CHINAHOY

5-March-2016

Nouveaux défis stratégiques en 2016

 

Les membres du Conseil de sécurité votent à l'unanimité l'interruption du financement des organisations terroristes, le 17 décembre dernier.

 

L'année 2016 qui commence est lourde de défis et de menaces que la Chine et le monde devront relever et surmonter. Pour cela, la coopération vaut mieux que la confrontation, explique l'auteur.

HE YAFEI*

Le Global Times a cité les quatre questions en suspens qui tourmentent le monde en ce moment : qui remportera l'élection présidentielle américaine ? L'économie chinoise va-t-elle bientôt repartir ? Les forces de l'État islamique seront-elles anéanties ? Quels nouveaux défis attendent la mer de Chine méridionale ? Tous les médias du monde énumèrent sans exception les problèmes épineux qui devront trouver leur solution en 2016. Le Wall Street Journal envisage 12 événements qui pourraient se produire en 2016, dont la montée des populismes, la défaite de Daech, un consensus mondial sur la question énergétique, une coopération durable entre les États-Unis et la Chine, la poursuite des fluctuations des prix des matières premières… Il n'est pas difficile d'énumérer de nombreux problèmes auxquels notre planète devra faire face et qu'elle devra résoudre. Ce qui fait défaut aujourd'hui, ce ne sont pas les problèmes ou les défis, mais les moyens et les idées pour les résoudre. Ce qui manque encore davantage, c'est un consensus essentiel basé sur l'intérêt global.

2016 est la première année du XIIIe plan quinquennal chinois. La Chine va mettre en œuvre sa nouvelle normalité économique: un nouveau concept de développement basé sur l'innovation, la coordination, l'écologie, l'ouverture et le partage. Avec la mondialisation qui continue à progresser, de nouveaux facteurs d'incertitude sont à redouter en 2016 : poursuite de la croissance molle, fortes fluctuations de prix des matières premières, crises géopolitiques, aggravation de la concurrence entre grandes puissances, élections présidentielles dans plusieurs pays, propagation du terrorisme, vagues de réfugiés ou poursuite de l'accroissement des inégalités.

Le monde d'aujourd'hui est d'ores et déjà une communauté partageant les mêmes intérêts, dans la mesure où les économies sont fortement interdépendantes et où aucun pays ne saurait se développer tout seul. Pareil à un paquebot, le monde ne pourra surmonter les difficultés et traverser la tempête qu'en formant une communauté d'intérêts.

La crise économique couve partout

En 2016, la demande totale de l'économie mondiale continuera à baisser et il est peu probable que cette situation morose prendra fin de sitôt. Une nouvelle crise pourrait éclater, en raison de l'accumulation des risques financiers qui a atteint un niveau inquiétant. D'après les projections d'instituts de prévision, la croissance du PIB mondial serait de 2,8 %, supérieure à celle de 2015 qui était de 2,6 %. Les pays développés, sauf les États-Unis (+2,5 %) et la Grande-Bretagne (+2,35 %), connaîtront une situation économique mitigée, comme par exemple la zone euro et le Japon en faible croissance, de 1,7 % et de 1,2 % respectivement. Le dollar fort déclenchera le reflux des capitaux et alourdira l'endettement d'un certain nombre de pays en voie de développement. En raison des déficits mal contrôlés, une nouvelle crise financière n'est malheureusement que trop probable.

L'état général de l'économie mondiale attire notre attention sur les questions suivantes :

Primo, le dollar fort et la tendance à la poursuite de la hausse des taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine. La crise des dettes souveraines continuera à inquiéter les membres de la zone euro, tandis que la fuite des capitaux et la dévaluation de leurs monnaies sont quasi-inéluctables au Brésil, en Turquie, en Malaisie, en Indonésie, en Afrique du Sud et dans d'autres pays en développement. Ceci risque de déclencher une crise financière systémique susceptible de contaminer d'autres pays. Après la crise financière de 2008, les principales puissances n'ont eu de cesse de s'appliquer une politique monétaire souple et une politique de relance financière. Depuis 2009, les banques centrales de ces pays ont ainsi généré une création monétaire de 12 000 milliards de dollars. Depuis 2007, les dettes ont explosé dans le monde, s'accroissant de 57 000 milliards de dollars. Le taux de croissance du PIB des pays émergents, qui étaient le moteur économique du monde, est tombé de 7,4 % en 2010 à 3,8 % en 2015. Le commerce mondial s'est rétracté significativement et l'économie mondiale approche d'une nouvelle récession.

La Banque des règlements internationaux a indiqué dans son communiqué que « dans le monde, le niveau de l'endettement est trop élevé, la croissance de la productivité est trop faible et les risques financiers sont immenses ». Le journal britannique The Guardian affirme que l'« on ne sait pas quand surviendra le krach, mais on sait que la bulle du crédit enfle, que le taux de croissance a chuté, que les prix fluctuent et que les marchés des capitaux sont instables. De toute évidence, les facteurs de production doivent subir une restructuration. »

Secundo, dans la mesure où l'on peut difficilement envisager une reprise prochaine de l'économie mondiale, les prix des matières premières, notamment du pétrole, devraient continuer de baisser en-dessous des 30 dollars le baril actuels, ce qui expose l'économie mondiale à de nombreux risques complexes. Pour les pays exportateurs d'énergie, leur solvabilité risque de s'affaiblir et leur situation financière de se dégrader. Une attention toute particulière doit s'attacher à l'australie, au Brésil, à la Russie et à l'Afrique du Sud. En 2015, le PIB a reculé de 3,5 et de 3,8 % respectivement au Brésil et en Russie. Il est à prévoir que cette décroissance se poursuivra cette année, quoiqu'à un rythme peut-être moins élevé.

Enfin, devant l'explosion des incertitudes économiques et le manque de prévision d'une croissance sûre, il est probable que le niveau des investissements et des échanges iront en diminuant. Citons les principaux facteurs incertains : résultats imprévisibles du relèvement des taux d'intérêt par la Réserve fédérale ; demande faible et chômage aggravé dans la zone euro, susceptibles de provoquer une nouvelle crise ; risque d'enlisement des pays exportateurs de matières premières qui pourraient « contaminer » d'autres pays, et déclencher une crise systémique.

Multiplication des défis géopolitiques

En 2016, les défis géopolitiques vont s'intensifier. À l'heure actuelle, plusieurs régions sont le théâtre de troubles et de conflits incessants. La rivalité entrer puissances gagne en intensité et en complexité, de sorte qu'une guerre locale n'est pas à exclure. Par ailleurs, étant donné la position hégémonique qu'occupent les États-Unis, la présidentielle américaine risque d'exacerber les contradictions géopolitiques dans une région ou une autre de la planète, et transformer un conflit mineur en tragédie.

En survolant les problèmes actuels du monde, nous constatons que :

1. La crise ukrainienne continue de couver. Les conflits ne semblent pas vouloir prendre fin et se trouvent dans une impasse. La sécurité européenne future dépend de l'évolution des relations russo-américaines et russo-européennes. États-Unis, Russie et UE doivent réfléchir à l'avenir et comprendre qu'il n'est de l'intérêt de personne de poursuivre la guerre froide.

2. Dans le Proche-Orient déchiré par les troubles, on ne voit poindre aucune lueur d'espoir. Récemment, l'Arabie saoudite et l'Iran, leaders respectifs du camp sunnite et du camp chiite, ont rompu leurs relations diplomatiques. Suite à quoi le Bahreïn et le Soudan ont eux aussi rappelé leurs diplomates d'Iran. La tension monte dans cette région et les guerres par procuration qui s'y déroulent déjà risquent de gagner en intensité. Au lieu de résoudre les contradictions de la région, l'accord conclu sur la question du nucléaire iranien n'a servi qu'à aggraver la méfiance des pays du Golfe à l'égard de l'Iran. Les relations sont désormais si tendues qu'on ne peut pas écarter l'éventualité de conflits militaires. Dans ce contexte, les forces terroristes extrémistes telles que Daech ne montrent aucun signe d'essoufflement, même si elles ont perdu du terrain en Irak. La lutte anti-terroriste va s'intensifier et la menace terroriste s'étendra sur de nouvelles régions du monde.

3. En Asie, en particulier dans la mer de Chine méridionale, le « pivot » américain vers l'Asie-Pacifique continuera à se manifester de plus en plus rudement. Après avoir fait irruption « par erreur » en territoire chinois, les États-Unis pourraient continuer d'y faire défiler leur marine militaire. Quant au Japon, encouragé par l'appui de l'Oncle Sam, il enverra des navires de guerre patrouiller en mer de Chine méridionale. Et les Philippines misent sur l'arbitrage du tribunal international, qui sera rendu indépendamment du résultat des élections présidentielles. Une situation durablement tendue est donc à prévoir en mer de Chine méridionale.

Des complications géopolitiques qui auront des conséquences inéluctables sur l'économie mondiale et pèseront sur sa croissance.

Changement de la gouvernance mondiale

Les défis lancés par la gouvernance mondiale et l'élaboration de nouvelles règles de conduite internationales sont en contradiction avec le jeu des grandes puissances. Un rapport de forces qui risque d'entrer dans une phrase critique.

En 2015, on a vu les pays en voie de développement représentés par la Chine prendre part à la gouvernance mondiale et prendre l'initiative. Les contributions de la Chine à l'ONU en général et aux opérations de maintien de la paix en particulier ont été renforcées pour arriver respectivement à la troisième et à la deuxième place mondiales, soit environ 8 % et plus de 10 %. Par ailleurs, la coopération entre les BRICS et les membres de l'Organisation de coopération de Shanghai s'est renforcée. La Banque asiatique d'investissements pour les infrastructures, fondée sur une proposition chinoise, les nouvelles Routes de la Soie terrestre et maritime, illustrent un nouveau mode de coopération internationale caractérisé par le développement et l'enrichissement communs, bien accueillis par les pays concernés, notamment certains pays européens. La monnaie chinoise a été officiellement admise par le FMI dans la corbeille des droits de tirage spéciaux. Le projet de réforme du FMI et de la Banque mondiale a finalement été lancé. Tout cela montre que la gouvernance mondiale, autrefois monopolisée par l'Occident, est désormais partagée. Une révolution qui coïncide avec le changement du contexte international. 2016 amorcera une ère nouvelle.

En 2016, la Chine présidera à l'organisation du Sommet du G20. Un moment crucial de transition de son mécanisme de réponse aux crises pour son mécanisme de gouvernance à long terme, mais aussi pour la recherche de nouveaux moteurs de croissance et d'un nouveau mode de coopération et de développement dans le contexte économique morose actuel. Les pays en voie de développement et des puissances moyennes comme la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne ou l'Australie placent de grands espoirs dans la Chine. L'idée est de puiser dans la sagesse de la civilisation chinoise pour réformer le système et le mécanisme de gouvernance globale, trouver un nouveau mode de développement, une alternative au néolibéralisme et au « consensus de Washington » longtemps préconisés par l'Occident. Un moyen de conduire l'économie mondiale vers une nouvelle croissance généralisée.

Parlant des problèmes actuels de la gouvernance mondiale, le président Xi Jinping a exposé trois points :

Primo, l'économie mondiale est pratiquement sortie d'une passe dangereuse, quoique son rétablissement reste fragile et son moteur de croissance trop faible.

Secundo, la réforme de la gouvernance économique mondiale n'avance pas, parce qu'un changement profond est en cours dans les règles de l'économie et du commerce internationaux.

Tertio, la solidarité fait défaut dans la communauté internationale et il est difficile au G20, en tant qu'institution principale chargée de coordonner l'économie mondiale, d'harmoniser la politique macro-économique. Elle ne peut pour l'instant que jouer un rôle limité.

C'est à ce moment critique que la Chine assume sa responsabilité de travailler dans l'intérêt du monde entier. Sa volonté est que les fruits de son développement pourront profiter à d'autres pays et elle veut partager son expérience de développement avec le reste du monde. Le président Xi Jinping a annoncé au Sommet d'Ankara de 2015 que le Sommet de 2016 aurait pour thème « Bâtir une économie mondiale d'innovation, de dynamisme, d'interaction et de tolérance ». Cette idée de développement coïncide avec la nouvelle idée de développement adoptée par la cinquième session plénière du XVIIIe Comité central du Parti communiste chinois : « Innovation, coordination, écologie, ouverture et partage ». On peut admirer la synergie entre les nouveaux concepts de gouvernance et de développement en Chine et dans le monde, et constater que la Chine a commencé à jouer un rôle pilote dans la gouvernance du monde.

Le G20 rassemble les principales puissances du monde et la somme de leurs PIB représente 80 % de celui du monde. Il n'est donc pas exagéré d'affirmer qu'elles ont entre leurs mains l'avenir politique et économique du monde. Mais le progrès de la gouvernance mondiale dépendra du développement stable et d'une solution correcte apportée aux rapports entre les puissances, notamment d'un développement sain des relations sino-américaines.

À en juger par la coopération sino-américaine sur le problème du changement climatique, on voit qu'il est possible que deux pays s'accordent sur les grandes orientations de la gouvernance et coopèrent pour relever des défis de caractère global. Cela est aussi profitable au développement des relations sino-américaines et au maintien de la paix mondiale. Il faudra donc déployer tous nos efforts pour élargir la sphère et les domaines de coopération entre les deux pays et faire progresser ensemble la réforme et l'amélioration de la gouvernance du monde. En 2016, les États-Unis devront faire tout leur possible pour éviter que la campagne électorale ne nuise aux relations bilatérales. La coopération dans le domaine de la gouvernance mondiale peut justement aider à renforcer la confiance réciproque, dissiper la suspicion et par conséquent profiter au monde entier.

En 2016, la Chine et les États-Unis pourront faire avancer la gouvernance mondiale et prouver l'efficacité de la « double locomotive ». Premièrement, en maintenant l'orientation vers l'innovation et le développement coordonné de l'économie mondiale ; deuxièmement en résolvant ensemble la question qui est de faire du G20 « un directoire » de l'économie mondiale, au lieu d'un salon de conférence où l'on se dispute sans parvenir à prendre des décisions ni à les mettre à exécution ; enfin, continuer à réformer le système et le mécanisme de la gouvernance mondiale, renforcer le droit de parole des pays en voie de développement, afin de tenir compte du changement de rapport de forces dans le monde.

 

*HE YAFEI est ancien vice-ministre des Affaires étrangères et ancien directeur adjoint du Bureau des affaires des Chinois d'outre-mer relevant du Conseil des affaires d'État.

 

 

La Chine au présent

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