CHINAHOY

2-September-2016

Nouvelles Routes de la Soie et nouvel ordre sécuritaire

 

Le 26 juillet 2016, lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères sur la coopération des pays d'Asie de l'Est à Vientiane (Laos), le ministre chinois Wang Yi a annoncé que la Chine et les pays de l'ASEAN avaient publié une déclaration conjointe visant à mettre en œuvre, intégralement et efficacement, la Déclaration sur la conduite des parties en mer de Chine méridionale.

 

HE YAFEI*

 

Pour promouvoir l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie, la Chine a proposé de discuter, construire et partager ensemble un esprit qui a trouvé un écho actif dans les pays riverains. En 2015, le volume du commerce bilatéral entre la Chine et ces pays s'est élevé à 995,5 milliards de dollars, soit 25,1 % du montant total du commerce extérieur réalisé par la Chine. L'investissement direct des entreprises chinoises dans ces pays a atteint 14,82 milliards de dollars, et ceux-ci ont investi 8,46 milliards de dollars en Chine, soit une croissance respective de 18,2 % et de 23,8 % en un an. L'année 2016 sera marquée par une progression substantielle, et les fruits de la coopération bénéficieront davantage à tous les peuples des pays concernés.

 

Afin de promouvoir sans heurt l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie, il est nécessaire d'assurer la paix et la stabilité dans la région Asie-Pacifique, un environnement de sécurité étant la base de la coopération. Pourtant, en raison de problèmes géopolitiques, la situation de sécurité en Asie-Pacifique devient plus complexe et plus sensible. La tâche de construire un nouvel ordre sécuritaire dans la région est lourde et un long chemin reste à parcourir.

 

La situation actuelle de sécurité en Asie-Pacifique

 

Dans l'ensemble, le désordre, l'incertitude et les risques s'accroissent dans la région Asie-Pacifique. Récemment, les tensions en mer de Chine méridionale et la décision des États-Unis et de la Corée du Sud de déployer le système de défense antimissile américain THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) dans ce pays d'Asie ont illustré la détérioration de la sécurité pour des raisons géopolitiques. Comme le dit un vieil adage, « ce n'est pas en un jour de froid que l'eau gèle sur trois pieds de profondeur ». La situation actuelle en Asie-Pacifique n'est pas un hasard. En voici les causes :

 

Premièrement, la stratégie du rééquilibrage américain vers la région Asie-Pacifique a renforcé les alliances militaires bilatérales des États-Unis avec des pays comme le Japon, les Philippines et l'Australie. Cela détruit l'équilibre stratégique régional, exacerbe les contradictions géopolitiques et les confits sur la souveraineté et les droits et intérêts maritimes, et renverse la situation relativement stable de la région.

 

Tout récemment, la revue américaine Foreign Affairs a publié un article intitulé The Case For Offshore Balancing, rédigé par John Mearsheimer, professeur à l'université de Chicago, qui explique en détail la stratégie globale et la pratique des États-Unis. Cet article souligne clairement que, pour les États-Unis, il faut entraver la Russie en Europe et en Asie, « équilibrer » l'émergence de la Chine, afin d'éviter que celle-ci ne devienne « un pays d'hégémonie régionale » défiant leur position prédominante.

 

Depuis la fin de la guerre froide, la politique américaine envers l'Asie-Pacifique, sous la direction du nouveau conservatisme et du réalisme offensif, vise à faire face à l'émergence de la Chine. La stratégie de l'équilibre offshore en constitue le principe fondamental. Dès la fin de la guerre froide, les États-Unis ont envisagé de fonder une petite OTAN en Asie. Mais les attentats du 11 septembre 2001 les ont contraints à réviser leur stratégie de politique extérieure et à se concentrer sur la lutte antiterroriste. La stratégie de rééquilibrage vers la région Asie-Pacifique s'est écartée temporairement du chemin établi.

 

Après l'accession de Barack Obama à la Maison Blanche en 2009, les États-Unis, ayant essuyé des revers en politique intérieure et extérieure, sont entrés dans une période de rétrécissement stratégique et ont entamé une fois de plus une révision des priorités de leur stratégie extérieure. Ils ont mis fin à la guerre en Iraq et déterminé un calendrier de retrait des troupes encore en Afghanistan. Vers 2010, l'administration Obama a avancé ses stratégies de retour en Asie et de pivot vers la région Asie-Pacifique, dont l'objectif est clair : comme toujours, éviter que l'émergence de la Chine ne menace la suprématie américaine en Asie-Pacifique et dans le monde.

 

Récemment, les États-Unis ont fait preuve d'ingérence directe dans les différends en mer de Chine méridionale en paradant leurs forces militaires et en appuyant la farce politique de l'arbitrage international initiée par les Philippines. De plus, les États-Unis et la Corée du Sud ont décidé de déployer le système de défense antimissile THAAD, une décision qui met en péril l'équilibre stratégique régional et qui aggrave le dossier nucléaire nord-coréen.

 

En février prochain, le nouveau président américain, qu'il soit républicain ou démocrate, sera confronté à un choix : embrasser l'isolationnisme ou continuer à jouer le rôle de gendarme du monde. Les États-Unis adoptent souvent l'isolationnisme lorsqu'ils subissent des revers dans leur stratégie extérieure. Cependant, avec une interdépendance de plus en plus étroite de l'économie et de la sécurité de tous les pays, il est difficile et irréaliste pour les États-Unis de reprendre le chemin de l'isolationnisme. D'ailleurs, quoi qu'ils choisissent, leur stratégie de sécurité visant la région Asie-Pacifique ne changera pas. Autrement dit, ils continueront à renforcer leur schéma de sécurité dans la région Asie-Pacifique sur la base de leurs alliances militaires. Face à cette situation, la Chine ne doit pas se bercer d'illusions.

 

Deuxièmement, le gouvernement japonais conduit par Shinzo Abe espère rétablir sa prédominance régionale par le renforcement de ses forces militaires et l'opposition à la Chine, ce qui fait écho à la stratégie des États-Unis en Asie-Pacifique. Les deux pays ont leur propre objet de convoitise, ce qui a un impact fortement négatif sur la sécurité régionale.

 

Le Japon tient à renverser le système de Yalta et l'ordre asiatique établis suite à la Seconde Guerre mondiale, et refuse de regarder en face son agression criminelle historique. Cela accentue non seulement les contradictions avec ses voisins asiatiques, mais aussi nuit à ses propres intérêts. À présent, le Japon s'obstine à tenir une position d'opposition en ce qui concerne les questions de la mer de Chine orientale et des îles Diaoyu. Il intervient directement avec les États-Unis dans des affaires liées à la mer de Chine méridionale en appuyant l'internationalisation des différends et en effectuant des patrouilles. Tout cela affecte gravement la paix et la stabilité dans la région Asie-Pacifique et est défavorable à la construction d'un nouvel ordre régional de sécurité.

 

Troisièmement, le schéma actuel de sécurité en Asie de l'Est va gravement à l'encontre du cadre de développement économique régional, avec un développement économique qui dépend de la Chine et une sécurité qui compte sur les États-Unis.

 

Les pays voisins de la Chine, notamment les membres de l'ASEAN, ont bénéficié d'avantages réels grâce au développement rapide de l'économie chinoise et la politique d'amitié et de bon voisinage à long terme de la Chine. Il s'agit d'une situation bénéfique mutuellement. En outre, la Chine a proposé la construction d'une communauté d'intérêts et de destin. Elle a exprimé à maintes reprises son souhait d'inviter d'autres pays du monde, notamment les pays voisins, à partager les fruits de son développement. Cependant, la stratégie sécuritaire dans la région Asie-Pacifique et le schéma de sécurité régionale que les États-Unis et le Japon pratiquent reposent toujours sur les alliances militaires des États-Unis, ce qui est incompatible avec la coopération mutuelle dans le contexte de la mondialisation et de l'intégration économique régionale.

 

La zone de libre-échange Chine-ASEAN a obtenu des résultats fructueux et est entrée dans une décennie de diamant suite à sa décennie d'or. On prévoit qu'en 2020, le volume du commerce bilatéral atteindra 1 000 milliards de dollars et que les nouveaux investissements bilatéraux dépasseront 150 milliards de dollars. Pourtant, les différends en mer de Chine méridionale entre certains pays de l'ASEAN et la Chine s'aggravent en raison de l'intervention des États-Unis et du Japon. Cela défavorise la coopération économique et commerciale bilatérale.

 

Si l'on n'arrive pas à contrôler et redresser ce phénomène, la sécurité dans la région Asie-Pacifique continuera à rester en désordre et les risques sécuritaires s'accumuleront. Dans ce cas, il sera de plus en plus difficile de promouvoir l'intégration économique régionale et de concrétiser l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie.

 

La nécessité d'efforts de toutes les parties

 

La Chine poursuit fermement la voie d'un développement pacifique et espère construire un environnement et un ordre sécuritaires pacifiques et stables à long terme dans la région Asie-Pacifique. La sécurité et le développement se répondent et se complètent. Le développement durable de la Chine et des pays de la région nécessite un environnement pacifique et stable. L'Asie-Pacifique étant la locomotive de la croissance mondiale, tous les pays doivent éliminer les obstacles et surmonter les perturbations géopolitiques, afin de construire un nouvel ordre de sécurité régionale sous les principes directeurs de sécurité mutuelle et de sécurité coopérative. Cela apportera également un meilleur environnement politique pour la mise en œuvre des Nouvelles Routes de la Soie.

 

Pour atteindre ces objectifs, il faut que toutes les parties déploient des efforts conjoints.

 

Premièrement, la Chine et les États-Unis doivent engager en toute franchise des discussions approfondies sur les problèmes existants de sécurité dans la région Asie-Pacifique et les moyens de construire le nouvel ordre sécuritaire, afin de parvenir à un cadre stratégique stable qui favorise la stabilité régionale et évite les conflits régionaux. Il faut aussi renforcer progressivement la confiance mutuelle par des actes concrets en faveur du remodelage de l'ordre régional.

 

Les États-Unis ont déclaré à maintes reprises qu'ils espéraient construire un système sécuritaire régional au sein duquel la Chine pouvait jouer son rôle. La nécessité s'impose alors de répondre à ces questions clés : sur quelles règles se fonderait ce système ? Qui les fixerait ? Si les règles sont toujours centrées sur les alliances militaires autour des États-Unis et qu'elles excluent la Chine et la prennent pour cible, comment la Chine pourra-t-elle accepter un tel ordre discriminatoire et exclusif ?

 

Il faut donc clarifier les règles avant d'établir un ordre régional caractérisé par la sécurité mutuelle et la sécurité coopérative. De plus, tous les pays de la région doivent posséder un droit égal à la parole dans l'élaboration des règles. Il s'agit d'une demande fondamentale de la démocratisation des relations internationales et de la base pour promouvoir l'intégration économique régionale et les initiatives de coopération comme les Nouvelles Routes de la Soie.

 

Deuxièmement, la paix et le développement restent les thèmes principaux de notre époque. La construction d'un nouvel ordre sécuritaire en Asie-Pacifique sous les principes directeurs de la sécurité mutuelle et de la sécurité coopérative favorisera la paix et le développement régionaux. Le mécanisme, le temps et la sincérité des participants sont trois facteurs essentiels.

 

La région Asie-Pacifique compte de nombreuses organisations régionales, notamment le Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC), le Sommet de l'Asie orientale, le Forum régional de l'ASEAN, etc. Une recherche approfondie est nécessaire pour trouver la meilleure pour discuter et construire les nouvelles règles et le nouvel ordre de sécurité régionale. S'il faut créer une nouvelle organisation pour aborder ce sujet, cela nécessitera une coordination et une réflexion encore plus approfondies. L'essentiel est que ce mécanisme fournisse une plateforme pour garantir le droit égal à la parole de toutes les parties et assurer la sécurité en faveur du développement et de la coopération.

 

Cette construction ne peut être accomplie immédiatement. Il faudra des dialogues, des consultations et des négociations approfondis pour prendre en compte les intérêts de toutes les parties. La politique, l'économie, la sécurité et la culture de la région sont complexes, notamment avec l'existence d'ordres et d'arrangements variés en matière de sécurité.

 

Actuellement, la première mission est d'atténuer les tensions régionales. Il faut utiliser le mécanisme actuel de contrôle des crises, afin d'éviter que les différends ne deviennent une crise pouvant menacer la sécurité régionale. En même temps, il faut éviter tout acte susceptible de détruire l'équilibre stratégique régional, par exemple avec le déploiement du système de défense antimissile THAAD en Corée du Sud. De plus, tous les pays doivent prendre des mesures de confiance en vue de créer des conditions favorables à la construction d'un nouvel ordre sécuritaire régional, à l'approfondissement de la coopération commerciale et à la promotion de l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie.

 

Comme base de négociations, la sincérité favorise la construction de la confiance et montre la volonté et la résolution de toutes les parties à établir un nouvel ordre juste et raisonnable. La sincérité doit se retrouver dans des actes concrets, plutôt que dans des paroles vides.

 

Troisièmement, il faut résoudre les différends en mer de Chine méridionale avec prudence et chercher à atténuer les tensions régionales avec l'idée d'une double voie. Il faut engager des négociations pacifiques en ce qui concerne la souveraineté et les droits et intérêts maritimes, et résoudre le problème du déploiement du THAAD qui menace l'équilibre stratégique régional. Face à ces défis urgents, les parties doivent tenir compte de la situation générale pour la paix et le développement de la région et prendre des mesures actives.

 

L'initiative des Nouvelles Routes de la Soie proposée par la Chine est une nouvelle idée et un nouveau mode de coopération internationale. Elle contribue également à la gouvernance régionale et mondiale. Sa mise en œuvre favorisera l'intégration culturelle, la stabilité politique et le développement économique des pays traversés et concernés, tout en encourageant l'intégration et la sécurité globales de la région. Pourtant, la concrétisation de cette initiative nécessite aussi un environnement stable et un ordre juste et raisonnable en matière de sécurité régionale.

 

 

La Chine au présent

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