce. Leurs meneurs parvenaient parfois à prendre le contrôle d’une région et devenaient très riches et puissants. Liu Bang s’établit dans une région qui correspond en gros à l’actuel Henan.

En 209 av. J.-C., il entra en contact avec d’autres meneurs de révolte, Chen Sheng et Wu Guang. Ces deux-là avaient des ambitions autrement plus vastes : ils ourdissaient un soulèvement visant à renverser l’empereur ! La fin de la dynastie était proche et les rébellions de ce genre se multipliaient dans tout l’empire. Liu Bang se vit en compétition avec un certain Xiang Yu qui dirigeait un groupe de révolutionnaires venu de la région de Zhao.

Tantôt en rivalité avec Xiang Yu, tantôt coopérant avec lui, Liu Bang se retrouve finalement maître du Sichuan tandis que son rival s’autoproclame « hégémon du royaume de Chu de l’Ouest » qui représentait alors la moitié de la Chine d’aujourd’hui. Cette situation ne pouvait évidemment pas satisfaire l’ambitieux qui rongeait son frein en attendant une occasion de prendre le meilleur sur son rival. L’occasion se présente en 206 av. J.-C. : alors que Xiang Yu doit prendre la tête d’une expédition pour mater une rébellion en cours, Liu Bang en profite pour attaquer le royaume de Chu. Jusqu’en 202 av. J.-C., escarmouches et alliances avec des royaumes voisins opposeront les deux prétendants jusqu’à la fameuse bataille de Gaixia qui donnera finalement l’avantage à Liu Bang.

En 202 av. J.-C., il est couronné empereur et donne à la nouvelle dynastie le nom de « Han ». D’abord très sceptique envers les préceptes confucéens, c’est finalement lui qui introduira le confucianisme comme principe de gouvernement dans l’empire chinois, une école qui sera suivie par ses successeurs de la dynastie Han.

 

 

 

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