CHINAHOY

5-March-2016

Le commerce extérieur chinois à la loupe

 

Les transactions d'e-commerce transfrontalières ont commencé à se multiplier dans la ZLE du Fuzhou.

 

Le commerce extérieur chinois entre dans une zone de turbulences alors que l'économie du pays s'adapte à la nouvelle normalité et que les cours mondiaux de nombreuses matières premières connaissent de fortes fluctuations. Mais céder à la panique serait prématuré, nous explique l'auteur.

YAO LING*

2015 est l'année la plus compliquée depuis la crise financière de 2008 pour le commerce extérieur de la Chine : importations et les exportations ont connu des baisses de régime les plus importantes depuis 2009.

Mais ces données, même si elles sont préoccupantes, ne doivent pas engendrer le pessimisme. Malgré la légère baisse des exportations, la situation reste stable dans l'ensemble. Les bases du développement du commerce extérieur chinois devraient rester inébranlables sur les 5 ans à venir.

Des volumes qui plafonnent

Selon les statistiques des douanes chinoises, le volume total du commerce extérieur du pays a atteint 3 230 milliards de dollars sur les dix premiers mois de l'année. Une baisse importante, de 8,5 %, sur l'année précédente, plus due au ralentissement des imports qu'à une baisse des exports, puisque ceux-ci se sont tassés respectivement de 15,7 % (à 1 370 milliards de dollars) et de 2,5 % (à 1 860 milliards de dollars). La baisse des importations est la plus importante depuis 2009.

Sur les dix premiers mois 2015, seuls trois mois ont affiché une hausse des exportations. Depuis le mois de juillet, celles-ci sont orientées à la baisse, une tendance qui s'affirme puisqu'en octobre, les exportations ont reculé de 6,4 % sur le mois précédent, et de 6,9 % sur la même période de l'année passée. Les importations quant à elles ont enregistré une croissance négative sur chacun des 10 premiers mois de l'année. En octobre, les importations enregistraient une baisse de 9,8 % sur le mois précédent et de 18,8 % sur l'année passée.

Les principaux partenaires commerciaux de la Chine, sur ces mêmes dix premiers mois, ont été l'UE, les États-Unis suivis de l'ASEAN. Les échanges entre la Chine et l'UE, avec 465,5 milliards de dollars, connaissaient une baisse significative de 8,3 % ; avec les États-Unis, à 461,2 milliards de dollars, ils s'accroissaient de 1,8 % ; et enfin le commerce avec les pays de l'ASEAN, qui totalisait 379,2 milliards de dollars de transactions, enregistrait un léger recul de 2,9 %. La structure des exportations chinoises a connu une croissance vers certains pays comme les États-Unis (+5,2 %), la Grande-Bretagne (+3,5 %), l'Inde (+8,4 %) et Singapour (+9,3 %), tandis que les commandes en provenance du Japon (-9,5 %), de l'Allemagne (-4,9 %) et des Pays-Bas (-8,2 %) affichaient des baisses prononcées.

Si l'on se penche sur la structure des marchandises exportées, toujours sur les dix premiers mois de 2015, les exportations de produits mécaniques et électroniques étaient stables à 1 070 milliards de dollars, soit une croissance de 0,8 % sur l'année passée. En ce qui concerne les produits à forte intensité de main-d'œuvre, on note que les exportations de jouets, de valises et de sacs ont connu une hausse (respectivement de 10,9 % et 4,2 %), tandis que celles des textiles, vêtements et chaussures ont baissé de 1,9 %, 7,5 % et 5,1 %. Par ailleurs, les exportations d'acier ont augmenté en volume pour atteindre 92,13 millions de tonnes (+24,7 %), équivalent pourtant à une baisse en valeur (53,3 milliards de dollars, soit -6,9 %).

Au chapitre des importations sur les dix premiers mois de 2015, les produits mécaniques et électroniques ont représenté un total de 654,35 milliards de dollars (-6,4 %) dont 32,66 milliards de dollars pour les seuls écrans LCD (-10,4 %). La Chine a par ailleurs importé 275 millions de tonnes de pétrole brut, soit une augmentation de 8,9 %, alors que le minerai de fer, avec 775 millions de tonnes, affichait une stagnation (-0,5 %), et avec 47,98 milliards de dollars, une forte baisse en valeur, -41,2 %, et le soja connaissait une forte progression à 65,18 millions de tonnes (+14,7 %).

Une chute due à plusieurs facteurs

L'entrée de l'économie chinoise dans sa nouvelle normalité entraîne bien évidemment des changements profonds dans la structure de son commerce extérieur, et certains types de marchandises n'affichent plus les taux de croissance à deux chiffres qu'elles enregistraient ces 30 dernières années. Mais d'autres facteurs expliquent les turbulences que connaît le commerce extérieur chinois.

Il y a d'abord le ralentissement de la croissance mondiale. En octobre 2015, le FMI révisait à la baisse ses prévisions de croissance sur l'année 2015 à 3,1 %, soit 0,2 point de moins que sa prévision précédente publiée en juillet.

Au cours des trois premiers trimestres de 2015, l'économie des États-Unis et celle de la zone euro ont enregistré une croissance ralentie tandis qu'au Japon, elle est entrée deux fois en récession au cours des sept derniers trimestres. Cela alors que les pays émergents et les pays en développement font eux aussi face à une situation plus volatile. Parmi les pays des BRICS, l'Inde a maintenu sa croissance vigoureuse, tandis que l'économie du Brésil et celle de la Russie ont connu la récession avec respectivement -3 % et -3,8 %.

Deuxièmement, la chute du prix des matières premières. Selon les prévisions publiées en juillet dernier par le FMI, le prix du pétrole baisse de 38,8 % sur l'année, tandis que les prix des matières non combustibles diminueront de 15,6 %. Les chiffres des mois passés suggèrent que la baisse des prix pourrait être plus importante encore.

Selon les statistiques du ministère du Commerce chinois sur les dix premiers mois de l'année, les importations chinoises de pétrole brut, de plastiques, de soja, de produits pétroliers, de gaz, de pâte à papier, de céréales et de cuivre ont augmenté en volume tandis qu'elles chutaient en valeur. La facture totale de ces produits a baissé de 134 milliards de dollars, ce qui explique 52,5 % du recul des importations.

Troisièmement, la chute de la demande sur le marché international. Conséquence du ralentissement économique mondial : la croissance du commerce international s'est considérablement ralentie. Selon les prévisions du rapport publié le 30 septembre 2015 par l'OMC, le commerce international des marchandises a connu une croissance de 2,8 %, largement inférieure à la moyenne annuelle de 5 % enregistrée au cours des 20 dernières années. La demande reste faible sur les principaux marchés internationaux. Selon les statistiques de l'OMC, le premier semestre 2015 n'a affiché une hausse que de 0,1 % des importations dans les pays développés, tandis que celles des pays en développement baissaient de 2,2 %.

Des perspectives qui restent prometteuses

Malgré ces facteurs négatifs, le commerce extérieur chinois reste confiant. L'économie chinoise devrait maintenir un rythme de croissance de l'ordre de 6,5 % sur les cinq ans à venir. Cette estimation est basée sur plusieurs éléments.

Premièrement, même si les exportations chinoises stagnent ou accusent un léger recul, elles restent plutôt stables par rapport à celles d'autres pays, développés ou émergents. La situation du commerce extérieur chinois reste sous contrôle dans son ensemble. D'après les statistiques des différents pays et régions sur les neuf premiers mois de 2015, les exportations des États-Unis ont baissé de 6,1 %, celles de l'UE, de 12,7 %, celles du Japon, de 9,2 %, celles de Corée du Sud, de 6,6 %, celles de l'Inde, de 16,6 %, celles de l'Afrique du Sud, de 7,9 %, et celles du Brésil, de 16,8 %. Dans ce contexte, les exportations chinoises en baisse de 1,9 % apparaissent plutôt solides. Selon les données du ministère du Commerce chinois, 2015 a vu augmenter une fois de plus la part des produits chinois sur le marché international, passant de 12,4 % fin 2014 à 13 % fin octobre 2015.

Deuxièmement, la mise en œuvre de la stratégie chinoise des zones de libre-échange et plus généralement d'amélioration de l'environnement économique favorisent son commerce extérieur. En 2015, la Chine a signé des accords de zone de libre-échange avec plusieurs pays. En juin, avec la Corée du Sud et l'Australie ; en novembre, de nouvelles négociations sur la zone de libre-échange Chine et ASEAN se sont achevées. Les négociations sur la RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) ont elles aussi fait des progrès. Tout cela consolide les bases d'une coopération commerciale accrue entre la Chine et le reste du monde

Troisièmement, la Chine veut accélérer sa montée en gamme pendant le nouveau plan quinquennal, qui encourage comme orientation prioritaire l'optimisation du commerce extérieur.

Par ailleurs, la Chine entend se lancer dans une politique de promotion des importations, faciliter les échanges commerciaux, accroître ses importations de ressources énergétiques, de technologies de pointe et de composants clés, mais aussi de produits de consommation demandés pour alimenter son marché intérieur.

 

*YAO LING est chercheur adjoint de l'Académie du commerce international et de la coopération économique du ministère du Commerce.

 

 

La Chine au présent

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