CHINAHOY

3-August-2016

La croissance mondiale face à la nouvelle normalité

 

Jin Liqun, gouverneur de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, lors d'une session parallèle du Forum d'été de Davos le 28 juin 2016.

 

HE YAFEI*

La Banque mondiale a annoncé le 7 juin que sur l'année 2016, la croissance de l'économie mondiale serait sans doute inférieure à 2,4 %. Récemment, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale avaient déjà abaissé plusieurs fois leurs prévisions de croissance mondiale pour 2016. Actuellement, les personnalités du monde des affaires se disent pessimistes et inquiètes.

On considère qu'il faut généralement de 5 à 7 ans pour sortir d'une crise économique et financière. Cependant, 8 ans après la crise financière mondiale de 2008, la reprise économique mondiale reste laborieuse.

La dette de plus en plus lourde, le chômage en hausse et la croissance ralentie se généralisent dans les pays développés. La stagnation économique mondiale, le relèvement des taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine ainsi que le dollar fort conduisent à des turbulences sur les marchés financiers mondiaux et à la chute continue des prix des matières premières. La plupart des pays en développement connaissent eux aussi un ralentissement de leur croissance, la dévaluation de leur monnaie et une augmentation de leur endettement. Il se pourrait que la croissance mondiale atteigne bientôt le bas de la « courbe en L » et que cette situation se maintienne encore quelques temps. Tout cela résulte à la fois des fluctuations périodiques et des déséquilibres de l'économie mondiale qui nécessitent un réajustement structurel.

Pour le moment, la communauté internationale partage largement les points de vue suivants sur ces facteurs clés de l'évolution économique mondiale :

Premièrement, le développement rapide de l'économie chinoise a polarisé l'attention mondiale. La Chine est entrée dans une période cruciale de son réajustement structurel qui se caractérise par la transformation de sa croissance par l'investissement et les exportations vers un nouveau mode de croissance basé sur la demande avec une part de plus en plus importante du secteur des services, et marqué par le début d'une réforme axée sur l'offre. Ce réajustement commence à porter ses fruits et son évolution focalise l'attention des milieux économiques du monde.

Deuxièmement, le cours des biens de grande consommation comme le pétrole brut et les ressources reste bas. Des pays émergents dépendants des exportations de matières premières ont vu leur dette nationale s'accroître et leur monnaie se dévaluer massivement, d'où la nécessité de plans d'austérité économique. L'abaissement des prix du brut devrait stimuler la demande et la consommation de pétrole tout en promouvant le développement économique des pays importateurs. Cependant, l'impact négatif de la croissance faible de l'économie mondiale a atténué l'effet bénéfique attendu de l'abaissement des prix.

Troisièmement, aux resserrements monétaires de la Réserve fédérale américaine et au dollar fort s'ajoutent des politiques monétaires assouplies de l'euro et du yen, de nombreux pays développés recourant à l'arme du « taux négatif », une manœuvre jamais vue. Conséquences : des fluctuations aggravées sur les marchés financiers, course vers les monnaies refuges et dégradation continue de l'environnement financier externe des pays émergents. Tout cela freine le développement économique.

Quatrièmement, la mondialisation et l'anti-mondialisation se développent de conserve. Le populisme et le nationalisme progressent dans un grand nombre de pays, notamment dans les pays développés. Citons comme exemple le Brexit et les péripéties de l'élection présidentielle aux États-Unis, signes de la montée des sentiments anti-mondialisation dans ces pays. Dans le même temps, l'aggravation des conflits géopolitiques entre de grandes puissances menace la stabilité mondiale, détériorant l'environnement économique mondial, accentuant l'isolationnisme politique et la montée du protectionnisme, affaiblissant les bases de coopération et l'esprit de solidarité entre les grandes puissances. Vu le manque de coordination en matière de politiques macroéconomiques des puissances économiques majeures, il est difficile d'agir en commun pour contrer la tendance à la baisse de l'économie mondiale.

Face à cet environnement complexe, la communauté internationale focalise son attention sur la Chine pour souhaiter la réussite de sa transformation économique et la croissance moyennement rapide promise par la nouvelle normalité, afin qu'elle continue de stimuler la croissance mondiale et de proposer au monde la sagesse du projet chinois de développement durable. C'est pourquoi tous les pays placent de grands espoirs dans le Sommet du G20 à venir.

Aujourd'hui, alors que l'économie mondiale est entrée dans l'ère de la nouvelle révolution industrielle et de la révolution informatique, les nouvelles formes et les nouveaux modes économiques et financiers se multiplient et se développent rapidement. Face à l'illusion perdue du néolibéralisme économique et du consensus de Washington proposés par des Occidentaux, tous les pays cherchent un nouveau modèle de croissance et de développement. En tant que deuxième puissance économique contribuant annuellement pour plus de 30 % à la croissance mondiale, la Chine, qui assure également la présidence tournante du G20 en 2016, peut-elle faire quelque chose de plus pour la croissance mondiale ?

Pour la Chine, sa plus grande contribution à l'économie mondiale consiste à mener à bien ses propres affaires. Les avantages comparatifs de la croissance chinoise connaissent des changements profonds. L'ouverture sur l'extérieur de la Chine est entrée dans une nouvelle phase, caractérisée par la stratégie dite « introduire de l'étranger » des apports de haut niveau et la politique du « sortir des frontières » sur une vaste échelle, notamment par l'exportation de capitaux. Dans ce contexte, il faut élargir davantage l'ouverture dans le domaine de services et encourager la montée en gamme des industries chinoises dans la chaîne de valeur mondiale afin de s'adapter à la nouvelle normalité.

Dans le cadre de sa stratégie nationale de développement général, la Chine promeut activement son initiative des Nouvelles Routes de la Soie, le développement coordonné de la zone Beijing-Tianjin-Hebei et la construction de la ceinture économique du Yangtsé, pour faire valoir pleinement la supériorité de l'économie de marché socialiste dans un esprit d'innovation, dans le but de réaliser la montée en gamme de sa structure industrielle et sa transformation économique.

La Chine doit promouvoir sa transformation économique dans la stabilité en profitant pleinement de la nouvelle révolution industrielle et de la révolution informatique afin de former un nouveau système économique ouvert, qui combine étroitement l'économie et la finance. Pour maintenir sa croissance moyennement rapide et le développement durable et continuer à jouer son rôle de moteur majeur de l'économie mondiale, elle doit renforcer sa réforme du côté de l'offre parallèlement à l'accroissement de la demande globale, conformément au concept de développement innovateur, coordonné, vert, ouvert et partagé.

Deuxièmement, en tant que membre de la troïka qui assure la présidence tournante du Sommet du G20, la Chine doit jouer pleinement son rôle de noyau dirigeant de l'économie mondiale pour promouvoir la coordination de la macroéconomie et des politiques financières des économies majeures. Tout cela doit permettre d'éviter l'effet négatif de débordement des politiques monétaires de certaines puissances économiques telles que les États-Unis, de réduire ainsi le risque de turbulences financières et de renforcer la confiance sur le marché mondial.

Aujourd'hui les politiques monétaires contradictoires des pays développés aggravent les incertitudes sur le système financier mondial.

Les leçons douloureuses du passé le prouvent. Depuis les années 1970 en Amérique latine et les années 1990 en Asie, l'alternance de politiques monétaires tantôt flexibles et tantôt strictes des pays développés, a mené à plusieurs reprises à des crises financières dans les pays émergents où les réserves péniblement accumulées par l'État et les citoyens ont été réduites à néant.

En tant que puissance économique majeure dans le monde, mais aussi en tant que représentant des pays en développement, la Chine doit parler haut et fort pour ces pays au sein des institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale ou le G20. Elle doit aussi participer à la réforme du système financier et monétaire actuel et faire des efforts pour promouvoir la coopération Sud-Sud, prenant pour point d'appui de nouvelles institutions financières telles que la Banque de développement des BRICS, le Fonds de la Route de la Soie et la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, afin d'améliorer la capacité des économies émergentes à parer aux risques financiers externes et bien réagir aux désordres financiers.

Troisièmement, étant donné l'accroissement du poids de la Chine dans le système économique et financier mondial, elle doit jouer son rôle moteur pour la réforme du mécanisme de gouvernance économique mondiale. À partir de la réforme de son système financier et monétaire, elle doit promouvoir activement la mise en œuvre de mesures visant à renforcer la gestion des banques transfrontalières et des institutions financières influentes, conformément à la demande des dirigeants des pays membres du G20, afin d'établir des bases et de créer un environnement favorable pour l'économie mondiale.

Depuis 2008, en raison de la variation des rapports de force mondiaux ainsi que du développement économique mondial, le mécanisme de gouvernance économique mondiale demande une réforme importante. La gouvernance dominée par l'Occident doit se transformer en gouvernance conjointe de l'Occident et de l'Orient. De nouvelles pistes de réflexion, de nouveaux mécanismes et de nouvelles méthodes seront donc nécessaires. Grande puissance, la Chine doit jouer son rôle moteur dans l'économie mondiale pour faire progresser étape par étape toutes les réformes de la gouvernance économique mondiale.

Actuellement, tous les pays préparent des projets de réforme et placent un grand espoir dans la Chine afin qu'elle joue son rôle moteur dans la réforme de la gouvernance économique mondiale lors du Sommet du G20.

Certaines mesures de la réforme sont déjà connues. Par exemple, il sera possible de transformer les droits de tirage spéciaux du FMI en monnaie de réserve mondiale mobilisable. D'autre part, il est question de procéder à une internationalisation progressive du yuan dans le cadre de la diversification des monnaies déterminant les prix des matières premières afin d'en stabiliser les prix.

Toutes les déclarations des dirigeants du Sommet du G20 s'accordent autour d'un constat : il faut remédier au plus vite à la fragmentation de la gouvernance mondiale et aux tendances conflictuelles de la géopolitique, s'opposer au protectionnisme, afin de créer un environnement favorable au libre-échange et à l'investissement. Il existe aujourd'hui plus de 450 zones de libre-échange dans le monde. Les États-Unis promeuvent activement l'Accord de partenariat transpacifique (TPP) et le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) mais en excluent des pays comme la Chine. Ceci souligne l'urgence pour trancher ces problèmes.

 

*HE YAFEI est ancien vice-ministre des Affaires étrangères et ancien directeur adjoint du Bureau des affaires des Chinois d'outre-mer relevant du Conseil des affaires d'État.

 

 

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