CHINAHOY

28-February-2017

Fuite des entreprises étrangères ? Allons donc !

 

Joe Kaeser, PDG du groupe allemand Siemens, tient un discours au Forum de développement de Chine, organisé en mars 2016 à Beijing.

 

ZHOU LIN, membre de la rédaction

 

Les médias occidentaux ont beaucoup traité le sujet des « retraits massifs d'investissements étrangers » en Chine depuis 2015. On a pu lire et entendre des journalistes affirmant qu'un grand nombre d'entreprises étrangères retiraient leurs capitaux ou transféraient leur production vers d'autres pays d'Asie du Sud-Est ou ailleurs.

 

Une étude réalisée par la délégation allemande à l'industrie et au commerce est entièrement opposée à ce propos, puisqu'elle révèle que plus de 90 % des chefs d'entreprise allemands interrogés déclarent un sentiment neutre ou optimiste sur les effets à attendre du XIIIe Plan quinquennal sur leurs activités en Chine. La même proportion de chefs d'entreprise déclare n'avoir aucune intention de quitter la Chine dans l'année qui vient.

 

Témoins de l'évolution de la Chine

 

Rue Jiuxianqiao Est, à Beijing, on trouve par exemple la Siemens Factory Automation Engineering Ltd (SFAE) créée en 1993, la première filiale de la société allemande Siemens dédiée à l'automatisation en Chine.

 

Le quartier de Wangjing qui accueille l'entreprise est une zone résidentielle du nord-est de Beijing qui comprend une population permanente d'environ 300 000 personnes. C'est aussi un carrefour des technologies de pointe, puisque la zone abrite d'autres fleurons de l'industrie des télécoms et de l'Internet comme ABB, Motorola, Sony Ericsson, Panasonic, Microsoft. C'est ici le cœur de la « Vallée Mobile » (Mobile Valley) voulue par le gouvernement chinois et installée au nord du Parc technologique de Wangjing.

 

« Lorsque nous nous sommes installés ici, nous étions au milieu des champs. Comme vous voyez, il y a maintenant des gratte-ciel partout, raconte Lothar Herrmann, président de Siemens China. Maintenant, nous sommes une entreprise locale en Chine. »

 

La société Siemens, fondée en 1847, est l'un des chefs de file mondiaux des technologies électriques et électroniques. Son histoire en Chine a débuté dès 1872. En plus de 140 ans de présence, elle est devenue l'un des plus importants investisseurs étrangers en Chine, avec 70 filiales qui emploient un total d'environ 32 000 salariés. Au cours de l'exercice fiscal 2015 (l'année comptable chez Siemens court du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015), Siemens a réalisé un chiffre d'affaires de 6,94 milliards d'euros.

 

Parmi les événements qui ont jalonné ces 140 ans d'histoire, on peut rappeler que la société allemande a fourni des générateurs à la centrale hydroélectrique Shilongba dans le Yunnan et ainsi participé aux débuts des énergies renouvelables en Chine, ou qu'elle a conçu le premier tramway chinois. Siemens a également été l'artisan de l'électrification de la brasserie de Qingdao et installé le premier centre radiographique en Chine.

 

Siemens est ainsi témoin et acteur des bouleversements qui ont eu lieu en Chine. En tant que première société holding étrangère présente en Chine depuis le lancement de la politique de réforme et d'ouverture, Siemens a participé aux processus de la réforme et de l'ouverture, à l'amélioration constante de l'environnement commercial, à la standardisation des règles commerciales et au renforcement de la gouvernance commerciale.

 

M. Herrmann affirme par ailleurs que ces dernières années, le gouvernement chinois a accordé une plus grande importance au climat des investissements et mis l'accent sur la formation d'un environnement plus « doux » pour attirer les capitaux étrangers. La Chine accélère ses réformes et élargit sans cesse son ouverture au monde pour construire un « environnement écologique de marché » plus ouvert, transparent et prévisible pour les entreprises chinoises et étrangères. Avec l'entrée de l'économie chinoise dans la nouvelle normalité, la coopération économique globale entre la Chine et le monde ouvre des possibilités sans précédent pour les entreprises étrangères. « La Chine est extrêmement attrayante pour les commerçants étrangers. Nous voyons encore de grandes possibilités et des opportunités abondantes pour l'avenir en Chine », affirme M. Herrmann.

 

Siemens présente ses projets interactifs numériques au Sommet mondial de la fabrication intelligente, tenu à Nanjing (Jiangsu) en décembre 2016.

 

Opportunités dans la nouvelle normalité

 

Travailler au développement à long terme de la Chine par les technologies et l'expérience, et non dépendre de politiques préférentielles, telle est la stratégie de Siemens sur le marché chinois.

 

Alors que le gouvernement allemand présentait son projet « Industrie 4.0 », le gouvernement chinois proposait le plan « Made in China 2025 ». Des noms de code différents pour une même mission : renforcer la compétitivité nationale dans un environnement industriel en constante évolution. Avec le plan « Made in China 2025 », la Chine vise à transformer son industrie à forte intensité de main-d'œuvre en une industrie à forte intensité technologique, et trouver sa compétitivité par les solutions numériques.

 

En juin 2016, la chancelière allemande Angela Merkel et le premier ministre chinois Li Keqiang ont assisté au renouvellement par Siemens et la Commission nationale du développement et de la réforme du mémorandum d'entente concernant la coopération globale qui les lie. Ce renouvellement étend la coopération aux domaines de la fabrication intelligente, des infrastructures intelligentes et des énergies durables. En réponse au « Made in China 2025 » et au plan d'action « Internet+ », Siemens propose à la Chine ses technologies et ses solutions d'entreprise numérique afin de contribuer à la transformation et à la modernisation des industries chinoises.

 

Au cœur de la ville de Chengdu dans le Sud-Ouest de la Chine, la vieille ville est encerclée par des gratte-ciel et des autoroutes à voies multiples. On peut encore y goûter la gastronomie épicée qui fait la fierté de la province du Sichuan et y trouver un mode de vie moins stressant que celui qui règne à Beijing.

 

C'est ici que le centre de recherche-développement dédié aux produits d'automatisation industrielle, qu'on appelle ici Siemens Electronic Works Chengdu (SEWC), a centralisé ses activités. Attirés par le niveau de numérisation supérieur à la moyenne nationale que l'on trouve à Chengdu, de nombreux fabricants de produits technologiques de pointe y ont développé des activités. Le gouvernement local s'efforce d'autre part de créer des conditions favorables pour les start-up afin d'attirer plus d'investisseurs. L'exemple de Chengdu montre que l'innovation de haute technologie n'est plus en Chine réservée à la capitale ou aux grandes villes côtières.

 

SEWC est une « usine numérique » nouvellement ajoutée au système global de développement et de fabrication de produits d'automatisation industrielle de Siemens. La société s'est engagée dans la voie de la conception et de la fabrication numériques qui représente selon elle la voie du futur pour l'industrie mondiale à l'ère de l'« Industrie 4.0 ». SEWC est le troisième centre de R&D de produits d'automatisation industrielle de Siemens, qui suit de près ceux que l'entreprise a créés en Allemagne et aux États-Unis. C'est aussi sa première « usine numérique » à l'étranger.

 

Anton S. Huber, PDG de la division de l'usine numérique de Siemens, ambitionne pour SEWC une intégration complète dans le système mondial de production de Siemens. Ceci signifierait vendre ses produits non seulement sur le marché local, mais aussi fournir des produits de haute technologie à l'échelle mondiale.

 

« On trouve peu d'usines en Chine qui fonctionnent à ce niveau », explique le Dr. Gunter Beitinger, venu d'Allemagne. Même si l'automatisation a fait des progrès considérables dans l'industrie chinoise, atteindre un tel niveau de valeur ajoutée ne peut se faire que par une analyse précise et une optimisation totale des processus, étape par étape. Telles sont les conditions préalables d'une usine numérique.

 

L'usine accueille plus de 5 000 visiteurs chaque année. Des délégations des plus grandes entreprises industrielles chinoises viennent étudier chez SEWC la façon d'organiser la production de contrôleurs et autres composants électroniques. Ce qui les intéresse le plus, ce sont les méthodes par lesquelles l'usine a réussi à mettre en œuvre ce concept d'entreprise numérique. Toute la production, à SEWC, est numériquement enregistrée, suivie, analysée et optimisée.

 

Les Nouvelles Routes de la Soie, « Made in China 2025 », de nouveaux types d'urbanisation, la fabrication intelligente... Ces initiatives et politiques chinoises offrent une infinité de possibilités nouvelles. « Ce que nous devons faire actuellement, c'est réajuster nos activités pour les mettre en conformité avec les tendances du développement futur de la Chine », déclare M. Herrmann.

 

« Pour nous, la Chine est un marché très important dans lequel nous investissons et engageons la coopération. Notre coopération porte sur un vaste éventail de domaines : l'innovation, la R&D, ainsi que la production, les services et le cycle de vie complet du produit », explique Herrmann.

 

Dividendes partagés avec les entreprises chinoises

 

Nous vivons à la fois la meilleure et la pire époque. Au cours des 30 dernières années consacrées à la réforme et à l'ouverture, avec le développement économique de la Chine et l'évolution du coût des facteurs, tant pour les entreprises étrangères que pour les entreprises chinoises, on a vu se modifier en permanence les domaines d'investissement, l'envergure et la rentabilité des projets.

 

« Pour prendre un exemple, des entreprises à forte intensité de main-d'œuvre de l'Est de la Chine, y compris des entreprises à capitaux étrangers, ont progressivement migré vers les régions du Centre et de l'Ouest, voire même dans des pays voisins. Ce phénomène est normal et résulte du fait que le marché joue un rôle décisif dans l'allocation des ressources, déclare le ministre chinois du Commerce Gao Hucheng. Aujourd'hui, nous portons plus d'attention à la qualité des investissements étrangers. »

 

M. Gao a cité des chiffres qui indiquent que les investissements étrangers en Chine poursuivent leur croissance stable. En 2015, la Chine a accueilli pour 126,3 milliards de dollars d'investissements étrangers (hors banques, assurances et actions), une progression de 5,6 % sur 2014. Au cours du XIIe Plan quinquennal, les investissements étrangers en Chine ont crû de 30 % par rapport aux cinq ans du XIe Plan. Les chiffres de 2014 et 2015 ont été les plus élevés sur deux années consécutives.

 

« Cela montre bien que le développement économique de la Chine et l'environnement des affaires continuent d'exercer une forte attraction sur les investisseurs étrangers », souligne M. Gao.

 

Il est à noter qu'en 2014, les citoyens et entreprises chinois ont déposé un total de 837 000 demandes de brevets à travers le monde. Un chiffre qui dépasse de loin celui des États-Unis et du Japon, les leaders traditionnels, qui ont déposé respectivement 500 000 et 465 000 brevets. L'époque est révolue où les entreprises étrangères réalisaient des profits colossaux grâce à leur monopole technologique, car les entreprises chinoises ont fortement développé leur capacité de recherche-développement. Gree Electric, une entreprise chinoise spécialisée dans les appareils électroménagers, a investi deux milliards de yuans dans la R&D en 2009, un chiffre qui a doublé en 2015. Cette importance accordée à l'avancée technologique a valu à Gree Electric de nombreux prix technologiques nationaux.

 

La R&D est également une priorité de Siemens en Chine. Le département de la technologie de l'entreprise (SLCCT) est la plus grande base de R&D de Siemens hors de l'Allemagne. Jusqu'à l'exercice fiscal 2015, la société Siemens possédait 20 centres de R&D en Chine dans lesquels l'entreprise employait environ 4 500 chercheurs et ingénieurs et gérait plus de 10 000 brevets et demandes en cours.

 

Chen Liming, président du conseil d'administration d'IBM China, une entrerprise transnationale d'information et de technologie qui se targue de plus de 30 ans de présence en Chine, a affirmé que la Chine a eu raison de s'appuyer sur les hautes technologies, un facteur qui a provoqué un accroissement des investissements. Les investissements chinois dans la recherche scientifique ont occupé le deuxième rang mondial depuis 2006 et devraient rattraper ceux des États-Unis vers 2020. La part des investissements chinois consacrés à la recherche scientifique dans le PIB a dépassé celle de l'UE en 2014. Le marché chinois aspire à la réalisation de prouesses technologiques les plus avancées du monde et il souhaite devenir un foyer mondial de l'innovation technologique.

 

Pendant le XIIIe Plan quinquennal, sous la direction du concept de développement innovateur, coordonné, vert, ouvert et partagé, la Chine accélérera le processus de construction d'un nouveau système économique ouvert et maintiendra fermement sa volonté d'élargir l'ouverture et de créer un environnement des affaires régulé, internationalisé et facilité.

 

« Le climat d'investissement de la Chine sera plus transparent, stable et donc favorable au développement de tous les types d'entreprises. Je suis sûr que la Chine demeurera la destination la plus populaire au monde pour les investisseurs », affirme M. Gao.

 

« La Chine est le deuxième marché étranger pour Siemens et elle maintiendra son importance de marché d'investissement vital », déclare M. Herrmann. Et d'ajouter que le XIIIe Plan quinquennal est encourageant pour les hommes d'affaires étrangers. « Nous sommes prêts à avancer main dans la main avec la Chine, maintenant comme dans l'avenir », conclut-il. 

 

 

La Chine au présent

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