CHINAHOY

11-March-2016

Le Made in China nouvelle version

 

ZHANG HONG, membre de la rédaction

Avant, le « Made in China » signifiait sous-traitance. Un véritable crève-cœur pour les Chinois qui devaient exporter 800 millions de pièces de chemises pour pouvoir acheter un avion. Aujourd'hui, grâce à l'innovation, la transformation de l'économie et l'élévation du niveau économique, la Chine exporte le TGV, des centrales nucléaires et des smartphones. Les produits fabriqués par la Chine commencent à attirer la clientèle par le « Made in China intelligent ». Devant le recul actuel de l'économie, le « Made in China »peut-il atteindre le pinacle de la chaîne de valeur ? Comment créer davantage de marques ? Le XIIIe Plan quinquennal qui vient d'être publié officiellement trace une ligne concrète pour le développement industriel de la Chine dans les années à venir, ainsi que pour la transformation technique et l'élévation du niveau du « Made in China ».

L'innovation comme moteur et orientation

Le fabricant chinois de smartphones Lenovo, qui possède la marque Motorola, compte porter en 2016 sa production de smartphones à 10 millions d'unités, avec pour objectif d'être le deuxième fabricant en Inde. Un autre fabricant de smartphones : Huawei, a livré en 2015 plus d'une centaine de millions d'unités de smartphones, et occupe aujourd'hui la troisième place mondiale, après Samsung et Apple.

« Accroître la production grâce à des coûts moins élevés est maintenant pour nous une impasse, déclare Yang Yuanqing, directeur général du groupe Lenovo. Autrefois, nous étions sous-traitant et ne pouvions pas contrôler les technologies de production. »

À l'heure actuelle, Lenovo investit tous les ans 10 milliards de yuans pour la recherche et le développement de produits. En 2015, Lenovo a investi 2,5 milliards de dollars en Inde et figure parmi les 40 premières sociétés de ce pays. Les entreprises chinoises ne peuvent avoir à leur actif des produits notoires qu'en se servant de l'innovation et des marques comme force motrice. Développer l'économie par la force des investissements n'est plus opérant au stade actuel de l'économie chinoise. La Chine doit consacrer davantage de ressources pour innover.

En 2015, les autorités centrales ont avancé un concept du développement en 5 points, dont le premier est l'innovation. Dans la même année, le premier ministre Li Keqiang a appelé à lancer une campagne de création d'entreprises et d'innovation. La Chine a pris depuis plusieurs mesures de nature à favoriser la croissance par l'innovation.

Durant le XIIe quinquennat, les résultats obtenus par les technologies du TGV et le haut débit sans fil ont dépassé les espérances, mais les machines à commande numérique haut de gamme, les puces génériques de pointe, les éléments électroniques clés et la biotechnologie des organismes génétiquement modifiés sont restés à la traîne.

« Les technologies clés ne peuvent pas être obtenues par l'achat ou l'échange contre le marché », explique Li Yizhong, ancien ministre de l'Industrie et de l'Informatisation.

Bien que la Chine produise 80 % des climatiseurs, 70 % des smartphones et 60 % des chaussures dans le monde, le défaut de technologies clés constitue toujours un handicap pour les industries manufacturières chinoises, selon Miao Wei, l'actuel ministre de l'Industrie et de l'Informatisation.

Celui-ci explique : « Sans une solution adéquate pour ces puces de pointe, elles seront toujours un obstacle pour le développement de notre industrie de l'information électronique. En plus, nous ne maîtrisons pas les technologies clés de moteurs d'avion ni des turbines à vapeur. »

Heureusement, le XIIIe Plan quinquennal comporte 100 grands projets qui seront mis à exécution dans les cinq ans à venir. La plupart de ces projets portent sur l'innovation scientifique et technologique, et couvrent presque toutes les technologies clés des nouvelles industries stratégiques.

« Dans le XIIIe Plan quinquennal, l'industrie informatique, qui possède une nette supériorité sur le plan de l'innovation, est placée avant la construction d'infrastructures. Cela montre l'attention que l'on lui porte. Nous pouvons jouer notre rôle, qu'il s'agisse de modernisation du réseau, des terminaux intelligents, du Big Data ou des plates-formes de services pour les applications smartphones », explique Yang Yuanqing.

Quant au potentiel de l'informatisation au marché, il explique que le marché des ordinateurs personnels serait environ de 300 millions de postes, celui des smartphones, 2 milliards, et celui de l'Internet des Objets :10milliards de terminaux intelligents. À l'ère de l'intelligence, il faut élargir son horizon et sa pensée, et chercher les nouvelles opportunités.

Les objectifs deMade in China2025

La liste des commandes internationales est longue pour le « Made in China ». Mais Li Yizhong se montre fort inquiet pour sa situation actuelle : « Niveau bas de gamme, nous souffrons de surproduction et ne sommes pas en mesure de concurrencer les pays de l'Asie du Sud-Est. En haut de gamme, nous sommes derrière les pays développés, malgré notre avance rapide. Notre industrie se trouve donc sous pression des deux côtés. »

L'industrie 4.0 de l'Allemagne pourrait servir de modèle pour l'élévation du niveau de l'industrie manufacturière chinoise en général. « Mais, en planifiant notre industrie 4.0, nous devons aussi développer l'industrie 3.0 et parer aux les lacunes de l'industrie 2.0. Voilà la réalité de notre industrie manufacturière », analyse Li Yizhong.

De toute évidence, l'objectif des « deux centenaires » pour le développement économique et social de la Chine ne pourra pas être atteint, si notre industrie manufacturière reste dans le bas de la gamme. En 2015, nous avons formulé le plan d'action stratégique du « Made in Chine 2025 ». Il vise à concentrer nos efforts sur les opérations intelligentes, afin d'utiliser ces changements dus à l'innovation et à la construction intelligente pour faire de la Chine une puissance de l'industrie manufacturière.

Selon Miao Wei, en 2025, les indices globaux de la Chine devraient approcher du niveau de l'Allemagne et du Japon à l'époque où ils avaient réalisé leur industrialisation. La Chine réaliserait alors son industrialisation et entrerait dans le deuxième groupe des puissances manufacturières.

Selon Fu Chengyu, ancien président du Conseil d'administration du groupe Sinopec, le « Made in China 2025 », « Internet+ », l'informatisation, les opérations intelligentes constitueront les sujets importants de l'industrie manufacturière chinoise durant le XIIIe quinquennat. « Nous étions habitués à notre ancien mode de production. Il nous faut changer les mentalités. »

Depuis le lancement d' « Internet + » dans le rapport sur l'activité du gouvernement l'année dernière, cette idée stratégique a déjà exercé une influence profonde sur tous les secteurs. Selon les spécialistes, la Chine pourrait dépasser les Etats-Unis dans certains domaines du développement d'Internet, notamment Alibaba qui unit Internet avec la consommation et la vente au détail, et WeChat qui excelle dans les applications de réseaux sociaux. Mais il faut toujours se référer à l'expérience américaine et allemande quant à l'union d'Internet avec l'industrie et le secteur manufacturier.

Toujours selon Fu Chengyu, Internet est très bien utilisé en Chine dans les services de vente. Si le web s'unissait à l'industrie, la Chine pourrait considérablement élever le niveau de son industrialisation.

La réforme du côté de l'offre

Comment produire des articles de qualité dont la marque est connue et s'écoulent facilement ? Yang Yuanqing est d'avis que le gouvernement et les entreprises doivent avoir plus d'audace et de sens des responsabilités.

« Pour nous, les entreprises, notre devoir est d'assumer une plus grande responsabilité envers la qualité des produits et services. L'accroissement de la demande domestique consiste avant tout à améliorer la qualité des produits et à sortir des produits haut de gamme et à haute valeur ajoutée. Pour reprendre les termes officiels : il s'agit de la réforme du côté de l'offre. »

Ladite réforme pousse en ce moment l'industrie manufacturière à élever la qualité et à accroître le rendement. Elle vise, sous l'angle de l'offre et de la production, à rendre les produits chinois plus compétitifs et à transformer le Made in China en une Created in China.

« La surproduction accumulée en Chine entrave sérieusement la transformation technique et l'élévation du niveau de notre industrie manufacturière, a déclaré Fu Chengyu. Le Made in China doit fournir des produits de meilleure qualité. Nous devons donc éliminer certaines capacités de production et porter notre système à un haut niveau. Notre objectif une fois atteint, la compétitivité de nos produits sera bien meilleure. »

À propos des raisons de la ruée des touristes chinois sur les marchandises étrangères, Li Yizhong est d'avis que « la demande des consommateurs n'est plus une demande de biens tels quels, mais une demande orientée vers la qualité et les marques. Les entreprises doivent passer de la vente de produits à celle de services, et en améliorer la qualité et forger la marque. Les capacités de production obsolètes doivent sortir du marché. »

Celles-ci seront éliminées en effectuant la réforme du côté de l'offre et en élevant le niveau de production grâce à la transformation technique. « Auparavant, 40 % de nos investissements dans le domaine industriel étaient consacrés à la transformation technique. Mais extraction faite des investissements à l'accroissement des capacités de production, cette part est tombée à 27 %. Loin derrière les 50 % des États-Unis et des pays européens développés.

Zhang Ying, présidente du Conseil d'administration de Nine Dragons Paper (Holdings) Limited estime, elle, qu'« Autrefois, nous parlions de la demande, aujourd'hui, on parle de l'offre. Avant toute autre chose, nous devons revendiquer une qualité stable et toujours meilleure. La réforme du côté de l'offre est, en dernière analyse, d'assurer une offre de qualité. Si notre industrie manufacturière pouvait assurer une offre utile, nous serons alors capables de garder chez nous les 1,3 milliard de consommateurs que représente la Chine. Le potentiel du développement sera considérable. Une offre de qualité demande d'abord la réalisation intégrale de l'informatisation, de l'automatisation et de la production intelligente. » Lachancelière allemande AngelaMerkela visité la Chine en octobre 2015. Les deux pays sont tombés d'accord à cette occasion sur la coopération entre l' « industrie 4.0 » de l'Allemagne et le « Made in China 2025 ». Quand il évoque l'écart entre l'industrie chinoise et l'industrie allemande, Fu Chengyu explique que « l'Allemagne s'était attelée à l'informatisation après avoir réalisé l'industrialisation, l'urbanisation et la modernisation de l'agriculture.Quant à nous, nous n'en avons réalisé aucune. Les Allemands ont avancé pas à pas, mais nous voulons franchir quatre pas en même temps. Voilà la plus grande différence. Nous allons devoir relever un défi extraordinaire. »

Quelle est la voie efficace pour parvenir à élever le niveau du « Made in China » ? La réponse de Fu Chengyu est qu'il faut s'en tenir fermement à l'industrialisation et à l'informatisation, et effectuer la transformation technique et le renouvellement sur une vaste échelle, en s'appuyant sur la réduction des émissions, le bas carbone et le « Made in China 2025 ».

L'esprit-artisan

Au cours de son voyage d'étude en Allemagne et au Japon, Zhang Yin, « leader des papeteries chinoises », a constaté avec émotion que les habitants locaux utilisaient presque tous des produits de fabrication nationale alors que les Chinois préfèrent les voitures, l'électro-ménager, les denrées alimentaires et les objets d'usage courant étrangers malgré le fait que la Chine est un grand pays manufacturier.

Selon Fu Chengyu, non seulement les producteurs, mais aussi les consommateurs se satisfont des produits nationaux chinois de fabrication médiocre. « Notre industrialisation est d'un niveau médiocre. Nous avons voulu parcourir en 30 ans de réforme et d'ouverture le chemin que les pays développés ont parcouru en 300 ans. D'où de nombreux problèmes. » La qualité, au lieu de la quantité, voilà l'objectif primordial dans la nouvelle normalité économique. En exposant les principaux objectifs du XIIIe Plan quinquennal, le premier ministre Li Keqiang a mis l'accent sur l'importance de la qualité et de la manufacture pour un pays puissant. Il a encouragé les entreprises à avoir l'esprit artisan pour diversifier l'offre, améliorer la qualité et créer des marques. Cela a touché les entrepreneurs au point sensible. Yang Yuanqing analyse cet « esprit artisan » par la ténacité avec laquelle les artisans font les chefs-d'œuvre. Selon lui, dire non à la tendance à copier les produits doit être une des orientations de la réforme.

Si la production et l'exportation sont considérés du domaine de la « force extérieure », nous sommes en ce moment appelés à méditer et à nous nourrir de « force intérieure ». Nous devons forger des marques présentables et appréciées, et promouvoir la croissance par la transformation technique et l'élévation du niveau, conclut-il.

« L'esprit-artisan a été cultivé à l'étape de l'industrialisation, où l'on s'attachait à obtenir la meilleure qualité et le meilleur processus, et à produire une chose parfaite, déclare Fu Chengyu. Au Japon et en Allemagne, les gens font les choses avec finesse pour qu'il soit parfait. Il faut du temps. »

« L'industrialisation en Occident s'est faite pas à pas, et non pas du jour au lendemain. Nous allons suivre cet exemple et il faudra certainement de 5 à 10 ans pour effectuer la transformation et faire que l'industrialisation chinoise atteigne le niveau mondial. »

 

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