CHINAHOY

3-January-2018

L’initiative « la Ceinture et la Route » vue par des personnalités européennes

 

 

 

ZHANG XIN*

 

Le 29 novembre, la première session du Forum de Paris sur l'initiative « la Ceinture et la Route », organisée par l'ambassade de Chine en France et l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), s'est déroulée à Paris. Autour de quatre tables rondes, respectivement consacrées aux sujets suivants : « Les enjeux géopolitiques », « Les dynamiques économiques », « Les dimensions culturelles de “la Ceinture et la Route” » et « France, Union européenne, Chine : quelles relations ? ». Les participants ont pu échanger leurs idées et réflexions sur divers aspects de l'initiative « la Ceinture et la Route ».

 

 

Le 17 décembre 2017, le premier train pilote Chine-Europe
qui relie Chengdu, capitale de la province du Sichuan,
à Milan, en Italie, entre en gare de Chengdu.
 
 
 

Dans son discours prononcé à l'occasion de la cérémonie d'ouverture, Zhai Jun, ambassadeur de Chine en France, a estimé que l'initiative « la Ceinture et la Route », lancée en 2013 par le président chinois Xi Jinping, est une solution chinoise emplie de sagesse orientale, visant la prospérité commune du monde. Selon lui, l'initiative « la Ceinture et la Route », dont l'essentiel du contenu réside dans la promotion de la construction des infrastructures et de l'interconnexion, la promotion d'un développement coordonné et interconnecté, et la réalisation de la prospérité commune, a remporté des résultats féconds depuis sa création il y a plus de quatre ans ; de plus en plus de pays et d'organisations internationales répondent et soutiennent fortement l'initiative chinoise. « La Chine et la France se situent, la main dans la main, à un moment historique important, qui est de promouvoir ensemble “la Ceinture et la Route” et un développement commun. Je suis persuadé que nos deux parties ont de larges perspectives de coopération dans le cadre de cette initiative et sont en mesure de faire progresser les avantages mutuels et les résultats “gagnant-gagnant”. Le partenariat global stratégique entre la Chine et la France, ainsi que les partenariats sino-européens de paix, de croissance, de réforme et de civilisation, dans la nouvelle ère, remporteront de plus grands succès. »

 

Au cours du forum, l'ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine, l'ancien premier ministre italien Enrico Letta, le directeur de l'IRIS Pascal Boniface, et le directeur de recherche à l'IRIS Barthélémy Courmont nous ont accordé une interview, partageant leur opinion sur l'initiative« la Ceinture et la Route ».

 

Hubert Védrine : l'initiative ne regarde pas l'idéologie

 

L'initiative « la Ceinture et la Route » n'est pas une proposition politique ; elle ne regarde pas l'idéologie. C'est un système de coopération substantielle fondé sur des négociations concrètes entre la Chine et d'autres pays, a déclaré M. Védrine lors de l'interview.

 

Selon lui, tous les pays du monde sont actuellement surpris de la puissance de la Chine dans les domaines politique, diplomatique et économique. Donc, en fonction des projets apportés par la Chine, les pays mesurent le bien et le mal. Il est possible qu'ils s'intéressent à certains projets et croient d'autres dangereux. C'est normal que les pays aient des réactions différentes. Ce n'est pas un mode de pensée unique, mais une conclusion tirée d'après des questions et analyses concrètes. Au moment où les pays européens considéreront que la Chine investit trop dans des domaines « stratégiques », des débats et des pourparlers seront entamés, mais aucun pays ne souhaite qu'elle arrête d'investir.

 

En réalité, quand la Chine investit en Europe, elle a besoin de négocier avec des institutions à deux niveaux, l'Union européenne et ses pays membres, a fait remarquer M. Védrine.

 

On ne peut pas répondre simplement oui ou non pour juger si un pays accueille favorablement l'initiative « la Ceinture et la Route ». Plus précisément, les pays d'Europe de l'Est ont plus besoin des investissements chinois dans les infrastructures tandis que les pays d'Europe de l'Ouest n'en ont pas besoin ; ceux-ci ont besoin d'investissements dans d'autres domaines. On ne peut pas faire des jugements idéologiques selon le degré d'accueil que chaque pays réserve aux investissements chinois, car en fin de compte, l'initiative « la Ceinture et la Route » fait des dispositions selon les besoins de chaque pays, du fait que chaque pays a ses propres besoins réels.

 

Enrico Letta : la sagesse chinoise revêt une signification positive tant pour la Chine que pour l'Europe

 

« L'initiative “la Ceinture et la Route” est une importante opportunité que nous devons saisir, car c'est non seulement une initiative à long terme, orientée vers l'avenir, mais elle met également le développement économique et le bonheur du peuple à une position fondamentale », a précisé l'ancien premier ministre italien. Il croit que les Européens doivent saisir cette occasion pour s'approcher de la Chine et coopérer côte à côte avec elle.

 

D'après lui, grâce à l'initiative « la Ceinture et la Route », les dirigeants chinois témoignent au monde leur volonté de réaliser la prospérité commune et d'établir des relations de coopération marquée par des bénéfices mutuels avec les pays riverains. Il croit que la sagesse chinoise revêt une signification positive tant pour la Chine que pour l'Europe.

 

Les relations entre l'Europe et les États-Unis, sous l'influence politique du nouveau président américain, présentent plusieurs facteurs d'instabilité. « L'apparition de la Chine nous fait voir davantage d'opportunités importantes », a-t-il précisé. Justement quelques jours avant le forum, il a été heureux de savoir qu'un train direct de marchandises reliant l'Italie et la ville chinoise de Chengdu est entré en service, ce qui, pour lui, marque un grand pas en avant dans les relations sino-italiennes. M. Letta est d'avis que l'Italie accorde une grande considération à la Méditerranée, la Route de la Soie décrite par Marco Polo relie la Chine et Venise, une ville méditerranéenne. C'est pourquoi les Italiens s'intéressent beaucoup à l'initiative « la Ceinture et la Route ».

 

M. Letta se dit sûr du fait que cette initiative apportera des opportunités pour les grands pays européens, « car il existe des intérêts communs entre la Chine et l'Europe ». D'après lui, cela fait dix ans que l'Europe est plongée dans la crise, les Européens sont donc obligés de chercher des opportunités à l'extérieur. Voilà pourquoi l'initiative « la Ceinture et la Route » et la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures sont si importantes pour l'Europe.

 

M. Letta croit que la solution chinoise aidera le monde à trouver une issue générale, car c'est une solution avantageuse bipartite et multipartite. Le leadership chinois en train de se former est une force motrice positive pour le monde.

 

Parlant du doute des pays d'Europe de l'Ouest face aux investissements de la Chine en Europe de l'Est, M. Letta a dit : « Je ne crois pas que les investissements chinois en Europe de l'Est portent la moindre atteinte à l'Union européenne. Il est normal que l'Europe de l'Est choisisse la Chine comme un investisseur, car les deux parties ont eu des liens historiques étroits. Le fait que la Chine investit dans les pays d'Europe de l'Est est un signe positif pour l'Union européenne, puisque cela pourra combler la différence de développement entre l'Ouest et l'Est de l'Europe. »

 

Pascal Boniface : l'initiative « la Ceinture et la Route » n'est pas l'exportation du « modèle chinois »

 

Pascal Boniface, responsable de la partie française pour la première session du Forum de Paris sur l'initiative « la Ceinture et la Route » et directeur de l'IRIS, croit que cette initiative sera l'un des sujets stratégiques les plus importants au cours des dix prochaines années, la qualifiant d'« un enjeu de stabilité de l'économie mondiale », et que les pays européens sont les plus favorables pour les investissements chinois dans les infrastructures.

 

Cette initiative est non seulement un objet de recherche, mais également un objet d'éducation, a expliqué M. Boniface. Aux Français qui souhaitent en savoir plus, il faut leur fournir des informations correctes : l'initiative « la Ceinture et la Route » n'est pas l'exportation du « modèle chinois ». Le fait est que la Chine, en exportant ses marchandises, aide les pays et régions en développement à chercher des opportunités pour leur offrir une option en dehors des pays comme les États-Unis. Dans un contexte où les États-Unis nient le multilatéralisme, la Chine a comblé cette lacune dans le monde.

 

Les principaux défis auxquels fait face l'initiative « la Ceinture et la Route » consistent à faire en sorte que les pays riverains rendent compte du résultat « gagnant-gagnant » qu'elle apportera, a-t-il continué. À la question sur les doutes que les investissements chinois dans des pays d'Europe de l'Est ont récemment suscité, M. Boniface a déclaré : en fait, l'Europe a besoin des investissements chinois, elle croit en particulier que ces investissements dans les infrastructures sont positifs, car les projets d'investissement dans ces domaines sont non transférables.

 

En ce qui concerne les relations internationales actuelles, M. Boniface croit qu'il faut renforcer la coopération sino-française en matière de sécurité mais que la question climatique constitue également un sujet important de cette coopération. Le président français Emmanuel Macron va effectuer une visite en Chine début 2018, et l'initiative « la Ceinture et la Route » sera « au centre des discussions » de la rencontre entre les dirigeants des deux pays.

 

Selon M. Boniface, l'initiative « la Ceinture et la Route » est non seulement étroitement liée au multilatéralisme mondial, mais aussi en est une réponse. La France et la Chine doivent se tenir en première ligne de la protection du multilatéralisme, afin de défendre ensemble un monde multilatéral et de permettre à la coopération franco-chinoise de trouver davantage d'opportunités. Il estime que le manque d'infrastructures est souvent un piège qui conduit à l'incapacité de résoudre la question de la pauvreté et que la solution à ce problème dans le cadre de l'initiative « la Ceinture et la Route » témoigne du respect mutuel des deux parties et est susceptible d'apporter une ambiance de coopération paisible.

 

Barthélémy Courmont : la Chine soutient de tout temps le multilatéralisme

 

Étant donné que « la Ceinture et la Route » est l'initiative la plus ambitieuse dans le monde aujourd'hui et qu'elle concerne les domaines économique, politique, social et culturel, tous les pays doivent la connaître, la comprendre et y participer, a rappelé M. Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l'IRIS.

 

Selon M. Courmont, la Chine soutient de tout temps le multilatéralisme, tandis que le nouveau président américain, depuis son entrée en fonction, a toujours émis des signaux unilatéraux. Pour la Chine, les signaux de « partage et de résultat gagnant multipartite » donnés seront progressivement acceptés par la communauté internationale, en particulier, l'initiative « la Ceinture et la Route » va apporter des bénéfices aux partenaires. Si les connaissances les plus élémentaires sur l'initiative manquent, ou s'il existe un grand écart de compréhension, on risque de faire des jugements irrationnels et c'est pourquoi l'ambassade de Chine en France et l'IRIS ont conjointement organisé ce forum de Paris. Nous souhaitons guider le public correctement : l'initiative « la Ceinture et la Route » ne veut pas dire que la Chine va « acheter » l'Europe ; elle est un propulseur qui rendra l'Europe plus forte, a dit M. Courmont.

 

Et de poursuivre : il est normal que la Chine investisse dans des pays d'Europe de l'Est dans le cadre de l'initiative « la Ceinture et la Route ». Après avoir comparé les conditions prescrites par d'autres pays européens, les pays d'Europe de l'Est choisissent plus facilement la Chine pour que cette dernière investisse dans les infrastructures de leurs pays. Il convient de mentionner qu'à l'intérieur de l'Union européenne, les circonstances sont assez compliquées, les pays présentent des réalités économiques et politiques très différentes, ce qui fait qu'ils comprennent et répondent à l'initiative de manière différente. Et c'est tout à fait normal que les pays européens développés se montrent un peu mécontents de la baisse de leur part de marché en Europe de l'Est.

 

M. Courmont est persuadé qu'avec le perfectionnement de l'initiative « la Ceinture et la Route », de plus en plus de pays européens s'y engageront.

 

 

*Zhang Xin est journaliste pour les Nouvelles d'Europe.

 

 

 

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