Sommaire du Avpil 2001
 

L'estampe du Nouvel An de Taohuawu

L'ESTAMPE du Nouvel An, une sorte d'image populaire répandue en Chine depuis des centaines d'années, fait partie des images xylographiques. On obtient une estampe selon le processus de fabrication suivant: esquisse, gravure, impression et chromolithographie. Très en vogue à l'époque de Qing (1644-1911), cette image était l'un des articles dont la préparation était essentielle aux célébrations du Nouvel An.

Taohuawu, producteur de l'estampe du Nouvel An

Taohuawu se trouve dans la ville de Suzhou, une très belle ville du Sud de la Chine. Son nom (en chinois, Taohuawu signifie la fleur de pêcher), évoque un lieu charmant. Aux yeux des Chinois, la fleur de pêcher a toujours été synonyme de beauté et de bonheur. Tao Yuanming (376-427), un lettré de la dynastie des Jin, décrit dans sa prose intitulée Taohuayuanji un pays de pêchers en fleurs, isolé du monde, comme un paradis terrestre, à l'abri de tous les malheurs.  Depuis lors, en Chine, le pays des pêchers en fleurs est devenu synonyme de Shangri-la et d'Utopie, un État à l'organisation idéale.

Suzhou est une ville au paysage pittoresque, à l'économie prospère et à la culture développée. Les peintres les plus renommés de la dynastie des Ming (1368-1644) comme Shen Zhou, Tang Yin, Wen Zhengming et Qiu Ying, en étaient tous originaires. Appelés les " quatre grands peintres des Ming ", ces artistes sont aussi des représentants de l'école de peinture de Wu.

C'est surtout Tang Yin, qui habitait à Taohuawu, qui se nommait l'Immortel des fleurs de pêcher. C'est là qu'il fit de la peinture en prenant du vin. Dans ce magnifique paysage naturel, il acheva beaucoup de belles œuvres

Taohuawu possède non seulement des artistes talentueux comme Tang Yin, mais aussi de grands peintres populaires.

Dès la dynastie des Ming, la technique de l'impression xylographique était déjà très développée à Taohuawu.  L'estampe et les figures romanesques et théâtrales y étaient imprimées.

Dans la dynastie des Qing, l'envergure de fabrication de l'estampe du Nouvel An était déjà passablement remarquable. Taohuawu devint un endroit célèbre de la vente en gros d'estampes, et ses produits se répandirent aux quatre coins du pays et furent introduits au Japon et dans les pays du Sud-Est asiatique. C'était l'âge d'or de l'estampe de ce genre. Certaines œuvres admirables qui sont dispersées dans le monde ont été produites dans cette période. Il est fort regrettable d'en trouver si peu.

À l'époque de l'insurrection des Taiping (1851-1864), dans la ville de Suzhou encerclée par l'armée des Qing, un incendie sévit pendant sept jours et détruisit des ateliers et des boutiques d'estampes. Les planches et les œuvres périrent au cours de cet incendie. Les estampes de la vieille édition encore existantes furent gravées et imprimées pour la plupart à la fin de la dynastie des Qing, certaines autres furent reproduites à partir des estampes achevées au milieu de la dynastie des Qing ou de l'édition encrée.

Pendant la première moitié du XXe siècle, à cause de la fréquence des guerres et de l'agitation sociale, le travail d'estampe à partir de la gravure sur bois tomba en décadence. Après la fondation de la Chine nouvelle en 1949, on rassembla et imprima plus de 200 spécimens représentatifs de toutes sortes d'estampes dans la ville de Suzhou. Par la suite, les planches furent rassemblées pour être remisées. Pendant la période de la Révolution culturelle (1966-1976), les planches, mal conservées, se détériorèrent et furent détruites. Dans la décennie 90, caractérisée par la réforme et l'ouverture, cet ancien art populaire a attiré de plus en plus l'attention populaire. L'estampe du Nouvel An de Taohuawu a retrouvé de la vigueur et de  nouvelles œuvres ont fait leur apparition.

L'estampe du Nouvel An Image des dieux

Avant 1912, la Chine a toujours utilisé le calendrier agricole, et le Nouvel An était la première fête de l'année (environ dans la première décade de février). C'était la fête la plus importante pour les Chinois. Les activités entourant les célébrations duraient presque un mois avant ou après la fête. Aujourd'hui, cette fête est appelée " la fête du Printemps ". Depuis toujours, on en fait grand cas, estimant que cette fête signifie le retour du printemps et le réveil de la nature. C'est aussi la transmigration du sort de la vie humaine.

À ce moment, chaque famille affiche des estampes pour rehausser l'ambiance de fête et exprimer son aspiration à une vie heureuse. Tous les membres espèrent avoir de la chance au cours de la nouvelle année.

Parmi ces estampes, Image des dieux est un exemple représentatif. D'une hauteur d'un mètre, cette grande œuvre précieuse est très rare. L'image est divisée en cinq parties par des nuages, et ces parties présentent 68 personnages. Il est rare de trouver des personnages représentant des religions, des théories et des rangs différents dans une même image. Dans la première partie de cette image, les principaux personnages sont  Sakyamuni, Confucius et Lao Zi qui représentent respectivement le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme. Les personnages principaux de la deuxième partie sont la déesse de la Miséricorde et les deux empereurs Yan et Huang, premiers ancêtres des hommes. La troisième partie comprend l'empereur de Jade et les immortels célestes. Des généraux, comme Guan Yu, occupent la quatrième partie. Quant à la cinquième partie, elle illustre principalement trois fonctionnaires: ceux du ciel, de la terre et de l'eau, capables de procurer le bonheur, d'absoudre les fautes des gens et de chasser le malheur.

Parmi ces personnages, les uns sont dans le ciel, les autres sur la terre et certains autres sont fictifs. Ces concepts créatifs représentent le caractère de l'art folklorique. Les artisans sont pour la plupart des gens ordinaires, ce ne sont pas des experts ou des chercheurs embarrassés par les règles et les formules périmées. Dotés d'une riche expérience de la vie, ces gens connaissent bien les souffrances et les besoins du peuple. Ils ne s'attardent pas aux relations complexes entre les religions et aux discussions sur les croyances. Comme les gens ordinaires, à leurs yeux, le dieu est l'incarnation de la justice, du vrai, du bon et du beau, et il défend les intérêts du peuple. Le dieu est une aspiration à la justice, à la lumière et un appui pour l'âme. Pour les gens de la Chine antique, il n'existait pas d'abîme infranchissable entre l'homme et les dieux. Les dieux n'étaient pas tout à fait une fiction pure et simple. Parmi eux, il y avait des sages issus du monde, et l'homme que le peuple vénérait était aussi un dieu. Guan Yu, un général d'une loyauté à toutes épreuves, était un officier fidèle de son vivant et fut considéré comme un dieu de la guerre fort courageux après sa mort.

Image des dieux reflète cette idée. Dans cette estampe, les 68 personnages sont tous des hommes exemplaires qui font des bonnes œuvres et sont des bienfaiteurs. Ils sont dignes d'être respectés par le peuple. Bien entendu, dans une même estampe, on invite les dieux à venir chez soi pour les vénérer et réaliser ses espoirs à peu de frais.

Les estampes sur le théâtre et les histoires

Dans l'ancienne Chine, l'éducation n'était pas si développée et si généralisée qu'aujourd'hui. Les intellectuels n'étaient pas nombreux, et les femmes qui savaient écrire et lire, encore moins nombreuses. Mais les estampes portant sur le théâtre et les histoires étaient intéressantes et faciles à comprendre. Pour les enfants et les illettrés, c'était un manuel hors pair.

Parmi les estampes de Taohuawu, les œuvres de ce genre sont nombreuses. Leur contenu portent sur des pièces de théâtre et des histoires qui racontent, à travers des personnages et des événements typiques, les principes de la vie en société et les règles de la moralité publique, etc.

L'estampe Officiers et soldats de la famille Yang est constituée de deux pages, et sur chacune, huit images racontent une histoire en bande dessinée. Les seize images résument les actes héroïques des trois générations de la famille Yang dans leur résistance contre les envahisseurs d'autres nationalités, à l'époque de la dynastie des Song du Nord (960-1127).

Dévouement du général Yue Fei à sa patrie dépeint le drame de Yue Fei, général connu qui a résisté à l'agression des Jin de la dynastie des Song du Sud (1127-1279). Il a accompli bien des exploits pour regagner le territoire perdu, mais il fut faussement accusé et assassiné par le malfaiteur Qin Hui. Malgré sa mort, il a toujours été un héros dans le cœur du peuple et a laissé son nom à la postérité, alors que Qin Hui, tristement renommé, fut rejeté par le peuple.

Une estampe datant du règne de l'empereur Guangxu de la dynastie des Qing (1899) est intitulée Le Bœuf et le printemps. Elle comprend six petits dessins qui présentent le bœuf et les trois immortels, ceux qui sont responsables du bonheur, de la fortune et de la longévité, et quatre images qui racontent des histoires: 1. Une veuve nommée Fang Hushi observe son veuvage et assume la charge de nourrir sa belle-mère. Son fils réussit à passer le dernier examen impérial. 2. Une mère du nom de Wang Xushi noie ses deux filles; son fils meurt subitement. 3. Chen Sanqing, un mauvais fils qui maltraite sa mère, est mordu par un grand serpent. Sous les implorations de sa mère, l'acte de vengeance est arrêté. 4. Une belle-mère bat cruellement la fiancée-enfant de son fils, elle devient elle-même une fiancée-enfant maltraitée lors de sa réincarnation.

Ces histoires inventées illustrent une même théorie: le bien sera récompensé par le bien et le mal, par le mal. Bien que ces histoires portent une touche de superstition, elles servent à conseiller aux gens de cesser leurs mauvaises actions et d'en faire de bonnes. C'est un conseil salutaire pour le bonheur de la famille et la paix de la société.

À l'époque féodale, les gens pauvres qui ne savaient pas écrire enrichissaient leurs connaissances à l'aide de l'art populaire sous toutes ses formes, tels que le théâtre, les récits des conteurs et la peinture. Ils ne pouvaient pas apprendre aux enfants à lire et à écrire, mais ils pouvaient leur raconter des histoires et leur expliquer le sens des bandes dessinées. Avec les personnages et les histoires en images, ils leur apprenaient à distinguer le bien et le mal. C'est justement en s'appuyant sur cette forme aussi ancienne que simple, que les bonnes vertus traditionnelles chinoises se sont transmises de génération en génération. L'estampe, en tant que moyen de diffusion, joua un rôle très important.

Appui moral

Un proverbe chinois dit: " Dessiner une galette pour tromper sa faim ". Ce qui est spirituel ne peut remplacer ce qui est matériel, mais il est indéniable que ceux qui souffrent du froid et de la faim ont aussi besoin d'un appui moral. Dans l'ancienne société, au moment du Nouvel An, les gens qui fuyaient leurs créanciers, même s'ils étaient pauvres, achetaient aussi une image des dieux gardiens pour l'afficher sur leur porte, afin de refuser l'entrée à ceux qui demandaient le paiement de leur dette. Naturellement, la plupart des gens utilisaient l'estampe pour exprimer leurs vœux. Celui qui espérait avoir un enfant achetait Qilin offre un fils; l'intellectuel voulait obtenir Lauréat des examens impériaux; quant aux parents, ils se procuraient  Bonne entente et bonheur. Les images des dieux de la Fortune et du génie du foyer étaient demandées par presque chaque famille.

Parmi les estampes du Nouvel An de Taohuawu, une image constituée d'une série de dessins présente la punition de dix maris infligée par leur épouse. Elle ridiculise impitoyablement le pouvoir marital de la société féodale et lance un défi à la conception traditionnelle selon laquelle l'homme est supérieur à la femme. Cette estampe est fort significative. Sur les images sont écrites les causes de la punition, dont certaines sont tirées par les cheveux. Par exemple, l'un est puni parce qu'il est rentré trop tard d'un rendez-vous avec son ami; l'autre n'a rien fait de répréhensible, mais sa femme est trop brutale. Bien entendu, il y en a aussi qui doivent être punis: celui qui fréquente une prostituée et celui qui épouse une concubine, par exemple. Cette estampe en forme de caricature ajoute de la gaieté au Nouvel An. Les images et les textes sont un peu vulgaires, mais n'ont aucune mauvaise intention.

La beauté féminine a toujours constitué un contenu important de la peinture. Les estampes de Taohuawu ne font pas exception. Tang Yin, célèbre peintre de la beauté féminine dans l'histoire chinoise, habita à Taohuawu. Les artisans populaires de cette contrée étaient tout aussi célèbres et talentueux. Ils ont laissé derrière eux beaucoup de peintures célèbres célébrant la beauté féminine.

Pour les peintres chinois de l'Antiquité, la beauté féminine fut depuis toujours la représentante et le symbole de la beauté de l'humanité tout entière. Durant les dynasties chinoises, d'innombrables belles femmes ont été considérées comme des déesses. Parmi celles-ci, on peut citer: Xishi, Diaochan, Wang Zhaojun, Yang Yuhuan, etc. Des peintures en leur honneur sont communément appelées " peinture des quatre beautés ".

Les peintures de la beauté féminine de Taohuawu sont très riches de contenu. Beaucoup de belles femmes inconnues de la population y sont peintes. Le style des peintures ressemble à celui de la peinture traditionnelle chinoise. Elles représentent la beauté typique de la femme orientale. Nulle part dans cette peinture vous ne trouverez des femmes nues. Ces beautés sont toujours couvertes de très beaux et somptueux habits, pour la plupart des robes longues aux manches amples. On peut donc en déduire  que les dessins des belles femmes de l'Antiquité décrivaient essentiellement l'expression du corps et du visage, c'est-à-dire une beauté intérieure. Leur visage est le plus souvent de forme ovale, le menton est pointu, les sourcils, recourbés, les yeux, allongés, le nez, droit et la bouche, petite. Ce sont des critères de la beauté féminine dans la Chine antique. Des femmes de la couche ouvrière figurent aussi dans les estampes de Taohuawu . Elles sont des filles de familles paysannes ou de pêcheurs.

Dans les estampes de Taohuawu, il y a aussi des peintures qui décrivent les us et coutumes, le paysage et la mode. Citons Dix beautés jouant au football. Dans cette œuvre, le paysage et les personnages se confondent à merveille. C'est une caractéristique de cette forme de peinture: il y a beaucoup de choses à observer. Les costumes et l'expression du visage des dix femmes sont presque pareils. Ce qui est différent, c'est leur expression corporelle, surtout celle des trois femmes en train de jouer au football. Elles sont d'une souplesse et d'une beauté parfaites. Il faut dire que cette image n'a rien à voir avec le football pour femmes d'aujourd'hui. Elle exprime, pour être un peu plus précis, une sorte de démonstration acrobatique. Certaines œuvres expriment surtout un paysage comme par exemple: Image de la porte Changmen de Suzhou, d'autres décrivent des choses nouvelles comme La gare de Shanghai, etc.

Les peintres des estampes du Nouvel An de l'Antiquité chinoise ont ainsi acquis trois sortes d'expériences:

1. Un aspect théâtral est nécessaire dans l'image;

2. Un bon texte doit accompagner l'image;

3. L'image doit être belle.

Il existe toutes sortes d'estampes du Nouvel An de Taohuawu. La plupart d'entre elles respectent ces trois critères.

LIAO ZENGBAO et HUO JIANYING

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