Les
chaussures chinoises
LA
culture vestimentaire chinoise est riche et variée et les chaussures
ont un style qui leur est propre. La recherche sur l'origine de
la culture des chaussures chinoises est un sujet passionnant.
Des
pieds bandés à la botte en cuir
Durant l'Antiquité, on
classait les vêtements en trois catégories: le vêtement couvrant
la partie supérieure du corps, le vêtement couvrant la partie inférieure
et tout ce qui habillait les pieds, telles les chaussures et les
chaussettes. Dans les anciens caractères chinois, tant pour la chaussette
que pour la chaussure, la clé est la même: le cuir, qui était illustré
sur carapace et sur os par la forme d'un animal éventré. Ces connaissances
nous permettent de comprendre les relations de la chaussure et de
la chaussette avec le cuir, à l'époque où les caractères ont été
créés. En effet, à l'origine, les chaussures étaient des chaussettes
faites de peau d'animaux, mais elles n'avaient pas la forme des
chaussettes d'aujourd'hui qui suivent la forme du pied. Plus précisément,
ce genre de chaussures ou de chaussettes n'était qu'un cuir servant
à bander les pieds pour les protéger contre le froid. Les ancêtres
retiraient la peau de l'animal avec un couteau de pierre, et ils
s'enveloppaient ensuite les pieds d'une lanière. D'après les déductions
des spécialistes, ce genre de " chaussures " rudimentaires
a été porté pendant l'âge de pierre.
Suite à l'invention de
l'aiguille d'os, du fil de tendon séché et du cuir d'animal, amolli
avec de la sève de plantes et du gras animal, les hommes primitifs
purent coudre des " chaussures de cuir ".
Jusqu'à
présent, les chaussures en cuir les plus raffinées qui ont été découverts
sont celles qui habillaient les pieds de la Belle de la Cité antique
de Loulan, au Xinjiang, dont le cadavre a été enterré dans le sable
pendant plus de 4 000 ans. C'est une paire de bottes en cuir de
mouton dont la semelle et la guêtre sont cousues à grands points
avec une cordelette en cuir. Bien que la couture soit rudimentaire,
la chaussure n'était plus une simple enveloppe de pieds, ce qui
lui confère une grande importance dans l'histoire de la cordonnerie
en Chine.
Dans l'Antiquité chinoise,
les peuplades nomades du Nord portaient des bottes fabriqueés de
matériaux différents. Les Tibétains se chaussaient de bottes en
cuir de yack, les Oroqen confectionnaient des chaussures en peau
de chevreuil, les Hezhe, en peau de poisson et les Xiongnu, qui
vivaient au Nord, excellaient dans la fabrication de chaussures
en feutre. Pour lutter contre le froid, ces derniers enveloppaient
d'abord les pieds dans du tissu, puis enfilaient des chaussettes
de feutre pour terminer par des chaussures de feutre.
C'est le roi Wuling de
l'État de Zhao qui a introduit la botte dans le bassin des cours
moyen et inférieur du fleuve Jaune. En 325 av. J.-C., comme les
États vassaux se disputaient l'hégémonie, le roi de l'État de Zhao
prit la décision d'effectuer une réforme des affaires militaires
en vue de bien établir la puissance de son pays. Pour le combat,
il mobilisa la cavalerie à la place des chars, ce qui exigea l'introduction,
de la veste, du pantalon et des bottes des ethnies du Nord et de
l'Ouest qui seyaient mieux au cavalier au combat. Les larges robes
et les chaussures à semelle en bois des soldats furent remplacés,
et l'État de Zhao devint peu de temps après l'un des sept pays puissants
de l'époque.
Une fois ces bottes introduites
dans le centre de la Plaine, leur technique et leur modèle se diversifièrent.
À l'époque des Ming (1368-1644), apparurent les Tinghua, une sorte
de bottes cloutées avec souliers imperméables portées par les fonctionnaires.
L'histoire des Ming fait mention de ces souliers imperméables: "
Au jour de pluie, les fonctionnaires faisaient leur entrée dans
la cour et le palais retentissait du son des Tinghua. Celles-ci
se portait à l'extérieur des chaussures et devaient être enlevées
devant l'entrée de la salle du palais impérial."
L'espadrille
et la socque
Au
moment où les gens de l'Ouest cousaient les bottes avec une aiguille
en os et du fil fait de peau d'animal, les ancêtres de l'Est utilisaient
l'aiguille en bambou et des herbes pour tresser des sandales. Selon
les découvertes archéologiques, le tressage à l'aide des fibres
de plantes pour la confection d'objets courants peut remonter jusqu'à
7 000 ans chez les ancêtres chinois. Par conséquent, l'aiguille
en bambou et la corde de lin seraient appararues plus tôt que l'aiguille
en os et la corde en peau d'animaux. C'est un bond prodigieux qui
a fait passer la fabrication des chaussures, de l'enveloppe pour
les pieds à l'espadrille.
Pour
expliquer la naissance de l'espadrille, on a recours à une légende
populaire: Dans l'Antiquité, un pauvre bougre tirait sa subsistance
de l'abattage. Dans les montagnes, les ronces et les pierres acérées
blessaient souvent ses pieds nus. Il enveloppait alors ses pieds
avec des herbes, mais comme celles-ci se brisaient facilement, il
les cordaient pour les enrouler ensuite sur ses pieds. Mais enrouler
les herbes et les détacher lui donnaient beaucoup de peine, de sorte
qu'il chercha par tous les moyens à tresser la semelle et l'empeigne,
ce qui donna naissance à la sandale.
Il
y a beaucoup de sortes d'herbes convenables au tressage de l'espadrille
et c'est pourquoi, en Chine, au cours de l'Antiquité, à part les
nomades, les gens de partout en portaient. Cependant, au Nord, on
portait en principe des bottes d'herbes épaisses pour lutter contre
le froid et, au Sud, on mettait les pantoufles qui convenaient mieux
au climat pluvieux et chaud. Dès sa naissance, l'espadrille a comblé
les rois et les nobles. Les lettrés aimaient aussi la porter en
voyage et les paysans, pour travailler aux champs. Les paysans du
littoral du Shandong mettaient une sorte de bottes qui s'appelaient
Caowozi. C'était une sorte de bottes tressées de tiges de massette
et doté d'une doublure d'épi de maïs qui assurait une bonne conservation
de la chaleur. À l'heure actuelle, il y a encore des paysans qui
tressent ce genre de bottes pour l'exportation.
Pour
rendre ces bottes plus résistantes et isothermes, on leur posait
une semelle en bois, ce qui leur donnait les propriétés à la fois
de la sandale d'herbes et de la socque. L'origine de la socque remonterait
à l'époque des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.). Il y en
avait deux sortes: avec semelle plate et semelle dentée. Xie Lingyun
(385-433), poète de la dynasties du Nord et du Sud, aimait escalader
des montagnes et fabriquait une sorte de socque dentée dont il pouvait
détacher les dents de devant au moment de la montée et les dents
de derrière lors de la descente. Cette socque antidérapante qui
assurait une bonne stabilité s'appelait la socque de M. Xie.
Dans la dynastie des
Xia (XXIIe s.-XVIIe s. av. J.-C.), avant l'apparition de la socque,
il y a eu encore une sorte de bottes en bois destinées à interner
les serfs. Ces bottes étaient formées d'un tronçon en bois d'un
mètre de long et de 30 cm de diamètre, avec deux trous percés au
centre et une serrure en bois, ce qui permettait d'enfermer les
pieds du serf à l'intérieur. On appelle ces chaussures des bottes
en bois plutôt qu'un instrument de torture cruel.
La
chaussure militaire, le soulier de toile et la chaussure à empeigne
de satin
Dans
les ruines deYinshang ( dernière période de la dynastie des Shang,
XIVe s.-XIIe s. av. J.-C.), on a découvert une armure et une paire
de guêtres, et dans une tombe de cette période, une statue en jade
d'un personnage agenouillé dont la tête manque. À la cheville, on
voit les traces d'un ruban enroulé, ce qui évoque le port de la
jambière. Durant les combats, les jambettes sont faciles à être
blessées. Pour les protéger et que la marche soit facile, avant
la naissance de la botte militaire, on utilisait la jambière faite
de peau d'animal ou de rotin. Les spécialistes ont considéré ce
genre de jambière comme l'origine de la bottine militaire. C'était
une combinaison de jambière et de chaussure.
Sur la semelle de la
chaussure portée par une statue de soldat agenouillé de la dynastie
des Zhou, il y 2 000 ans, et qui a été déterrée à Houma, province
du Shanxi, des lignes régulières de pointes visibles montrent bien
cette semelle qui ressemble à celle du soulier de toile d'aujourd'hui,
ce qui nous permet de connaître le soulier de toile utilisé comme
chaussure militaire pendant la dynastie des Zhou, il y a plus de
2 000 ans. La toile utilisée pour le soulier était tissée de lin
et de fibres de puéraire. À l'époque, la Chine ne produisait pas
de coton, puisque ce dernier a été introduit en Chine par la route
de la Soie. La semelle du soulier de toile, piquée avec des fils
de lin, rend le soulier résistant à l'usure; cette théorie de frottement
fut la première à être utilisée dans la fabrication de la chaussure
chinoise. Les 8 000 guerriers et chevaux en terre cuite, déterrés
dans le tombeau de Shihuangdi, premier empereur des Qin (211-206
av. J.-C.), présentent les résultats de la fabrication des chaussures
chinoises: le général et le cavalier portent des bottes en cuir,
les archers sont chaussés de souliers à lacet avec semelles piquées,
ce qui facilite la course. Par conséquent, à l'époque des Qin, la
chaussure militaire différait selon le grade et le type d'armée
et elle était standardisée, et l'intendance s'occupait de la fabrication.
Dans
la dynastie des Qing (1644-1911), parmi les chaussures militaires,
est apparue une sorte de patins ressemblant au patin à glace de
maintenant. C'était une chaussure en cuir avec une ou deux tiges
de fer enchâssées dans la semelle. Les soldats qui portaient ce
genre de chaussures pouvaient courir sur la glace. La famille impériale
des Qing, d'origine mandchoue, habitait au Nord-Est, une région
très froide. La course sur la glace constituait l'entraînement militaire
en hiver. Cette tradition a été toujours conservée, même après que
la dynastie des Qing eut fixé sa capitale à Beijing. Peu à peu,
cet entraînement militaire, qu'on faisait à l'intérieur comme à
l'extérieur de la cour impériale, s'est transformé graduellement
en théâtre sur glace.
L'élevage
des vers à soie remonte à 4 000-5 000 ans en Chine. Durant la dynastie
des Shang , on savait tisser la soie et le brocard à rayures et
colorer le tissu à l'aide de plantes et de matières minérales, ce
qui influença fortement le style de chaussures chinoises et lui
donna à la fois simplicité et somptuosité. Dès lors, les nobles
portèrent des chaussures à empeigne de satin au lieu de l'espadrille.
D'après
les données de la dynastie des Zhou, autrefois, c'était les femmes
qui s'occupaient de fabriquer les chaussures. À cette époque, est
apparue la cordonnerie, toutefois considérée comme un métier honteux,
dont le rôle était de fabriquer spécialement les chaussures des
impératrices et des favorites impériales. À l'époque des Royaumes
combattants, dans l'État des Qi, le travail à l'aiguille des femmes
était bien considéré. Toutes les femmes devaient savoir manier l'aiguille
et les ciseaux, ce qui favorisa le développement de la soierie et
de la cordonnerie. Pour embellir la chaussure de soie, les femmes
des Qi brodaient directement des motifs sur l'empeigne ou ornaient
cette dernière de pierres précieuses, de perles, d'or et d'argent.
La chaussure avec perles était à la mode pour les dignitaires de
l'époque. Par la suite, sur le marché des serfs, les jeunes filles
pauvres commencèrent à porter la chaussures de soie brodée pour
laisser les riches les choisir comme concubines et comme servantes.
Tout
ce que les ancêtres portaient aux pieds a évolué: des bandelettes
pour les pieds aux bottes en cuir, de l'espadrille à la socque et
aux chaussures de toile ... ; cette évolution a eu un rapport avec
la localisation, le climat et les conditions naturelles et a entretenu
des liens étroits avec les phénomènes sociaux et culturels. Le protocole
d'un État, les habitudes de ses gouvernants et les goûts de sa population
influencent toujours la mode, les modèles et le développement de
l'artisanat. Ce contexte fait naître divers us et coutumes dans
le domaine des chaussures et des cordonneries aux enseignes célèbres,
grâce à des conceptions et à des procédés particuliers.
Les
pieds bandés
À
l'époque ancienne, en Chine, les petites filles de 4 à 8 ans devaient
bander leurs pieds. Ces derniers se déformaient en voûte, ce qui
permettaient à ces fillettes de porter une paire de chaussures minuscules
de 10 cm environ. Il semble, qu'il y a plus de 2 000 ans, les pieds
bandés étaient considérés comme un critère de beauté pour les femmes.
L'empereur Shihuangdi des Qin évaluait la beauté selon la petitesse
des pieds. Bander les pieds dans un objectif de beauté remonterait
au Xe siècle. Comme le dernier empereur se passionnait pour la musique
et la beauté, il demanda de bander les pieds de toutes les femmes
de la cour durant leur croissance, afin qu'elles puissent danser
sur une tribune de lotus en or. Leur gestuelle gracieuse lui faisait
penser à des fées qui seraient descendues du ciel.
Bander
les pieds, c'était en fait infliger un supplice à ces petites filles.
Les femmes aux pieds bandés marchaient d'un pas chancelant, ne pouvaient
plus marcher vite ou courir. Leur rôle était de choyer l'empereur,
et cette coutume se répandit de la cour jusqu'aux couches populaires.
Les dynasties des Song et des Ming connurent l'apogée de cette coutume.
À cette époque, même les immigrées juives du Hunan avaient les pieds
bandés.
En
bas âge, une fois leur pieds bandés, les petites filles pleuraient
et gémissaient toute la nuit. Pour les consoler, leur mère leur
disait qu'une jeune fille avec de grands pieds ne trouverait pas
mari . À l'époque, c'était la vérité. Lorsqu'il allait rencontrer
une jeune fille, l'homme scrutait d'abord ses pieds. Une jeune fille
à petits pieds pouvait trouver une belle-famille de bon niveau et
recevoir de riches cadeaux de fiançailles.
Personne ne pouvait regarder
les pieds nus des femmes à pieds bandés, et ces derniers étaient
toujours enveloppés de chaussettes, même aux jours les plus chauds.
En général, ces femmes-là s'assoyaient sur le kang ( lit en brique),
les jambes croisées pour attier les regards sur les motifs de leurs
chaussettes. La première fois qu'elles permettaient à un homme de
voir leurs pieds nus était lors de la nuit de noce. Au jour du mariage,
au moment de monter sur la chaise à porteurs, la jeune mariée devait
porter des chaussures à empeigne violette et à semelle blanche,
symbolisant une progéniture nombreuse; au moment d'en descendre,
elle changeait ses chaussures pour des jaunes, les chaussures Caitang
(mettre les pieds sur le sol de la maison de la belle-famille);
pour entrer dans la chambre nuptiale, elle portait les chaussures
Shuijinlian, brodées d'images d'initiation à la vie sexuelle. C'était
le mari qui déchaussait sa femme au moment de se coucher pour commencer
la vie nuptiale.
En
1644, la famille impériale mandchoue des Qing déménagea à Beijing,
capitale de cette dynastie. Les femmes mandchoues, qui ne bandaient
pas leurs pieds, portaient des chaussures à semelle épaise. La semelle,
faite de bois et recouverte de tissu blanc, avait 7-13 cm de haut.
Elle s'appellait ou bien semelle " pot à fleurs ", vu
qu'elle était plus large en haut qu'en bas, ou bien semelle "
sabot de cheval " si, au contraire, elle était plus large en
bas qu'en haut. Avant de vivre à l'intérieur de la passe Shanhaiguan,
les Mandchous vivaient dans les régions montagneuses du Nord-Est,
et les femmes cueillaient des champignons dans les montagnes. Pour
se protéger des serpents, elles attachaient souvent un morceau de
bois sous la semelle de leurs chaussures, ce qui, avec le temps,
devint une coutume. Par exemple, Cixi, impératrice douairière, portait
des chaussures " pot à fleurs " dont la semelle avait
10 cm de haut. Bien que les chaussures " pot à fleurs "
fussent répandues à la cour impériale, les femmes han portaient
toujours les chaussures minuscules. Le gouvernement des Qing défendit
de bander les pieds, mais dans les familles des Han, à l'extérieur
de la cour, les femmes avaient toujours les pieds bandés. Au milieu
du XXe siècle, après la fondation de la Chine nouvelle, les femmes
chinoises purent sortir de la maison pour travailler et étudier
comme les hommes, et la coutume de bander les pieds tomba complètement
en désuétude.
Rites
à propos des chaussures
Pour
s'habiller, manger, se loger, marcher et même se chausser, les anciens
Chinois se conformaient toujours aux rites. Par exemple, d'après
les rites de la dynasties des Zhou (1066-256 av. J.-C.), il fallait
se déchausser avant d'entrer dans une pièce, enlever les chaussures
et les chaussettes avant d'assister à un banquet et pour rendre
visite à l'empereur. Toutefois, pour prendre part à une cérémonie
mortuaire, les pieds nus étaient considérés comme une impolitesse.
À
l'époque ancienne, les chaussures différaient selon l'usage: mariage,
funérailles et deuil. Les chaussures nuptiales étaient rouges ou
roses, couleurs représentant la célébration, et elles étaient brodées
de fleurs, d'oiseaux et de porte-bonheur. Dans la dynastie des Han
(206 av. J.-C. -220 apr. J.-C.), au moment du mariage, les jeunes
filles portaient des socles peints de motifs et attachées de bandes
de soie multicolores. Quant aux jeunes filles mandchoues de la noblesse,
elles portaient des chaussures nuptiales à empeigne bleue et brodées
d'un caractère rouge " double bonheur ".
Les
morts portaient des chaussures funéraires. De la dynastie des Han
à celles des Wei et des Jin (206 av. J.-C. -420 apr. J.-C.), les
empereurs décédés furent chaussés de souliers de jade assortis au
vêtement funéraire qui était confectionné de pièces de jade et cousu
de fils d'or. À l'époque des Qing, quand l'empereur décédait, les
rites demandaient de brûler ses chaussures et ses bottes. Par exemple,
à la mort de l'empereur Guangxu (1875-1909), on fit brûler 104 paires
de chaussures et de bottes, le plus grand nombre à l'époque. Les
chaussures funéraires de la population étaient bleues, noires et
brunes pour les hommes, brodées de motifs multicolores pour les
femmes. La semelle des chaussures funéraires était brodée de fleurs
de lotus et de dessins d'échelle pour donner l'idée de poser les
pieds sur des fleurs de lotus et de monter pas à pas jusqu'au paradis.
Dans la famille, s'il
y avait une personne décédée, les membres portaient des vêtements
et des chaussures de deuil, de couleur blanche. Dans les temps anciens,
comme on portait des chaussures de lin et de paille, on cousait
alors une petite pièce de tissu blanc sur l'empeigne des chaussures
de toile ou parfois, on les décorait d'une lanière rouge à l'arrière
pour exprimer le deuil. Les chaussures portant le caractère "
bonheur " étaient portées au moment de féliciter quelqu'un
pour sa longévité. Ce caractère, brodé sur l'empeigne, signifiait
que la longévité des vieillards faisait le bonheur des jeunes générations.
Les sentiments s'exprimaient
aussi dans la fabrication des chaussures pour enfants. Autrefois,
les enfants portaient, dès leur naissance, des chaussures à motifs
d'animaux confectionnées par leurs mères. Mentionnons les chaussures
à tête de tigre, les chaussures à figurine de diable, les chaussures
à poissons, etc. Les motifs d'animaux, collés ou brodés sur l'empeigne,
servaient à la fois à renforcer l'empeigne et à chasser les mauvais
esprits. En hiver, on portait des chaussures ouatées en forme de
moule dont les deux pièces de l'empeigne symbolisaient les mains
d'une mère tenant son enfant.
La
société féodale était hiérachisée. À l'époque de la dynastie du
Sud (420-589), les lettrés et les pauvres ne pouvaient porter que
l'espadrille et la chaussure de toile ou marcher les pieds nus.
Les nobles portaient des chaussures en cuir ou des sandales en soie.
Quant à la couleur des chaussures, celle-ci différait selon le métier.
Les soldats et les ouvriers portaient seulement du noir, du vert
et du blanc. Les serviteurs n'utilisaient que le rouge et le noir.
Si quelqu'un enfreignait la loi, il était puni. À l'époque des Jin
de l'Ouest (265-317), les gouvernants méprisaient les commerçants.
Ils promulguèrent et mirent en vigueur le règlement suivant: les
commerçants devaient porter une chaussure blanche et une chaussure
noire. Durant la dynastie des Qing, le jaune était considéré comme
la couleur réservée à l'empereur, le jaune or était réservé aux
nobles et l'abricot, aux gens du peuple.
Une
cordonnerie centenaire
Les
bottes en cuir des gens du Nord servaient souvent à l'armée et avaient
la faveur de la population. Dès la dynastie des Sui (581-618), les
bottes, dont la mode changeait sans cesse, devinrent les bottes
chaoxue ( bottes portées par les officiers civils et militaires
pour l'audience impériale). Ce genre de bottes furent fabriquées
en soie dans la dynastie des Qing. Pendant les jours ordinaires,
on portait les bottes à bout pointu, et pour l'audience impériale,
les bottes à bout carré. Au début, les bottes chaoxue étaient fabriquées
à la cour impériale. Par la suite, des cordonneries spéciales furent
chargées de fabriquer ce genre de bottes.
Zhao
Ting, ancien apprenti cordonnier, connaissait bien son métier. En
visant le marché des chaussures des nobles et des parents de la
famille impériale, il ouvrit un magasin spécialisé dans les bottes
chaoxue à Beijing, capitale de la dynastie des Qing, afin de gagner
de l'argent auprès des nobles. Il donna à son magasin le nom de
" Neiliangshen " signifiant promotion successive à la
cour, ce qui pouvait satisfaire le désir des dignitaires d'être
promus.
La
sévérité des rites et des règlements de la dynastie des Qing demanda
à la cordonnerie Neiliangshen de perfectionner sa technique et d'améliorer
continuellement la qualité. La semelle de ses chaussures se composait
de 32 couches de toile, appelé semelle " à mille couches ",
ce qui en faisait une semelle épaisse, mais légère. L'empeigne était
faite de satin noir luisant, facile à brosser, confortable pour
la marche. Ce genre de chaussures donnait fière allure. Chez Neiliangshen,
les chaussures étaient faites sur mesure. Les pointures, les mesures
et les formes des pieds des nobles, des officiers et des princes
qui faisaient faire des chaussures dans cette cordonnerie étaient
bien enregistrées dans les archives, ce qui offrait une grande facilité
pour la fabrication des chaussures. Pour offrir des chaussures en
cadeau aux dignitaires, il suffisait de trouver leur pointure dans
les archives de Neiliangshen, bien connu dans la capitale. La renommée
de ce magasin spécialisé s'est répandue, et il est devenu bien connu
à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
Après la dynastie des
Qing, cette cordonnerie s'est occupée surtout des chaussures de
toile pour les gens ordinaires. La semelle " à mille couches
" est aérée, élastique, absorbe la sueur et est à l'épreuve
de l'humidité. Elle est composée de tissu blanc de coton et tissée
de lin (cent points sur trois cm2). Pour rendre la semelle plus
solide, on appose l'empeigne sur la semelle préparée dans l'eau
chaude (80 °C-100 °C) on la presse et la séche, puis on la coud
avec l'empeigne.
La
semelle " à mille couches " a gagné le marché. Aujourd'hui,
cette cordonnerie est très fréquentée. Les gens cultivés espèrent
un retour à la nature, les Chinois d'outre-mer et les étrangers
aiment bien ce genre de chaussures, fabriquées à la main, avec des
matériaux naturels. N'importe qui peut faire faire des chaussures
sur mesure dans cette cordonnerie qui gardera la pointure en archives.
PANG BLAN
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